Edito n°1186 : Lumière

À Monaco, les violences faites aux femmes ont enregistré une hausse de 18 % en 2020. Au total, 39 cas ont été recensés en 2020, contre 33 l’année précédente. Mais, bien évidemment, ces chiffres sont très insuffisants. D’une part, parce qu’ils ne reflètent pas l’exacte réalité. En effet, beaucoup de femmes restent cloîtrées dans la peur, et n’osent pas dénoncer une situation qu’elles continuent à subir en silence. D’autre part, il y a aussi les dossiers classés sans suite, par manque de preuves. Ce qui fait dire à la directrice de l’Association d’aide aux victimes d’infractions pénales (Avip), Valérie Campora-Lucas : « Comme en France, il y a une sous-estimation. Par rapport au nombre de personnes qui portent plainte, il faudrait multiplier par cinq ou six. C’est donc beaucoup plus important. » Bref, il est impossible de se contenter de chiffres et de données statistiques pour résumer ce sujet sensible, et rendre compte de la souffrance endurée par ces femmes. Pour mieux comprendre, c’est sur le terrain qu’il faut aller, au plus près, avec les personnes concernées. C’est ce que Monaco Hebdo a fait dans ce numéro, avec un dossier spécial consacré aux violences contre les femmes. Nous avons notamment recueilli le témoignage de Sophie (1), une femme d’une quarantaine d’années qui nous a raconté son calvaire. Battue et violée pendant des années par son mari, elle a osé dire « stop » et faire appel à l’Avip. Et il lui a fallu faire preuve d’un sacré courage pour s’élever contre ce compagnon qui lui disait : « Si tu quittes cette habitation, je te tue. Avec 15 000 euros, je peux trouver quelqu’un qui va te tuer. » En France, plus d’une centaine de femmes meurent chaque année sous les coups de leurs conjoints. À Monaco, cela fait « longtemps », nous dit-on, qu’un féminicide n’a pas endeuillé la principauté. Mais ce n’est évidemment pas une raison pour se réjouir, et encore moins pour relâcher la vigilance contre ces crimes. Surtout que, le plus souvent, la mécanique à l’œuvre derrière ces violences, aurait dû être repérée et neutralisée. Car les violences psychologiques ou physiques, et l’emprise d’un homme sur sa conjointe, se construisent au fil du temps. C’est lorsque la femme décide de mettre un terme à cette relation pour reprendre sa liberté, que la violence atteint alors des sommets, jusqu’à la mort, parfois. Pour éviter le pire, tout le monde a un rôle à jouer. La police et la justice doivent assurer un meilleur traitement des signalements qu’ils reçoivent. Mais il faut aussi une véritable prise de conscience des femmes et de leurs proches, pour enfin être persuadé que les violences dont elles sont victimes ne sont pas une fatalité. Notre société peut et doit les éviter. Pour cela, il faut mettre en lumière ce sujet, même s’il est difficile. C’est ce que Monaco Hebdo fait cette semaine.

1) Son prénom a été modifié.