vendredi 26 avril 2024
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Culture Sélection de janvier 2023

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Dans Culture Sélection, Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées, et musique.

Les Cinq Diables, de Léa Mysius

Odeur. Après Ava (2017), voici le deuxième long-métrage de Léa Mysius. Présenté en mai 2022 à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, Les Cinq Diables raconte l’histoire de Vicky (Sally Dramé). Dans un décor de montagnes, Les Cinq Diables s’étire dans un village où l’ennui n’est jamais loin. La mère de Vicky, Joanne, est maître nageuse (Adèle Exarchopoulos), son père Jimmy, est pompier (Moustapha Mbengue). Vicky a pour don un odorat hors normes, qu’elle utilise pour enfermer des odeurs dans des bocaux. Après des années d’absence, la sœur de de Jimmy, Julia (Swala Emati), débarque. Sans pouvoir l’expliquer, Vicky ne l’aime pas et réclame très vite son départ. Entre thriller, film fantastique, et drame familial, Les Cinq Diables est une jolie réussite.
Les Cinq Diables de Léa Mysius, avec Adèle Exarchopoulos, Sally Dramé, Swala Emati (FRA, 2022, 1 h 43), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 21 janvier 2023.

The Pale Blue Eye, de Scott Cooper

Vengeance. Augustus Landor (Christian Bale), veuf depuis trois ans, vit seul, loin de tout, dans la vallée de l’Hudson. Cette ex-star de la police de New York est contactée par l’académie militaire de West Point pour une affaire de meurtre. Pour cela, Landor va faire équipe avec un élève, Edgar Allan Poe (Harry Melling). Neige, noirceur, ésotérisme et ambiance gothique font de The Pale Blue Eye, un film prenant. De la confrontation entre la raison, les émotions, le surnaturel, la justice, et la vengeance naît un long-métrage qui se termine de façon forte, et inattendue, par un huis clos d’une vingtaine de minutes. Aux frontières du fantastique, ce film est aussi un polar vénéneux, porté par les performances de Christian Bale, Harry Melling, et Gillian Anderson.
The Pale Blue Eye de Scott Cooper, avec Christian Bale, Harry Melling, Gillian Anderson (USA, 2022, 2 h 10). A voir sur Netflix.

Juste Sous Vos Yeux, de Sang-soo Hong

Retour. Sangok (Lee Hye-young) a connu ses heures de gloire. Mais le temps a passé, et cette actrice est désormais rentrée dans le rang. Un jour, un réalisateur en vogue lui offre un rôle dans son prochain film. L’occasion de relancer sa carrière est là. A 62 ans, Hong Sang-soo signe un film d’une rare sensibilité. Depuis ses débuts en 1996 avec Le Jour où le cochon est tombé dans le puits, ce cinéaste coréen multiplie les films. Juste Sous Vos Yeux est son 28ème long-métrage et, depuis, il a réalisé deux autres films : La Romancière, le film et le heureux hasard (2022) et Walk Up (2022). Dans Juste Sous Vos Yeux, il se livre à une magnifique réflexion sur le temps qui passe, alors que Sangok revient en Corée, où elle a grandi.
Juste Sous Vos Yeux de Sang-soo Hong, avec Hye-Young Lee, Hae-hyo Kwon, Yunhee Cho (COR-SUD, 2022, 1h25), 16,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 7 février 2023.

Eo, de Jerzy Skolimowski

Ane. A travers les yeux très expressifs d’Eo, un âne gris, le réalisateur, acteur et artiste peintre polonais Jerzy Skolimowski, 84 ans, nous donne l’occasion de découvrir le monde. Son seul appui, et le seul amour qu’il reçoit, vient d’une équilibriste. Le reste de son périple est rythmé par un parcours chaotique, qui le conduit dans des fermes et des haras, où il est régulièrement exploité. Avec Eo, les dialogues sont accessoires, car l’essentiel est ailleurs. Jerzy Skolimowski dépeint une société cruelle et violente, où la seule lueur d’humanité vient d’un âne gris. Eo nous renvoie aussi vers Au hasard Balthazar (1966) de Robert Bresson (1901-1999), un film dans lequel on suivait les aventures d’un âne maltraité par les hommes, au cœur des Pyrénées, dans les années 1960.
Eo de Jerzy Skolimowski, avec Sandra Drzymalska, Tomasz Organek, Mateusz Kosciukiewicz (ITA/POL, 2022, 1h29), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 22 février 2023.

Deux vies, d’Emanuele Trevi

Hommage. Né à Rome en 1964, Emanuele Trevi a remporté le 8 juillet 2021 le prix Strega, le « Goncourt italien », avec Deux vies. Dans ce livre, il rend hommage à deux grands noms de la littérature italienne décédés prématurément, Rocco Carbone (1962-2008) et Pia Pera (1956-2016). Très proche d’eux, Emanuele Travi dresse leurs portraits, et raconte leur rencontre à Rome, dans les années 1990. Il évoque leur travail d’écriture, leurs doutes, et la difficulté à être heureux et épanouis face à leurs exigences et aux ambitions qu’ils nourrissaient. A travers ce livre sensible, Emanuele Travi fait revivre ses deux amis, et, en parallèle, il nous plonge dans la passionnante vie littéraire romaine. En lisant Deux vies, Emanuele Trevi rend le souvenir de Pia Pera et Rocco Carbone particulièrement vivace.

Deux vies d’Emanuele Trevi, traduit de l’italien par Nathalie Bauer (Philippe Rey), 160 pages, 17 euros (format « papier »), 12 euros (format numérique).

Rugby en Chœurs, de Guilhem Herbert

Hymnes. De quoi bien préparer le Tournoi des 6 Nations, qui se déroulera du 4 février au 18 mars 2023, juste avant la Coupe du monde de rugby, qui aura lieu en France, du 8 septembre au 28 octobre 2023. C’est ce que vous propose cette semaine Culture Sélection, avec Rugby en Chœurs, de Guilhem Herbert. Ce livre passionnant nous offre une plongée au plus près des hymnes et des hommes qui font le rugby depuis des générations. Guilhem Herbert dévoile les relations entretues par certains joueurs avec l’hymne de leurs pays. L’occasion d’apprendre, par exemple, que l’Anglais, Will Carling, n’apprécie pas particulièrement le God Save the King, ou que les Français Fabien Pelous et Imanol Harinordoquy n’ont presque jamais chanté La Marseillaise, par superstition. Quant à l’Italien Sergio Parisse, malgré 142 sélections au compteur, il lui est souvent arrivé de ne pas pouvoir chanter, étreint par l’émotion. Plus de 60 joueurs se livrent ici comme jamais.
Rugby en Chœurs de Guilhem Herbet (Amphora), 160 pages, 29,95 euros.

Les Esclaves de l'homme pétrole

Les esclaves de l’homme-pétrole, de Quentin Muller et Sebastien Castelier

Travailleurs. Dans Les esclaves de l’homme-pétrole, les journalistes Sebastian Castelier et Quentin Müller racontent la condition de travailleur immigré dans les pays du Golfe. Pour nourrir leur analyse, ils se sont appuyés sur une soixantaine de témoignages, tous plus sidérants les uns que les autres, notamment lorsqu’ils se sont intéressés à la préparation de la Coupe du monde de football au Qatar. Les chantiers ont été le théâtre de beaucoup de morts. Si le quotidien britannique The Guardian évoquait 6 500 décès, le Qatar a nié, avançant un total de 34 morts : trois sont liés au travail, et 34 ont d’autres causes, selon les autorités qataries. Plus largement, ce livre raconte la vie des milliers de personnes qui viennent d’Afrique de l’Est et d’Asie pour travailler dans des conditions très difficiles dans les pays du Golfe. Dans ce livre important, Sebastian Castelier et Quentin Müller donnent la parole à ces « esclaves de l’homme-pétrole ». Et c’est précieux.
Les esclaves de l’homme-pétrole de Quentin Muller et Sebastien Castelier (Marchialy), 264 pages, 37 euros.

le Pays de Judas

Le pays de Judas, de Conrad Botes

Afrique du Sud. On l’appelle parfois Konradski. Né en 1969 au Cap, l’artiste et auteur de BD sud-africain Conrad Botes s’est illustré par son travail au sein de la revue Bitterkomix, en compagnie de l’artiste sud-africain contemporain Anton Kannemeyer, dit Joe Dog. Dans Le pays de Judas, Conrad Botes propose sept histoires réalisées en noir et blanc, dont cinq sont totalement inédites. Il part d’un matériau qui est celui des mythes bibliques, pour en faire une retranscription qu’il installe dans notre société actuelle. Il évoque ainsi les conflits sociaux et les révoltes face à certains Etats très autoritaires. Marqué par la violence et l’oppression qu’il a côtoyées en Afrique du Sud, Conrad Botes nous livre des histoires où les dialogues sont rares. Mais, même sans les mots, il parvient à raconter son pays avec une force qui ne laisse pas indifférent.
Le pays de Judas de Conrad Botes (Cornélius), 120 pages, 24,50 euros. Sortie le 2 février 2023.

Tango Volver

Tango Volver, de Hanneriina Moisseinen

Père. Dans Tango Volver, l’artiste finlandaise Hanneriina Moisseinen raconte la disparition d’un homme survenue dans son pays, en 1989. Il n’a jamais été retrouvé, ce qui a contraint sa fille, âgée de seulement 10 ans, à grandir avec le poids de cette absence. Comment faire son deuil sans avoir pu voir le corps de celui que l’on aime ? Sans corps à pleurer, comment le rite de passage que sont les funérailles, peut-il parvenir à soulager un peu la peine que l’on ressent ? Née en 1978 à Joensuu, dans la partie finlandaise de la Caréli, Hanneriina Moisseinen a remporté plusieurs prix, notamment le Comic Finlandia en 2013 pour Isä (2013) ou le prix Artémisia – prix Mémoire pour La terre perdue (2018). L’homme disparu, c’est le père de Hanneriina Moisseinen. Tango Volver évoque aussi le passage de l’enfance vers le monde des adultes, un passage qu’elle a dû accomplir sans son père. Sur un sujet difficile, cette autobiographie vise juste, et suscite beaucoup d’émotions.
Tango Volver de Hanneriina Moisseinen (L’Employé du Moi), 152 pages, 26 euros.

Together Alone, Iamnoone

Parme. Le duo italien Iamnoone, composé de Philippe Marlat et Stephan Seth, débute l’année 2023 avec un nouvel album construit autour de huit titres, et diffusé par le label allemand Cold Transmission Music. Installé à Parme, Iamnoone propose un son post-punk, porté par une dark wave très aérienne. Kind of Pain assure l’ouverture de ce disque, et marque, dès les premières secondes d’écoute, par sa capacité à captiver. La suite est identique, avec Martyr of Love, sa rythmique implacable et ses riffs de guitare qui emportent immédiatement l’adhésion. Wasn’t You est aussi une évidence, un titre empli de mélancolie, malgré un tempo plus soutenu. Au total, Together Alone est un disque très fréquentable, à écouter absolument.
Together Alone de Iamnoone (Cold Transmission Music), 8 euros (album numérique sur Bandcamp).

Come Around, Carla dal Forno

Hypnotique. L’artiste australienne Carla dal Forno vient de sortir un album aussi doux que généreux, qu’il faut absolument mettre dans sa “playlist” du moment. Après You Know What It’s Like (2016), et Look Up Sharp (2019), voici Come Around (2022). Sur le très beau Side by Side, cette musicienne de Melbourne qui s’est récemment installée à la campagne, à Castlemaine, à 120 kilomètres de sa ville natale, a expliqué que ce titre abordait « l’anticipation d’une relation sexuelle avec quelqu’un et les sentiments d’inévitabilité, de transparence et d’impatience ». Son electropop minimaliste vise toujours juste, comme sur le morceau Come Around. On peut d’ailleurs appliquer la même remarque à l’ensemble de ce disque, et notamment à Mind You’re On, qui est le troisième titre révélé début janvier 2023. Cet album est construit autour d’une ligne de basse forte et répétitive, qui rend la musique de Carla dal Forno hypnotique. On n’en demandait pas tant.
Come Around de Carla dal Forno (Kallista Records), 17 euros (CD), 35 euros (vinyle).

Player Non Player, Agar Agar

Synthétique. Clara Cappagli et Armand Bultheel sont enfin de retour. Après un EP, Cardan (2016), et un premier album The Dog and the Future (2018), ils reviennent avec Player Non Player. Ce deuxième album est toujours nourri par des synthés survoltés, et il est même accompagné d’un jeu vidéo cette fois. Issu des Beaux-Arts, ce duo à l’imagination débridée a annoncé la sortie de ce disque dès juin 2022 avec Trouble, un morceau bourré d’énergie, porté par un clip en 3D, dans une ambiance très jeu vidéo. Pour les fans, il sera possible de voir Agar Agar sur scène les 23 et 24 février 2023 aux Magasins Généraux, à Pantin. Très synthétique, Player Non Player est aussi incarné par la jolie voix de Clara Cappagli, qui apporte une touche d’élégance supplémentaire à un album qui n’en manque vraiment pas.
Player Non Player de Agar Agar (Cracki Records/A+LSO/Sony Music), 12,99 euros (CD), 22,99 euros (vinyle).

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