Daniel Boeri vient de publier un livre (1) dans lequel il décrypte la croissance galopante de ce pays d’Asie de l’Est qui compte 1,4 milliard d’habitants.
On le connaît en tant que conseiller national. On le sait passionné d’art contemporain… Mais Daniel Boeri est aussi un grand voyageur. Ce diplômé d’HEC, qui fut longtemps consultant auprès de multinationales, vient de publier un livre sur un pays qu’il connaît bien : la Chine. Après de nombreux voyages à Hong Kong, Pékin, Xi’an, Shanghai ou encore Canton, ce baroudeur a décidé de consacrer un ouvrage à la deuxième puissance mondiale. Un pays qui, depuis les années 2000, a connu une « ascension irrésistible », et qui pourrait devenir « d’ici la fin de ce siècle, la première puissance mondiale », pronostique Daniel Boeri : « Une des caractéristiques fascinante, de ce pays est que la Chine sait gérer l’immensément grand. La Chine, c’est 325 Singapour et plus d’une dizaine de Japon. Un empire multi-territoires, multi-ethnies, multi religions de 1,4 milliard d’habitants. »
Qualitatif
Pour démontrer le dynamisme du plus grand pays d’Asie de l’Est, qui a « fait en 10 ans ce que l’Occident a fait en 50 ans », Daniel Boeri publie de nombreuses statistiques. On y apprend, par exemple, qu’en 2015, parmi les 500 premières entreprises mondiales, 103 sont chinoises et 133 américaines. « Le top 50 est encore plus révélateur : 11 entreprises chinoises y figurent. Le géant du pétrole, State Grid, occupe la deuxième place, derrière l’américain Walmart, poursuit Boeri. Il faut se souvenir qu’en l’an 2000, seules 10 entreprises chinoises occupaient une place dans le top 500. Et aucune ne figurait alors dans le top 50. » Produisant d’abord des articles bas de gamme et bon marché, la Chine, communément appelée “l’atelier du monde”, a progressivement évolué vers des produits plus haut de gamme. Tout en démontrant une grande capacité d’adaptation aux nouvelles technologies. « La part des produits de haute technologie représente 27 % des produits manufacturés en 2013, contre 19 % en 2000. Il s’agit d’une marche vers la qualité encore peu perçue du grand public occidental, mais bien réelle et annoncée par le nombre de brevets, souligne Daniel Boeri. En effet, plus de 800 000 brevets ont été déposés en 2014 en Chine, contre 165 000 en 2000 et moins de 300 000 pour les Etats-Unis. Pour mémoire, ces dépôts sont un peu supérieurs à 70 000 pour la France et pour l’Allemagne. » Le saut du quantitatif vers le qualitatif est donc bien réel.
« Culture »
Autre constat majeur de ce livre : que ce soit à Bruxelles, Paris, Londres, Milan, New York ou Bangkok, les quartiers chinois fleurissent. « Le quartier chinois est présent partout dans le monde. Les Chinois sont bien acceptés et conservent leur culture, sans vouloir l’imposer aux autres », constate Daniel Boeri. Depuis qu’ils ont droit à des congés payés, les Chinois voyagent beaucoup. Selon l’organisation mondiale du tourisme (OMT), « les volumes des déplacements étaient de 31 millions en 2005, de 123 millions en 2015, et les prévisions sont de 208 millions en 2020. » Plus étonnant, pour éviter que ces touristes ne se comportent “à la chinoise”, le gouvernement a publié un guide du bon comportement à avoir à l’étranger. « La liste des incidents à l’étranger s’allongeant, le gouvernement a publié un opuscule Le guide du comportement civilisé à l’étranger à l’usage des touristes se déplaçant dans le monde », raconte Boeri.
« Filles »
Et cette vague de touristes chinois — qui se compte forcément en millions — a bien sûr profité à de nombreux pays : « Ainsi, on ne s’étonne pas du chiffre colossal d’un milliard de dollars dépensés par les Chinois en Russie, attractive, proche et bon marché. La France est elle aussi gagnante. Le nombre de touristes chinois y a doublé en six ans, pour arriver à 1 661 000 en 2014. De plus, les dépenses sont significatives. En 2014, elles s’élèvent à 480 euros par touriste. » Dans son livre, Daniel Boeri évoque aussi la politique de l’enfant unique remise récemment en question. Une politique aux conséquences assez inattendues : « Selon les projections de l’ONU pour 2100, les Chinois devrait perdre 300 millions d’habitants. C’est plus qu’une révolution. Ce pourrait être un drame dont les conséquences se mesurent d’ores et déjà avec le déséquilibre matrimonial et le vieillissement de la population qui est composée de 715 millions d’hommes pour 661 millions de femmes. D’ailleurs, le journaliste Evan Osnos indique qu’en 2020, il manquerait de l’ordre de 20 millions de filles pour épouser les garçons. »
