jeudi 28 mars 2024
AccueilCultureGuillaume Musso : « La solitude pèse de plus en plus »

Guillaume Musso : « La solitude pèse de plus en plus »

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Invité d’honneur à la cinquième édition de la Nuit Blanche des Livres à la Villa Les Camélias de Cap d’Ail, Guillaume Musso s’est livré devant son public sur sa carrière d’auteur français numéro un des ventes, et sur son nouveau roman, L’inconnue de la Seine, qui sortira en librairies le 21 septembre 2021.

Une semaine avant le dixième Salon du livre de Monaco (voir notre encadré), la « Nuit Blanche des Livres fait son après-midi » réunissait plusieurs auteurs de renom, dont Guillaume Musso, invité d’honneur de cet événement, organisé dans le jardin de la Villa Les Camélias de Cap d’Ail. Face au public, et lors d’une table ronde animée par notre confrère de RTL Bernard Lehue, ce romancier prolifique, qui reste encore l’auteur français le plus vendu depuis dix années consécutives (un million et demi d’exemplaires écoulés en 2020), s’est livré à un jeu de questions-réponses où il a dévoilé les coulisses de sa carrière.

Son nouveau roman

L’auteur s’est d’abord confié sur les origines de son dix-neuvième roman, L’inconnue de la Seine, dont la sortie est programmée au 21 septembre 2021, aux éditions Calman-Lévy. L’intrigue, qui débute par le repêchage d’une jeune femme dans la Seine, devenue amnésique, lui est venue de ses lectures de jeune lycéen : « En classe de Première, pour le bac français, j’ai été amené à lire Aurélien (1944) de Louis Aragon (1897-1982), parmi les œuvres à étudier, et je me suis rappelé de cette première phrase du roman : « La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide. » Cette première phrase est géniale. Aurélien trouve que Bérénice est laide, mais cela ne l’empêche pas d’en tomber amoureux. Peu à peu, elle lui fait même penser à ce masque de plâtre, exposé chez lui, qui est le visage mortuaire d’une jeune noyée, retrouvée près d’un pont. L’employé de la morgue l’avait trouvée si familière, qu’il avait voulu qu’on moule son visage. » L’histoire de l’inconnue de la Seine est d’ailleurs une histoire vraie, un fait divers qui avait marqué la fin du XIXème siècle, et dont le portrait de la jeune femme avait été dupliqué en milliers d’exemplaires jusqu’à devenir un objet de décoration prisé des artistes dans les années 1920, au milieu des ateliers du Paris Bohème. Aragon, lui-même touché au point d’en consacrer un roman, la qualifiait même de Joconde noyée. « J’avais toujours adoré ça, je l’avais dans un coin de la tête et je pensais en faire une sorte de version moderne. J’avais donc ce début d’histoire depuis dix ou quinze ans, mais ce n’était qu’un début comme un autre, un début comme j’en ai 200 dans mon ordinateur. La brigade fluviale retrouve cette jeune femme, nue et amnésique, qui s’est jetée du pont de la Seine. » Au-delà de ce début, propre à la dramaturgie pure, Guillaume Musso a ensuite voulu incorporer plusieurs thèmes à sa nouvelle œuvre : « J’avais à la fois envie d’écrire sur le théâtre, au sens large, la mise en scène, les troupes, le jeu d’acteur, et sur le personnage mythologique Dionysos, un personnage plus complexe qu’on ne le pense, qui est le dieu du théâtre, de l’ivresse et de la perte de contrôle de soi. Cela fait plusieurs années que je lui consacre un dossier. Puis, tout à coup, sans trop savoir pourquoi, le thème s’est cristallisé, et les idées se sont enchaînées une à une. C’est un moment très jouissif, où tout se met en place. »

Guillaume Musso dédicace Monaco
© Photo Communication Cap d’Ail

« J’avais à la fois envie d’écrire sur le théâtre, au sens large, la mise en scène, les troupes, le jeu d’acteur, et sur le personnage mythologique Dionysos, un personnage plus complexe qu’on ne le pense »

Guillaume Musso

Sa manière d’écrire

Vient alors, pour l’auteur, le moment de noircir le papier. Mais comment Guillaume Musso fait-il du Guillaume Musso ? « Avant de se mettre devant le clavier, il faut une phase de tuyauterie, un squelette de l’histoire, qui consiste à écrire sur vingt pages un enchaînement, une sorte de micro-résumé des chapitres, raconte-t-il. Ce travail est long si on veut bien le faire. Et ensuite vient l’écriture proprement dite. » L’écrivain cite d’ailleurs un autre écrivain moderne, à ce sujet, en la personne de Pierre Lemaître, prix Goncourt 2013 : « Il faut faire confiance à l’écriture, mais pas trop », rappelant par là-même que l’écriture d’un roman relève d’un véritable travail, qui s’opère avec rigueur et suivi, selon lui : « Oui, il faut faire confiance à l’écriture. On a en effet des idées qui émergent au moment où on écrit, mais il ne faut pas compter sur une inspiration ex nihilo qui va permettre d’écrire un livre sans base, sans plan, ni fiches de personnages, ni recherches. Il y a un équilibre à trouver entre une préparation en amont, et le moment où vraiment on écrit, pendant neuf mois, et où on ajoute la chair sur le squelette. »

© Photo Communication Cap d’Ail

« Le succès n’y change rien, non plus. Ce n’est pas parce que vous avez écrit quinze livres que vous allez réussir à écrire le suivant »

Guillaume Musso

Ses journées type

Une fois passé le volet sur ses techniques d’écriture, Guillaume Musso s’est ensuite confié sur sa journée type d’écrivain : « J’amène mes deux enfants à l’école. Je vais dans le bureau de mon éditeur, rive gauche, puis j’écris jusqu’à 13 heures. Ensuite, je déjeune et je pars travailler dans un autre bureau d’un ancien appartement que j’ai gardé, rive droite, jusqu’à 20 heures. Cela me permet d’avoir des journées plus longues. Je n’écris jamais chez moi. C’est long, c’est lent, je ne suis pas productif du tout. Ce sont des journées enthousiasmantes parfois, mais laborieuses aussi. Parfois vous faites et ça ne va pas. Le livre ne s’écrit pas tout seul. » Le romancier insiste d’ailleurs sur l’importance de la case « travail » dans son cheminement créatif : « Parfois, on voit des auteurs à succès qui, d’année en année, travaillent moins, et ça se sent. Je me suis toujours interdit d’en arriver là. Ce succès est une chance, il faut s’en montrer digne. Et donc, travailler. » Mais c’est quoi, au juste, travailler ?  « Je n’hésite pas à jeter 40 ou 50 pages pour les réécrire s’il ne se produit pas ce que j’attends de l’écriture. Il y a des petits moments de jubilation lorsqu’on débloque quelque chose, lorsque l’on trouve la bonne formule, la belle phrase. Mais il y a aussi beaucoup de moments laborieux et stressants, même si on ne m’a jamais imposé de “deadline” [une échéance – NDLR]. Je n’ai jamais signé de ma vie un contrat me demandant de rendre un livre à telle date, par exemple. Par contre, il y a l’incertitude propre au fait de ne pas avoir de route tracée, de méthodologie toute faite. » Et, pas de recette miracle pour avancer. Même l’expérience n’y change pas grand-chose : « Le succès n’y change rien, non plus. Ce n’est pas parce que vous avez écrit quinze livres que vous allez réussir à écrire le suivant. Certes, vous avez un savoir-faire, qui est vrai et qui est juste, mais ce n’est parfois pas suffisant pour lancer la machine. Mais c’est très bien comme ça. On garde l’impression qu’un miracle se produit. Car, pour moi, terminer un livre, c’est toujours de l’ordre de l’irrationnel, et à chaque fois c’est une satisfaction très propre. »

« Parfois, on voit des auteurs à succès qui, d’année en année, travaillent moins, et ça se sent. Je me suis toujours interdit d’en arriver là. Ce succès est une chance, il faut s’en montrer digne. Et donc, travailler »

Guillaume Musso

Ses habitudes de travail

Pour conclure, Musso a révélé quelques-unes de ses habitudes, de ses petites manies : « J’écoute toujours, depuis vingt ans, le même type de musique qui, par un effet un peu pavlovien, me ramène au travail. Des gens comme Philip Glass, comme Keith Jarett, que je n’écoute jamais en dehors. C’est vraiment lié au travail, à une couche sonore propice à traverser ce no man’s land qui consiste à écrire. Écrire, c’est fermer une porte, comme l’a dit Stephen King. C’est trouver un moyen de s’extraire de son propre quotidien pour entrer dans l’univers de la fiction et de l’imaginaire, et ça ne se fait pas en dix minutes. Si j’ai un quart d’heure, je ne vais rien pouvoir faire. Il faut traverser ce passage pour se sentir pénétré dans le roman. » Et, pour cela, pas besoin de carburant particulier, outre le café, mais plutôt d’un sacrifice pour ce père de famille : « Malheureusement, la solitude qui est nécessaire au travail pèse de plus en plus. Année après année, je le ressens, et c’est de plus en plus dur. C’est un effort qui coupe de plus en plus que de passer des journées seul. Mais, le côté magique, c’est qu’après les neuf mois d’écriture, on a le miroir des lecteurs qui renvoient ce qu’il ont perçu du livre, et ce qu’ils en ont compris. »

« J’écoute toujours, depuis vingt ans, le même type de musique qui, par un effet un peu pavlovien, me ramène au travail. Des gens comme Philip Glass, comme Keith Jarett, que je n’écoute jamais en dehors »

Guillaume Musso

Le Salon du livre de retour à Monaco

Qu’elle était attendue, cette dixième édition du Salon du livre de Monaco, après l’annulation malheureuse de l’édition 2020, perturbée par l’épidémie de Covid-19. C’est donc au milieu des coques de bateaux du tunnel Riva que l’événement a pu fêter sa décade les samedi 19 et dimanche 20 juin 2021, en présence du prince Albert II, venu inaugurer le retour du salon littéraire en principauté. Quelque 110 auteurs étaient programmés, dont plusieurs têtes d’affiche, comme Bernard Werber, Alain Duhamel et Alain Duault, ou encore l’écrivain et producteur Cédric Biscay, créateur du manga monégasque Blitz dans lequel apparaît le prince Albert II. D’autres personnalités ont cependant été forcées d’annuler leur venue. C’est le cas de Frédéric Beigbeder, qui a repoussé sa venue à Monaco, pour raisons familiales, au mois d’octobre. Il devrait en effet donner spécialement une conférence en principauté, comme l’a confié à Monaco Hebdo Yvette Gazza-Cellario, co-organisatrice de ce salon et présidente de l’association des Rencontres littéraires Fabian Boisson. Même chose pour Jean-Louis Debré, retenu pour la couverture des élections régionales, qui devrait également revenir à Monaco pour une conférence en octobre 2021. Christophe Barbier a également été contraint d’annuler pour couvrir les élections régionales et départementales. Éric Naulleau, cas contact Covid, a aussi été contraint d’annuler sa venue en principauté.