vendredi 26 avril 2024
AccueilCultureEttore Spalletti met la villa Paloma aux couleurs des Abruzzes

Ettore Spalletti met la villa Paloma aux couleurs des Abruzzes

Publié le

Jusqu’au 3 novembre, l’exposition Ombre d’azur, transparence, d’Ettore Spalletti, est à voir à la Villa Paloma. Le Nouveau musée national de Monaco (NMNM) dévoile 30 œuvres de cet artiste italien. Découverte.

Pour la Villa Paloma, Ettore Spalletti a imaginé un parcours éclectique. Sur les trois étages, les œuvres historiques, provenant de son atelier à Pescara, côtoient celles de collections privées. « Je connais Ettore Spalletti depuis un certain nombre d’années. Nous sommes allés voir cet artiste chez lui sur son lieu de travail à Pescara. C’est assez particulier. Il habite et travaille dans la même région des Abruzzes depuis toujours », confie Marie-Claude Beaud, directrice du Nouveau musée national de Monaco (NMNM). La Villa Paloma a ouvert ses 875 m2 aux tableaux et sculptures de l’artiste aux formes et volumes épurées. Ombre d’azur, transparence, est une exposition où la cohérence de l’itinéraire répond aux souhaits du peintre. Spalletti veut faire dialoguer les sept salles entre elles. Les pièces et les volumes se succèdent dans un subtil jeu de couleurs monochromes.

Projet

Né en 1940 à Cappelle sul Tavo, une ville d’un peu moins de 4 000 habitants, située dans les Abruzzes, en Italie, Ettore Spalletti est un artiste respecté. Son travail est salué pour sa rigueur, et la poésie simple de ses œuvres. Depuis sa première exposition, en 1975, il s’attèle à limiter toute trace de fracture picturale. L’intervention de la main du peintre est réduite à sa plus simple expression. Le style et la réalisation de l’artiste suggère la notion de durée. Depuis deux ans, il travaille sur le registre de la délicatesse. « La possibilité d’un projet a mûri assez longtemps. Cristiano Raimondi a travaillé avec Spalletti, son épouse, et son assistante », explique Marie-Claude Beaud. Avant d’ajouter : « Quand Ettore est venu à Monaco, il s’est rendu à la Villa Paloma. Sur la terrasse, il a admiré la vue sur la mer et les montagnes. À ce moment-là, il a donné son accord pour réaliser cette exposition. L’histoire a démarré de cette manière. Je pense que c’est une question de relation au paysage. »

Atmosphère

Les peintures de Spalletti, au bleu azur, rappellent un horizon intemporel mêlant ciel et mer. Une évocation qui fait référence à la côte des Abruzzes. « Le rapport à la mer est changeant. À la Villa Paloma, Ettore Spalletti en a fait une représentation dans un dessin bleu. C’est l’illustration d’une mer disparaissante. On ne sait plus si c’est un dessin abstrait ou non », raconte la directrice du NMNM. Vivant et travaillant à Pescara, l’artiste accorde aussi de l’importance à la relation entre mer et montagne. « Ce rapport a été un élément déclencheur du projet. En visite à Pescara, Cristiano Raimondi avait noté cette relation essentielle. Donc c’était important qu’Ettore vienne à Monaco. Car il fait des projets où les œuvres se parlent entre elles. Ce n’est pas un assemblage par hasard », souligne Marie-Claude Beaud.

Lumière

Méditatif, Spalletti est sensible à l’expérience de la lumière. « Les œuvres choisies sont déterminées en fonction du lieu et de la lumière. Il a proposé de refaire l’ensemble du système électrique de la Villa Paloma. Dans ma carrière, c’est la première fois qu’un artiste me demande cela », relate la directrice du NMNM. À la Villa Paloma, l’exposition est conçue à travers un parcours chronologique d’œuvres allant de 1980 à 2019. « On a donc complètement changé le système d’éclairage. On a installé un deuxième système de néons fixes. Ainsi, on a eu une lumière uniforme. Ça permet une lecture du travail d’Ettore très particulière. Présente ou pas, la lumière extérieure doit intervenir dans cette description de l’œuvre », estime Marie-Claude Beaud. Ainsi l’approche de l’artiste est de réussir à créer une lumière sans ombre.

Technique

L’exposition met en scène les divers aspects du travail de l’artiste italien. Des colonnes stylisées, des peintures monochromes, et des sculptures récentes ornent les espaces de la Villa Paloma. La réalisation du sculpteur et peintre est qualifiée de contemplative et méthodique. C’est aussi une approche originale, souvent longue et minutieuse. « Spalletti a conçu beaucoup d’œuvres pour l’exposition. Il travaille de manière extrêmement lente. Il refait régulièrement la surface des peintures. Sans y toucher, il peut les laisser plusieurs mois dans son atelier. Après, il peut de nouveau les reprendre pour les terminer. 

C’est un processus très particulier », indique la directrice du NMNM. Dans son atelier, Spalletti travaille sur des surfaces en bois. Avec méthode, il applique plusieurs couches de peinture. Multipliant l’opération, l’artiste ponce les surfaces secs pour faire apparaître les pigments. Pendant des mois, il applique des couches successives de plâtre imprégné de pigments. Ainsi, ses œuvres sont recouvertes d’une fine couche de pâte laissant propager la lumière et les couleurs. « Je ne connais pas beaucoup d’artistes travaillant ainsi. À Pescara, dans son atelier, ce qui frappe c’est l’exposition des œuvres. Ce choix est constamment présent dans son travail. C’est une histoire assez particulière », glisse Marie-Claude Beaud.

Couleurs

Lorsqu’il réalise une œuvre, Spalletti cherche à fusionner l’art et l’espace. La luminosité des couleurs doit abolir les frontières entre l’ombre et la lumière. Les œuvres de cet artiste italien sont monochromes, avec des tons roses et bleus. Ces couleurs poudreuses évoquent les paysages des Abruzzes. « Pour Ettore, c’est une déclinaison du rapport entre le soleil et la mer. Un coucher de soleil, on le voit orange. Mais il y a des fins de parcours dans des tons roses. Le rose, le bleu et le blanc absolu, sont des couleurs liées au ciel », souligne la directrice du NMNM. Ettore Spalletti est mondialement reconnu comme le « maître des Abruzzes ». Mais l’artiste n’aime pas qu’on l’appelle ainsi. « La starisation ne l’intéresse pas. Il s’efface au profit des ses œuvres. D’ailleurs, il ne signe pas ses toiles. Il a une grande modestie face à son travail. Dans son atelier, ses œuvres sont installées, voire posées. Il y a une forme de respect », considère Marie-Claude Beaud.

Pour entrer dans le monde d’Ettore Spalletti, un documentaire a été réalisé par Alessandra Galletta, entre  2016 et  2018

Minimaliste

L’art de Spalletti s’inscrit dans une forme de radicalité parfois considérée comme minimaliste. Les œuvres du peintre et sculpteur sont tactiles et métaphysiques. Une géométrie simple, une dématérialisation des volumes sont orchestrées par les couleurs monochromes (roses, bleus, blancs absolus). « D’une certaine manière, on peut le voir comme minimaliste. Car il restreint les couleurs, les matières et formats. Ce sont des formats assez répétitifs, décrypte la directrice du NMNM. Mais chez Ettore, la démarche n’est pas celle-là. Il ne cherche pas à diminuer les couleurs et les espaces. Ce qui compte, c’est le sujet. C’est-à-dire d’où il vient et où il est. C’est peut-être un art simple. Mais il ne faut pas le voir comme simpliste. Historiquement, Ettore ne se rattache pas au courant minimaliste. Il travaille beaucoup sur cette notion de reflet. C’est évident lorsque l’on rentre dans une salle. » Dans son atelier, Spalletti travaille en pensant aux artistes de la Renaissance. Ses maîtres sont Raphaël (1483-1520), Fra Angelico (1400-1455), et Masaccio (1401-1428).

Documentaire

Pour entrer dans le monde d’Ettore Spalletti, un documentaire a été réalisé par Alessandra Galletta, entre 2016 et 2018. « C’était important de raconter l’aventure d’un tel artiste. Le film décrit comment ses œuvres ont connu un succès international. Il y a aussi des interviews de proches : Patrizia Leonelli, et Benedetta Spalletti. Ces témoignages permettent de resituer son travail dans l’histoire de l’art, juge Marie-Claude Beaud. Ettore se place toujours dans un processus de création et transmission. Ce documentaire aide beaucoup à la compréhension de son travail. Ainsi, on a noté une satisfaction des visiteurs après les projections. » Ce documentaire a été projeté en juin 2019 à Perpignan, lors du festival du livre d’art et du film (FILAF). L’exposition Ombre d’azur, transparence entre dans le programme du NMNM dédié à la scène artistique contemporaine. « J’aimerais garder la bibliothèque avec les livres en papier de soie, et les colonnes. Mais à condition que nous trouvions les fonds. Il faut conserver un témoignage du travail de Spalletti. C’est un vrai cadeau. Nous avons parlé avec Françoise Gamerdinger, la nouvelle directrice des affaires culturelles », conclut la directrice du NMNM. A suivre.

Renseignements :

Exposition Ombre d’azur, transparence, d’Ettore Spalletti

NMNM — Villa Paloma. À Monaco, 56 bd. du Jardin Exotique

Jusqu’au 3 novembre 2019. Nocturne le 6 septembre,

de 18h à 21h (accessible gratuitement)

Renseignements : 98 98 48 60 et www.nmnm.mc/publics

Réservations : public@nmnm.mc.