vendredi 26 avril 2024
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« La culture pour Monaco, c’est fondamental »

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Marc Monnet, directeur artistique du Printemps des Arts
« Nous pourrions très bien établir un plan de relance plutôt qu'un plan d'économies qui va accentuer d'éventuelles difficultés. Pourquoi pas effectuer un emprunt, histoire de relancer la machine déficiente, mais avec des idées, pas des recettes toutes faites et déjà vues. » © Photo Olivier Roller.

Depuis que le gouvernement, a annoncé le mois dernier que des restrictions budgétaires allaient être réalisées, dans tous les domaines, le monde culturel est en émoi. A l’instar de Marc Monnet, directeur artistique du Printemps des Arts de Monaco. Interview relue.

Propos recueillis par Céline Galbrun

M.H.?: Le gouvernement a déclaré vouloir réduire le budget culturel il y a peu de temps. Que cela signifie-t-il pour vous??
M.M. : Je pense que la culture pour Monaco, c’est fondamental. L’image de la Principauté a été et est celle de la différence. Les Ballets Russes, l’Opéra Garnier, les multiples commandes artistiques, l’orchestre qui est l’un des plus vieux d’Europe et qui a connu les plus grands chefs de l’histoire, sont les atouts qui font la reconnaissance du pays comme un exemple, et ce au niveau mondial. Le travail qui se construit depuis des années grâce aux souverains et à la princesse de Hanovre, aussi bien au Printemps des Arts que dans les autres entités culturelles, est reconnu en France et à l’extérieur, car c’est une image novatrice de Monaco, de sa dynamique.

M.H?: Vous pensez donc que développer le côté culturel de Monaco serait un tremplin pour l’économie du pays??
M.M. : Si on a cette image de créativité, c’est évident qu’on développera l’économie, l’industrie novatrice. J’ai lu, par exemple, dans votre journal, que faire revenir l’orchestre philharmonique de Vienne, qui a rempli seulement 60 % des places, pour favoriser la venue de la clientèle internationale, serait de bon augure. Mais ce n’est pas le prestige qui remplit, mais une vraie politique artistique. Je pense plutôt qu’il faudrait aider au mieux l’orchestre philharmonique de Monaco pour qu’il soit de plus haute qualité encore en lui donnant tous les moyens de sa gestion. Croyez-vous que quand on va à Berlin, on veuille entendre un autre orchestre que la Philharmonie de Berlin?? Non, on vient entendre ce qui représente la richesse de la ville, sa personnalité, sa force.

M.H.?: Et pour le Festival du Printemps des Arts, quelles seront les conséquences??
M.M. : Notre difficulté, ainsi qu’à tous les secteurs culturels, c’est que nous travaillons trois ans à l’avance. C’est-à-dire que les artistes importants, nous les retenons maintenant pour 2014. Si on nous fait des coupes en milieu de route, il est clair que des problèmes majeurs vont se créer. Par ailleurs, le budget du festival est l’un des plus petits des institutions artistiques (1 million d’euros) et que, je crois, nous avons réussi à optimiser au maximum avec un minimum de frais fixes. Mais la part « souple » d’un budget de festival est l’artistique, or il n’y a que là où l’on peut couper… Et vous voyez les conséquences?! Nous avons déjà effectué des économies l’année passée et depuis deux années nous avons eu 0 % d’augmentation. Malgré cela, notre public nous suit, augmente et la presse française et étrangère aussi. Je ne suis pas hostile, dans des situations difficiles, à étudier ce que l’on peut encore faire. Encore faudrait-il être invité à une telle réflexion. Je crois que les directeurs des entités culturelles sont des gens responsables et qui sont investis totalement. Cela aussi, on doit le respecter. Nous ne sommes pas des dépensiers inconscients, au contraire?!

M.H.?: Pensez-vous qu’il sera nécessaire d’annuler certains artistes?? Ou d’augmenter les prix??
M.M. : Nous avons une très belle notoriété au niveau international avec le Printemps des Arts. C’est pour cette raison que nous n’avons aucune difficulté à faire venir les plus grands créateurs ou les plus grandes phalanges. Nous avons une crédibilité. Et dans ce métier, ce crédit est essentiel. C’est-à-dire que, si aujourd’hui on annule de très grosses affiches déjà prévues, il faudra des années pour remonter la pente. Sans parler du surcoût des pénalités financières, ce qui serait assez illogique au moment de faire des économies… Et ça ne sera, à long terme, que négatif pour la Principauté.
Pour ce qui est des prix des places, nous savons qu’il peut être dissuasif. De toute façon nous avons envisagé au conseil d’administration de monter légèrement nos prix, mais les recettes, même doublées, ne changeront pas une situation. Nous risquons d’avoir moins de public et les salles ne seront pas pleines. De plus, la politique choisie par le conseil d’administration présidée, par la princesse de Hanovre, a été toujours d’établir des prix de places raisonnables.

M.H.?: À votre avis, quelles seraient les solutions??
M.M.?: Ce n’est pas à moi de résoudre ce problème, je n’en ai pas la compétence. La seule que je puisse revendiquer est une direction artistique et une bonne gestion de ce dont nous avons la responsabilité. Je ne suis pas économiste, mais si je vois que certaines personnes compétentes en économie proposent des solutions artistiques, alors j’ai peut-être quelques idées. Par exemple, je constate qu’en Europe, la majorité des États sont en grave déficit et avec des emprunts tout à fait considérables. La Principauté, elle, n’en a pas. Elle a également un fonds de réserve conséquent. Nous pourrions très bien établir un plan de relance plutôt qu’un plan d’économie qui va accentuer d’éventuelles difficultés. Je pense qu’il faut réagir positivement, et pourquoi pas effectuer un emprunt, histoire de relancer la machine déficiente, mais avec des idées, pas des recettes toutes faites et déjà vues. Je constate, par exemple, que les start-ups partent dans les Émirats, pourquoi pas les aider, inviter les futurs Bill Gates?? Organiser des événements culturels exceptionnels comme « huit jours de création en Principauté » avec toutes les institutions culturelles mobilisées. Donner l’exemple du mouvement, non de la peur.

M.H.?: Donc il faut que la Principauté continue à plaire culturellement et à attiser la curiosité extérieure. De quelle manière??
M.M. : Il suffit de regarder les journaux de cette semaine (Le Figaro, Le Monde, New York Times…) pour comprendre que la culture est ce qui attire les touristes?! Dubaï, qui est en plein essor économique, voilà ce qu’on peut lire?: « audace architecturale, institution culturelle en développement, festival du film. Le nombre de galeries est passé de 5 à 50?! » et j’en passe. Sans oublier les « Twin Towers » qui ont été construites par les plus grands architectes?! Ou encore « Le Qatar, numéro 1 mondial de l’art contemporain » titrait un autre journal. Partout, la culture devient synonyme d’équilibre entre tourisme, loisirs et pensées. Ce qu’il faut, c’est de l’imagination. Faire appel à de grands architectes, créer des bâtiments qui se distinguent des autres. Il faut prendre des risques, car sans risques, il n’y a pas de résultats, j’en suis convaincu. Et ce, dans tous les domaines. Pourquoi parle-t-on autant des Ballets Russes à Monaco?? Parce qu’il a été pris des risques considérables il y a un siècle. On a accueilli des inconnus qui étaient liés à la création, à quelque chose de très moderne pour l’époque. On a même du mal à imaginer l’énorme décalage avec la clientèle du Casino de l’époque… Et pourtant, c’est de cela dont on parle aujourd’hui?! On se doit de prendre exemple sur l’inventivité de ces personnes-là. Il y a aussi à regarder l’Opéra Garnier qui captive le public et même les fortunés?! Et bien c’est Madame Marie Blanc qui l’avait demandé. Elle avait dit?: « Je veux quelque chose qui soit exceptionnel, qui soit différent », et ça a marché?!