jeudi 25 avril 2024
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Droits des femmes, violences contre les femmes — Céline Cottalorda : « Il y a encore des efforts à faire »

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Alors que le 8 mars et la journée internationale des droits des femmes approchent, Céline Cottalorda évoque pour Monaco Hebdo ses actions pour l’année 2023. La déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes souhaite notamment mettre en avant cette année la question de l’égalité salariale femmes-hommes et la prise en charge des victimes et des auteurs de violences conjugales. Interview. 

Quelles sont les principales conclusions présentées lors de la quatrième réunion plénière du comité pour la promotion et la protection des droits des femmes que vous présidez ?

Chaque réunion plénière est un moment important dans les travaux du comité. Cela nous permet de faire un bilan de l’année passée. L’année 2022 a été riche en actions et en réalisations. Au niveau législatif, il y a eu la loi votée au Conseil national sur l’abrogation des dispositions obsolètes et inégalitaires. Fin 2022, un projet de loi a été déposé sur le bureau du Conseil national. Il concerne l’indemnisation des victimes de violences domestiques à caractère sexuel. Ce texte inclut aussi les enfants. Et puis, dans le cadre de la loi qui a été votée sur le statut des fonctionnaires de l’Etat, une disposition prévoit l’allongement du congé paternité. Il est passé de 12 jours à 21 jours. Enfin, en 2022, l’Institut Monégasque de la Statistique et des Etudes Economiques (IMSEE) a publié sa toute première étude sur les écarts de salaires dans le secteur privé et public.

Le 25 novembre 2022, vous avez proposé, pour la première fois, une opération « rubans blancs » ?

Pour la première fois, le 25 novembre 2022, nous avons effectivement lancé une opération « rubans blancs ». Ils ont été proposés gratuitement sur des stands d’information à la Condamine et dans la galerie commerciale de Fontvieille à celles et ceux qui souhaitaient s’associer à la lutte contre les violences faites aux femmes. En 2023, nous allons continuer à aller sur le terrain pour rencontrer le public. Notamment en installant des stands au marché de la Condamine, et dans la zone commerciale de Carrefour Fontvieille.

Droits des femmes Céline Cottalorda
« Avec l’IMSEE, nous allons poursuivre le travail sur la mesure des écarts de salaires entre les femmes et les hommes. La prochaine étude sera publiée en 2024. Par rapport aux chiffres de 2019, cela fera cinq ans. Cela permettra de mesurer l’évolution. » Céline Cottalorda. Déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes. © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

Globalement, estimez-vous que les lignes commencent à bouger à Monaco ?

Sur un plan plus général, il faut noter que de plus en plus de femmes accèdent à des postes d’importance. Des femmes ont rejoint le cabinet princier, une femme a été nommée chef de cabinet du ministre d’Etat, deux femmes sont devenues ministres au sein du gouvernement monégasque… Et en 2023, une femme vient d’être élue en étant tête de liste à l’élection nationale, et elle vient d’être élue par les autres conseillers nationaux à la présidence du Conseil national. Tout cela va dans le bon sens. Les lignes bougent. J’ai le sentiment qu’à Monaco, nous sommes de plus en plus suivis par les associations, et même par la société dans son ensemble, autour de cette thématique de la cause des femmes.

« Nous avons rappelé que des chantiers doivent encore nous mobiliser. Les chiffres de la dernière étude sur les violences faites aux femmes sont en hausse, avec 33 victimes en 2022, contre 23 en 2021. Il y a encore des femmes, et des jeunes filles, qui continuent de subir des violences et des discriminations »

Mais il reste encore énormément de travail ?

Malgré cette mobilisation, nous avons rappelé que des chantiers doivent encore nous mobiliser. Les chiffres de la dernière étude sur les violences faites aux femmes sont en hausse, avec 33 victimes en 2022, contre 23 en 2021. Il y a encore des femmes, et des jeunes filles, qui continuent de subir des violences et des discriminations. Il faut donc poursuivre le travail engagé depuis plusieurs années, avec de la prévention, et de la sensibilisation. Parce qu’il y a toujours des personnes qui sont en souffrance, et des femmes victimes de violences qui n’osent pas encore parler. Il faut accompagner, afin de suivre ce mouvement de libération de la parole. Et il faut aussi continuer à prendre en charge les victimes de violences.

Les femmes victimes de violences évoquent souvent la problématique de l’accueil qu’elles reçoivent parfois lorsqu’elles décident d’appeler à l’aide ?

Nous continuons à faire de la formation. A Monaco, plus de 250 professionnels ont été formés depuis 2020. Cela ne concerne pas que la sûreté publique, c’est vraiment multi-disciplinaire, avec un socle commun, et ensuite une adaptation à chaque profession. En 2022, le travail a principalement été axé sur les travailleurs des services sociaux et les personnels de l’éducation nationale, aussi bien les chefs d’établissement que les psychologues scolaires. L’objectif est de sensibiliser à la prise en charge et au recueil de la parole des victimes. Nous avons aussi monté des formations spécifiques pour la sûreté publique, qui se sont poursuivies en 2022 et qui vont continuer en 2023. Nous allons aussi proposer un module de formation destiné aux jeunes agents de police qui rejoignent le cursus de formation de la sûreté publique. Ils auront donc un module spécifique, dédié à l’accueil des victimes de violences.

« Nous allons proposer un module de formation destiné aux jeunes agents de police qui rejoignent le cursus de formation de la sûreté publique. Ils auront donc un module spécifique, dédié à l’accueil des victimes de violences »

Après le producteur Cédric Biscay et Hassan de Monaco, pourquoi avoir choisi le boxeur monégasque, Hugo Micallef ?

Nous avions déjà deux ambassadeurs, avec Cédric Biscay et Hassan de Monaco. Ils ont des talents et des réseaux dans des domaines variés, ce qui permet de toucher des populations différentes. Cédric Biscay dans le domaine des mangas et de la production de contenus, et Hassan de Monaco, dans celui de l’humour. Cette fois, c’est le boxeur monégasque Hugo Micallef qui va rejoindre ce réseau des ambassadeurs des droits des femmes. Nous voulions comme ambassadeur une personnalité dans le secteur du sport, parce que c’est une activité emblématique pour Monaco. Et puis, nous pensons que le sport pratiqué par Hugo Micallef, la boxe, est intéressant.

« Nous voulons utiliser la boxe pour faire passer des messages par rapport à la violence, en cantonnant bien évidemment cette violence au ring. En montrant qu’il faut dissocier l’activité sportive professionnelle ou de loisirs, de ce qu’il peut malheureusement se passer dans la vie » 

Pourquoi ?

Parce que nous voulons utiliser la boxe pour faire passer des messages par rapport à la violence, en cantonnant bien évidemment cette violence au ring. En montrant qu’il faut dissocier l’activité sportive professionnelle ou de loisirs, de ce qu’il peut malheureusement se passer dans la vie. La boxe, c’est sur le ring, et pas en dehors. La violence est contenue dans un cadre qui fonctionne avec des règles.

Comment Hugo Micallef va-t-il agir ?

A l’image des autres ambassadeurs, Hugo Micallef va, par exemple, s’associer aux journées internationales ou à des événements que notre comité organise. Soit par une présence physique s’il est disponible à Monaco, soit en publiant sur les réseaux des “posts” ou des vidéos. Ce qui permet de faire passer des messages. On cherche ainsi à toucher un public un peu plus jeune, que le public plus classique qui lit la presse, par exemple.

Quelles sont les actions entreprises par Cédric Biscay et Hassan de Monaco ?

Hassan de Monaco est familier des prises de parole en public. On envisage donc de faire quelque chose avec lui avec des jeunes pour, par exemple, faire passer des messages sur les métiers, et faire comprendre que certaines filières ne sont pas réservées aux garçons ou aux filles. De son côté, le 25 novembre 2022, Cédric Biscay a porté notre ruban blanc et a incité les gens à le porter. Nous discutons avec lui pour des actions à venir. Il serait intéressant d’utiliser le manga pour faire passer des messages auprès des jeunes, ou peut-être pendant son salon, Monaco Anime Game International Conferences (Magic). Pour l’instant, rien de très spécifique n’a été décidé. Mais ce sera l’occasion pour nous de faire des campagnes différentes, en s’adressant à un public plus jeune.

Pourquoi avoir choisi trois hommes comme ambassadeurs ?

Avoir choisi trois hommes comme ambassadeurs, c’est une volonté, en tout cas dans un premier temps. Je ne dis pas que l’on ne prendra jamais de femmes. La question des droits des femmes est déjà très naturellement portée par les femmes. Sur ce sujet, on a donc rarement à convaincre les femmes. En revanche, avec les hommes, c’est parfois moins évident. Prendre des hommes comme ambassadeurs nous permet de toucher une autre cible, plus masculine, et ainsi parvenir à provoquer un petit déclic dans la tête de certaines personnes. C’est donc un choix assumé. Pour la suite, on verra. Quand on aura cinq ou six ambassadeurs dans des domaines très variés, dans un second temps, on pourra faire appel à des femmes.

« Prendre des hommes comme ambassadeurs nous permet de toucher une autre cible, plus masculine, et ainsi parvenir à provoquer un petit déclic dans la tête de certaines personnes. C’est donc un choix assumé. Pour la suite, on verra »

Concernant les chiffres sur les violences faites aux femmes, il y a donc eu 33 victimes en 2022, contre 23 en 2021 : comment expliquer cette forte augmentation ?

Il est toujours compliqué d’expliquer des chiffres. Nous avons un recensement quantitatif, mais nous n’avons pas d’informations qualitatives sur chaque cas. On peut remarquer que, selon les années, à Monaco les chiffres restent entre 25 et 35 cas de violences par an. Pendant le Covid, il n’y a pas eu de baisse dans un premier temps, avant qu’elle ne s’amorce l’année suivante. Et maintenant, ces chiffres sont à la hausse, pour revenir au niveau de la première étude qui a été faite. Il est donc difficile d’expliquer ces chiffres. Il peut y avoir davantage de personnes qui sont allées porter plainte ou faire un signalement à la police. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il y a plus de cas. Il y a peut-être plus de femmes qui osent parler. Ou peut-être qu’il y a eu davantage de cas de violence. Car nous ne sommes plus dans une phase de pandémie. Donc il y a, à nouveau, des événements organisés à Monaco, ce qui génère beaucoup de passage. Et comme on recense tous les cas qui se déroulent sur le territoire monégasque, il y a, peut-être, eu plus de violences. Mais on ne peut pas donner d’explication définitive sur ces chiffres.

Pendant l’année 2022, comment s’est déroulé le travail de l’Aide aux Victimes d’Infractions Pénales (AVIP), une association créée en 2014 par Valérie Campora-Lucas et Nadine Leroy ?

Pour notre comité et pour le gouvernement, l’AVIP est un appui très important sur le terrain [à ce sujet, lire notre article L’AVIP, un refuge pour les femmes victimes de violences, publié dans Monaco Hebdo n° 1186 — NDLR]. C’est vraiment l’une des portes d’entrée pour toutes les personnes qui ne veulent pas forcément aller directement voir la police ou se rendre dans un service administratif. L’AVIP joue donc un rôle essentiel dans notre dispositif. Cette association nous aide à recenser les cas de violence. Ensuite, nous menons des actions communes. Par exemple, cette année, nous avons fait un bord de scène au théâtre des Muses, à la suite d’une pièce intitulée Les maux bleus. Cela nous a permis d’avoir un échange avec le public, et de parler des violences faites aux femmes et du sexisme. L’AVIP participe aux journées internationales pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes chaque 25 novembre, quand nous faisons de la sensibilisation dans nos stands. Cette association est donc un relais de terrain essentiel, qui permet de libérer la parole, mais aussi d’aider et d’accompagner les victimes. L’AVIP permet aussi de conseiller au mieux les victimes, pour aider certaines à porter plainte, et à se défaire de la situation d’emprise ou de violence dans laquelle elles se trouvent.

« Aujourd’hui, aux dires de Valérie Campora-Lucas, ces 165 000 euros de subvention  annuelle lui permettent de faire fonctionner correctement l’AVIP, par rapport aux actions qu’elle mène »

Quel est le montant de la subvention versée chaque année par l’Etat monégasque à l’AVIP ?

L’AVIP bénéficie d’une subvention annuelle de 165 000 euros et un local domanial a été mis à sa disposition. Chaque année, avec Valérie Campora-Lucas, nous faisons le point sur cette subvention. Elle a été adaptée, surtout au début. Aujourd’hui, aux dires de Valérie Campora-Lucas, ces 165 000 euros de subvention annuelle lui permettent de faire fonctionner correctement l’AVIP, par rapport aux actions qu’elle mène.

Malgré la présence de plus d’une centaine d’associations en principauté, il semble qu’il y a peu d’associations, ou de collectifs, clairement identifiés comme « féministes », avec des militantes très engagées, très radicales, comme en France, par exemple ?

Notre comité est soutenu par 12 associations. Par exemple, She Can/He Can est une association spécialisée sur la question de l’égalité femmes-hommes et sur l’évolution des mentalités des jeunes pour diminuer les stéréotypes dans notre société. She Can/He Can, peut être, je pense, qualifiée de « féministe ». Ce qui est intéressant, c’est que chacune de ces associations a ses spécificités. Par exemple, le Zonta Club est une association internationale, qui dispose d’une filière à Monaco. Ils sont plus axés sur le traitement des violences par des campagnes de communication. De son côté, le club Soroptimist international de Monaco est aussi une filière d’un mouvement international qui est également centrée sur le sujet des violences. Des conférences ont d’ailleurs été organisées par ce club à la médiathèque de Monaco sur ce thème.

Il y a d’autres associations à Monaco que vous considérez comme « féministes » ?

On peut également citer l’Union des femmes monégasques qui traite de tous les sujets qui concernent les droits des femmes. Elles sont peut-être plus tournées vers le plan législatif, parce que, historiquement, cette association est ancienne. Elle a en effet été créée le 4 août 1958, sous le nom d’association pour la défense des intérêts de la femme monégasque, et elle a défendu en premier les droits des femmes en principauté, notamment le droit de vote. Nous avons aussi l’association Aux cœurs des mots, qui travaille beaucoup sur l’éducation à l’égalité avec les collèges, dans les pays francophones. Les Femmes chefs d’entreprises de Monaco sont davantage centrées sur la question du leadership féminin. Au départ, les Femmes leaders mondiales Monaco, étaient un peu sur le même sujet. Aujourd’hui, elles travaillent davantage sur la santé de la femme, et notamment sur la prévention des maladies cardio-vasculaires. Pink Ribbon est aussi sur le secteur de la santé de la femme, et en particulier la prévention et le traitement pour le cancer du sein.

Vous en voyez d’autres ?

Il y a aussi des associations qui ne traitent pas que des droits des femmes, mais qui englobent aussi le sujet de l’égalité et de la non-discrimination. Je pense, par exemple, à Fight Aids Monaco et à la Croix-Rouge monégasque. Depuis quelques années, la Croix-Rouge mène des actions spécifiques pour valoriser le “leadership” féminin. Action Innocence Monaco qui lutte contre le harcèlement en ligne auprès des jeunes, est une autre association qui s’engage pour la défense de la cause des femmes. Chacune de ces associations porte des sujets importants.

Selon les chifffres publiés par l’IMSEE, en 2019, à Monaco, le salaire moyen des femmes était inférieur de 20,9 % à celui des hommes : comment changer cela, y compris dans le secteur privé ?

A Monaco, dans le secteur public il n’y a pas vraiment d’écarts de salaires. C’est très équilibré. En revanche, dans le secteur privé, il y a davantage d’écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Partant de ce constat, nous devons mettre en place des actions. Dans les prochains mois, nous allons proposer sur Internet un outil d’auto-évaluation anonyme à destination des entreprises. L’objectif sera d’abord d’approfondir notre connaissance des chiffres. Car, en faisant cette étude, l’IMSEE s’est rendue compte qu’elle ne possédait pas un certain nombre de données. Ensuite, le second objectif sera de faire prendre conscience aux chefs d’entreprise que ce sujet est sur la table et qu’il faut inclure davantage d’équilibre au sein de l’entreprise. Nous travaillons actuellement avec les services de l’Etat à la mise en place de cet outil. Ce dispositif n’est pas encore totalement figé, donc je ne peux pas en dire plus. Ce sera un premier pas, qui permettra d’entamer un dialogue et de faire de la pédagogie, avant de sortir le bâton. Il faudra aussi, peut-être, valoriser les entreprises qui afficheront de bons résultats, car je suis persuadée qu’il y en a à Monaco. Il faut créer une prise de conscience et un effet d’entraînement.

Que comptez-vous faire d’autre ?

Avec l’IMSEE, nous allons poursuivre le travail sur la mesure des écarts de salaires entre les femmes et les hommes. La prochaine étude sera publiée en 2024. Par rapport aux chiffres de 2019, cela fera cinq ans. Cela permettra de mesurer l’évolution.

D’autres leviers existent ?

Hormis la question des écarts de salaires, la place des femmes à un certain niveau de responsabilité est aussi importante. De plus en plus de femmes occupent des postes de premier plan au sein de l’Etat, des institutions, et des entreprises. Mais ce qui compte le plus, c’est la place des femmes dans la décision stratégique, dans les conseils d’administration, des comités exécutifs, là où se prennent vraiment les décisions. Il y a encore des efforts à faire pour voir arriver davantage de femmes à la table des décisions. Il ne faut pas mettre des femmes pour mettre des femmes, mais il faut renforcer cet équilibre-là.

Sur la question de l’égalité salariale femmes-hommes, vous discutez aussi avec la fédération des entreprises monégasques (FEDEM), et son président, Philippe Ortelli ?

Pour le moment, concernant la question de l’égalité salariale femmes-hommes, nous n’avons pas entamé de discussion spécifique avec la FEDEM et son président, Philippe Ortelli. Mais ça serait intéressant. Nous allons aussi en parler avec le Conseil national, car la nouvelle présidente de la commission des droits de la famille et de l’égalité, Christine Pasquier-Ciulla, semble vouloir travailler sur ce sujet et faire des propositions.

« Pour le moment, concernant la question de l’égalité salariale femmes-hommes, nous n’avons pas entamé de discussion spécifique avec la FEDEM et son président, Philippe Ortelli. Mais ça serait intéressant »

Droits des femmes 8 mars
« Le 8 mars 2023 aura pour thème « l’égalité femmes-hommes à travers le sport ». Nous avons impliqué des enfants de 8 ans, en classe de CE1, dans la création d’une œuvre artistique collective. » Céline Cottalorda. Déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes. © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

Qu’est-ce qui est prévu pour la journée du 8 mars 2023 ?

Le 8 mars 2023 aura pour thème « l’égalité femmes-hommes à travers le sport ». Nous avons impliqué des enfants de 8 ans, en classe de CE1, dans la création d’une œuvre artistique collective, sur le modèle de ce que nous avons fait en 2022 sur le thème des « femmes et l’océan ». Cette année, cette œuvre évoquera donc le sport avec des mots clés, avec des représentations liées à ce thème. Au total, cent petits tableaux réalisés par des enfants seront assemblés pour former une grande œuvre collective qui évoquera ce sujet. Ce sera donc « les femmes et le sport » vu par la nouvelle génération. Cette œuvre sera dévoilée le 8 mars, en présence des enfants et de l’artiste One Teas [le Monégasque Anthony Alberti — NDLR]. Nous avons aussi travaillé avec l’éducation nationale, avec les professeurs et les chefs d’établissement, pour qu’il y ait un accompagnement pédagogique. Les professeurs ont questionné les enfants, en leur demandant, par exemple, « pourquoi une fille ne pourrait pas faire ça, ou pourquoi elle ne pourrait pas utiliser une autre couleur que du rose ». Il y a encore des stéréotypes. Il y a donc encore du travail.

Droits des femmes Céline Cottalorda Mr One Teas
« Les professeurs ont questionné les enfants, en leur demandant, par exemple, « pourquoi une fille ne pourrait pas faire ça, ou pourquoi elle ne pourrait pas utiliser une autre couleur que du rose ». Il y a encore des stéréotypes. Il y a donc encore du travail. » Céline Cottalorda. Déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes. © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

C’est-à-dire ?

Pour avoir assisté à la création des œuvres, j’ai constaté que la majorité des garçons dessine toujours des ballons de football, et les filles dessinent surtout des danseuses ou des gymnastes. Ce qui n’est pas très étonnant. Car, à la télévision, ce sont toujours les sports masculins qui continuent de prédominer, avec le football et le rugby. Dans la pratique, c’est en train de changer. Mais les images sont encore là. Ces images sont encore aussi dans la tête des parents, qui se disent que si leur fille fait de la danse, et leur fils de la boxe, et pas l’inverse, c’est bien. Même si les femmes ont gagné en visibilité à la télévision (1), les commentateurs sportifs restent majoritairement des hommes. Ça évolue, mais tout doucement.

D’autres événements sont prévus pour le 8 mars 2023 ?

Beaucoup d’associations nous ont proposé des actions. Les associations She Can/He Can et les Femmes chefs d’entreprises organisent dans l’après-midi du 8 mars une session de “speed mentoring” avec des lycéennes qui rencontreront des femmes de différents milieux. Des chefs d’entreprise, des femmes qui travaillent au gouvernement, au Conseil national. Ce sera l’occasion de discuter avec elles de leurs parcours et de leurs expériences professionnelles. De son côté, le Conseil national fera dans la soirée du 8 mars un événement consacré à l’engagement des femmes. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, avec des angles différents. Comme la journée du 8 mars est bien remplie, des actions se dérouleront le 9 mars.

Qu’est-ce qui sera proposé le 9 mars 2023 ?

Le 9 mars, l’association Monaco Women in Finance Institute organisera une rencontre sur le thème des femmes et de la finance. Un panel de femmes qui travaillent dans ce secteur sera présent pour montrer qu’il n’y a ni barrières, ni limites. Là encore, l’objectif sera de casser les lignes et les stéréotypes. L’idée, c’est que les droits des femmes ce n’est pas seulement le 8 mars. C’est toute l’année.

« Au niveau de l’administration, on va lancer dans le courant de l’année 2023 une formation interne pour combattre le sexisme au travail. Cette formation sera basée sur la notion de prise de conscience »

En France, dans un rapport publié en mars 2022, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes estime qu’au travail, dans les relations ou à la maison, le sexisme reste ancré dans le quotidien des Français : la situation est-elle identique à Monaco ?

Je n’ai pas de remontées d’informations chiffrées, ni d’études réalisées par l’IMSEE sur le sexisme à Monaco. Mais cela pourrait peut-être faire l’objet d’une future étude ? Au niveau de l’administration, on va lancer dans le courant de l’année 2023 une formation interne pour combattre le sexisme au travail. Cette formation sera basée sur la notion de prise de conscience. Le sexisme, qu’est-ce que c’est ? Comment est-ce qu’il se manifeste ? Pourquoi est-il important qu’il n’y en ait pas ? Le sexisme peut conduire à du harcèlement, à de la violence verbale, physique… Le sexisme, c’est vraiment le terreau des violences. Car le sexisme est basé sur le fait que la femme est subalterne, et l’homme est dominant. Pour l’administration monégasque, la question du sexisme est un sujet important, sur lequel on veut sensibiliser les personnels. Je n’ai pas de chiffres, mais c’est donc un sujet que l’on traite en interne, chez nous.

Quels sont vos autres projets pour l’année 2023 ?

En plus de la question sur les écarts de salaires femmes-hommes sur laquelle notre comité va se mobiliser, nous allons renforcer les actions de prise en charge des victimes et des auteurs de violences conjugales. Des stages de responsabilisation pour les auteurs de violences seront déployés par la direction des services judiciaires. Ces stages seront mis en place dès qu’il y aura une condamnation. Ils se dérouleront dans les Alpes-Maritimes, grâce à un accord qui sera entériné entre Monaco et les juridictions de Nice et de Grasse. Cela permettra d’envoyer les personnes concernées suivre ces stages. En 2022, il y a eu deux condamnations. Il nous a donc semblé plus efficace et plus rapide de s’appuyer sur des dispositifs qui existent déjà dans les Alpes-Maritimes.

« Je n’ai pas de remontées d’informations chiffrées, ni d’études réalisées par l’IMSEE sur le sexisme à Monaco. Mais cela pourrait peut-être faire l’objet d’une future étude ? »

Quel est l’objectif de ces « stages de responsabilisation » ?

L’objectif, c’est de prévenir la récidive, et de faire en sorte que les auteurs prennent conscience de leur comportement. Mais aussi d’améliorer la reconnaissance d’un fonctionnement violent. Cet accompagnement est vraiment très important.

Des textes de loi importants pour les femmes seront votés en 2023 ?

En ce qui concerne la prise en charge des victimes, il y aura en 2023 l’étude du texte au Conseil national sur la création d’un mécanisme d’indemnisation des victimes de violence. Cela permettra à l’Etat monégasque de venir se substituer à un auteur de violence défaillant, qui ne pourrait pas payer les dommages et intérêts qu’il doit à la victime. Ainsi, la victime sera indemnisée. C’est important dans le processus de reconnaissance des victimes et dans le traitement qu’il faut apporter.

Les formations des professionnels continuent ?

Bien évidemment, en 2023 les formations vont se poursuivre. Nous allons sensibiliser les médecins de ville et les pharmaciens pour que tout le monde ait cette culture commune dans la prise en charge des violences contre les femmes. Et surtout, que chacun connaisse le bon parcours, à qui s’adresser, qui sont les bons interlocuteurs. Il est important qu’ils sachent identifier, orienter, et conseiller les patients qui pourraient les solliciter ou se confier à eux.

Comment sensibiliser les jeunes ?

Nous allons poursuivre la sensibilisation à destination de la jeunesse, toujours sur les sujets « égalité » et « violence ». Cela commence donc par ce qui est fait le 8 mars avec les enfants, dans les petites classes. Mais nous allons continuer à organiser des séances de théâtre-forum, c’est-à-dire du théâtre participatif, avec des jeunes autour de la question de l’égalité, des stéréotypes de genres, du harcèlement… Pour cela, nous allons poursuivre le travail entrepris avec l’éducation nationale. Ce sont d’ailleurs certaines associations qui proposent ce type de projets. Le comité les soutient, et les aide à monter ces projets.

D’autres actions sont prévues en 2023 ?

Toujours sur le volet « sensibilisation à destination des jeunes », nous allons organiser des tables rondes sur les métiers genrés, avec la commission d’insertion des diplômés. Nous parlerons avec des collégiens en classes de Quatrième et de Troisième pour évoquer la « déconstruction », et leur dire qu’il n’y a pas de filières réservées aux filles ou aux garçons. L’objectif, c’est de porter cette parole d’égalité entre les filles et les garçons.

Et pour les violences contre les femmes ?

Pour le volet sensibilisation autour des violences faites aux femmes, nous allons refaire ce qui a été proposé le 25 novembre 2022. Nous étions allés dans les classes de Terminale de la principauté, avec les services qui travaillent directement sur le terrain, c’est-à-dire les services sociaux, l’AVIP, et la sûreté publique. Cela permet de parler avec ces élèves et de répondre à leurs questions sur les violences faites aux femmes. L’objectif, c’est que ces jeunes n’en soient pas victimes, car ils sont à l’âge des premières relations, et certaines peuvent parfois être toxiques, sans qu’ils le sachent. L’idée, c’est aussi de leur donner les bons réflexes, pour qu’ils sachent à qui s’adresser, si dans leur famille ou leur entourage ils sont témoins, ou victimes, de violences.

Et à l’international, quelles seront les priorités portées par la conseillère-ministre pour les relations extérieures, Isabelle Berro-Amadéï ?

Des actions sont menées par Monaco au plan national, tout comme à l’international. Depuis longtemps, Monaco soutient des actions ou des résolutions en faveur des droits humains en général, et des droits des femmes en particulier. Isabelle Berro-Amadéï va participer à New York en septembre 2023 au prochain sommet des objectifs de développement durable. Elle portera la voix de Monaco pour promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes. Autre exemple : la principauté soutient les femmes victimes de conflits, que ce soit en Ukraine, en Afghanistan, ou en Iran, Monaco s’associe bien évidemment aux résolutions qui visent à lutter contre les violences ou les discriminations qui sont faites à l’encontre de ces femmes, dans ces pays-là.

1) En France, selon le rapport annuel sur la représentation des femmes à la télévision et à la radio de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) publié le 8 mars 2022, les femmes sont « sous-représentées dans les programmes relevant du genre « sport » (20 %), alors qu’elles sont représentées à hauteur de 49 % pour le genre « information – autres émissions » et 47 % pour les genres « divertissement- jeux » et « magazines » ». Plus globalement, la part des femmes présentes à l’antenne affiche un taux record, à 43 % (soit +2 points sur un an). Selon l’Institut national de l’audiovisuel (INA), leur temps de parole est de 36 % (soit +1 point par rapport à 2021).