vendredi 26 avril 2024
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L’avocat était-il vraiment avocat ?

Publié le

Un Italien, résident monégasque, est soupçonné d’avoir usurpé le titre d’avocat en Principauté (1).

 

Lorsqu’il s’est présenté devant le tribunal correctionnel le 10 mars, cet Italien résident monégasque de 58 ans a juré ne jamais avoir rencontré le moindre problème professionnel en Principauté. Tout en indiquant être avocat au barreau de Gênes et conseil juridique à Monaco en droit international privé et droit du sport. Ce qui n’empêche pas le procureur général de le soupçonner de deux délits. D’abord d’avoir utilisé le titre d’avocat en Principauté, en utilisant la langue anglaise. En effet, sur les cartes de visite et sur les papiers à en-tête du prévenu, il est indiqué « attorney at law. » Ensuite, il est aussi reproché au prévenu d’avoir facturé ses prestations près de 300 000 euros pour un client qui, après avoir versé 100 000 euros, a refusé de payer le restant. En cause, la qualité du service rendu, au vu de la somme demandée. Du coup, ce client a porté plainte pour escroquerie, tout en contestant les factures.

 

Titre

Questionné par le tribunal, le prévenu a confirmé être avocat à Gênes, sans y travailler. En expliquant qu’il gardait son inscription au barreau de cette ville italienne afin de pouvoir continuer à utiliser le titre d’avocat. Pour la partie civile, Me Richard Mullot a été clair : « Mon client a été formel : il s’est toujours présenté à lui comme avocat. Et ce dans son seul bureau : Monaco. » Avant d’ajouter : « Nous considérons que le fait de s’être prévalu de fausses qualités et d’avoir facturé des prestations juridiques dans des domaines où le prévenu n’était pas autorisé, caractérise ce délit. Surtout pour des sommes substantielles, supérieures à 200 000 euros, venant s’ajouter à des précédentes factures déjà acquittées pour plus de 100 000 euros. » Du coup, Me Mullot a demandé 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.

 

Usurpation ?

Sans être à l’origine de cette dénonciation, l’ordre des avocats de Monaco s’est constitué partie civile. Pour l’ordre, Me Yann Lajoux a réclamé un euro symbolique. « Ce conseil est certes inscrit au barreau de Gênes en 1986, mais il n’exerce plus depuis lors, explique Me Lajoux à Monaco Hebdo. A défaut de convention internationale ou de texte de loi particulier, l’ordre des avocats ne pouvait pas admettre qu’il se réclame ou fasse usage de ce titre d’avocat sur le territoire monégasque, alors que la Principauté n’est pas membre de l’Union Européenne (UE), qu’il n’existe aucune équivalence de diplôme avec ceux délivrés par l’université italienne et que la législation monégasque implique une formation professionnelle adaptée aux spécificités nationales. » Pour sa part, le procureur, Cyrielle Colle, a estimé que les deux délits d’usurpation du titre d’avocat et de dépassement d’autorisation gouvernementale étaient constitués. Elle a donc demandé une amende de 5 000 euros.

 

Notoriété

Du côté de la défense, Me Jean-Pierre Licari et Me Christian Charrière-Bournazel ont plaidé la relaxe. Pour ces deux avocats, les délits ne sont pas démontrés. Me Charrière-Bournazel, a estimé que son client est de bonne foi et qu’il bénéficie d’une belle notoriété et de réelles compétences professionnelles. Tout en rappelant qu’il dispose d’une autorisation de conseil juridique à Monaco depuis 30 ans, et qu’il n’a jamais rencontré le moindre problème. Et qu’il n’hésitait pas à faire appel à d’autres avocats en cas de besoins spécifiques. Un point sur lequel Me Mullot rebondit : « Sa défense consiste à dire qu’il confiait à des avocats étrangers les dossiers que le client lui confiait à Monaco. Ce qui revient à dire qu’aucune prestation juridique substantielle n’était fournie par le prévenu. Ou, en tout cas, qu’elle restait très limitée. En fait, d’autres avocats travaillaient les dossiers ou les défendaient. »

Le tribunal correctionnel rendra sa décision le 5 mai.

 

(1) La personne citée dans cette affaire est présumée innocente jusqu’à son jugement définitif.