vendredi 19 avril 2024
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Patrick Barbuscia : « En tout Sicilien, il y a une personne nostalgique »

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D’origine sicilienne, l’écrivain Patrick Barbuscia, auteur d’une conférence en mars 2022 sur le thème du polar sicilien à la bibliothèque Louis Notari-médiathèque de Monaco, explique ce qui caractérise les romans policiers marqués par le sceau de la Trinacrie. Interview.

C’est quoi, le polar sicilien ?

Dans le polar, il y a une spécificité qui ressort lorsqu’il s’agit de la Sicile. Le style alterne entre le terrible et le magnifique, mais aussi l’humour, qui n’est jamais bien loin de la nostalgie. « Après les rires viennent les pleurs », comme dit le proverbe. Dans l’humour, on camoufle pas mal de mélancolie, aussi.

Comment décrire son atmosphère ?

Il y a la mer, bien sûr, et les restaurants, qui occupent une place primordiale dans le tableau que l’on dresse de la Sicile. L’église et la famille s’imbriquent particulièrement aussi. Et il y a la mafia, qui est aussi très présente.

Pourquoi la mafia ?

Quand on parle de la Sicile, on la réduit souvent à la mafia. Cela peut s’expliquer par l’aspect clanique de cette partie d’Italie, comme peut l’être la Corse vis-à-vis de la France. Dans les polars siciliens, on retrouve en fait quatre chose : la famille, la religion, l’État absent ou présent, et enfin la mafia. C’est un élément indissociable.

« Je viendrai à Monaco à nouveau en 2023, à la bibliothèque Louis Notari, pour l’anniversaire d’Andrea Camilleri (1925-2019), l’auteur des Montalbano, qui est mort il y a deux ans »

C’est un genre classifié ?

Non, ce n’est pas vraiment classifié. Mais c’est un univers qui ressort. Tous ces éléments : la famille, la religion, l’État et la mafia, ne sont pas systématiquement présents dans une œuvre, mais pas mal d’auteurs siciliens ne peuvent pas s’empêcher d’en parler.

Ce sont ces auteurs siciliens qui vous ont inspiré ?

Pas forcément. Je suis plutôt inspiré par Agatha Christie (1890-1976), ou encore par Frédéric Dard (1921-2000) pour ses aventures de San-Antonio, je corresponds d’ailleurs avec son fils, Patrice. J’aime aussi Léo Malet (1909-1996) pour Nestor Burma, Auguste Le Breton (1919-1999) pour Le clan des siciliens, et les polars des années 1970, en général. Mais aussi des musiciens, comme Roberto Alagna, Frédéric François, qui m’a accordé la préface d’un de mes livres, et Jacques Veneruso, dont a été repris la chanson Sous le vent.

Comment définir la Sicile ?

La Sicile, elle marche par trois, comme la Trinacrie représentée sur son drapeau : trois pointes, pour trois mers. C’est aussi une culture influencée par les invasions qu’elle a subies : l’invasion grecque, espagnole, et arabe. On en retrouve encore les vestiges aujourd’hui.

Quel est votre rapport à la Sicile ?

Mon père et ma mère sont Siciliens, je parle le sicilien, je connais bien leurs proverbes, et leurs recettes culinaires [rire]. Quand mes parents sont morts, j’étais dans leur maison, et j’ai dû me débarrasser de plusieurs choses, dont certaines cartes postales. Et, alors que je faisais le tri, j’en ai retrouvé une où j’écrivais, à l’époque de l’adolescence, que je me sentais profondément Sicilien…

« Dans les polars siciliens, on retrouve en fait quatre chose : la famille, la religion, l’État absent ou présent, et enfin la mafia. C’est un élément indissociable »

Écrire sur la Sicile, c’est une manière d’y retourner ?

Oui, c’est une manière d’y revivre. C’est l’expression d’une nostalgie. En tout Sicilien il y a une personne nostalgique. Mais j’aime bien m’amuser aussi. J’essaie d’avoir mon style et ma technique d’écriture, et de développer une manière de vivre, avec plusieurs vies en une seule.

Qu’avez-vous écrit d’autre ?

J’ai écrit huit romans, quasiment tous chez la maison d’édition Les presses du midi. Et mon neuvième roman, Amortelle va bientôt sortir : c’est un roman à la limite de la sciences-fiction, qui se passe pendant le confinement. Siciliano, le détective privé, mène une enquête à Marseille, le premier jour du confinement, alors que la fille d’un colonel a disparu.

Vous serez de retour à Monaco en 2023 ?

Je viendrai à Monaco à nouveau en 2023, à la bibliothèque Louis Notari-médiathèque, pour l’anniversaire d’Andrea Camilleri (1925-2019), l’auteur de la série du commissaire Montalbano, qui est mort il y a deux ans. C’est un auteur à la syntaxe particulière, un langage sicilien qui mélange tragique et comique. Je présenterai une conférence en son honneur.