vendredi 26 avril 2024
AccueilPolitiqueComité mixte de suivi du Covid-19 : Entre accords et désaccords

Comité mixte de suivi du Covid-19 : Entre accords et désaccords

Publié le

Lors de la deuxième réunion du comité mixte de suivi du Covid-19, le 3 avril 2020, gouvernement et Conseil national ont fait un point sur la situation sanitaire et l’approvisionnement en matériel médical.

L’impact sur le budget de l’Etat a aussi été abordé.

Deuxième réunion pour le comité mixte de suivi du Covid-19, après une première rencontre qui s’est déroulée le 30 mars. En quelques jours, certains sujets ont rassemblé gouvernement et élus, mais des points de divergence subsistent. Les échanges ont été globalement « constructifs » a jugé le président du Conseil national, Stéphane Valeri, en ouverture de la séance publique de renouvellement du bureau de l’assemblée, le 6 avril, en fin de journée. Estimant que des « avancées majeures » ont été obtenues grâce à ce comité mixte, Stéphane Valeri a néanmoins indiqué que les discussions se poursuivaient sur plusieurs points où gouvernement et Conseil national ne sont pas encore sur la même longueur d’onde. Cette réunion a aussi été le cadre d’échanges concernant les « grandes lignes » du premier budget rectificatif pour l’année 2020, indique le gouvernement princier dans un communiqué. Au vu du fort impact qu’a cette crise sanitaire sur les finances de l’Etat monégasque, le gouvernement devrait déposer dans les jours à venir un premier projet de loi de budget rectificatif. « Le budget rectificatif fera l’objet très prochainement d’un examen au sein d’une commission plénière d’études », a confirmé le gouvernement. De son côté, le Conseil national va examiner « en urgence » ce premier projet de loi de budget rectificatif pour le voter en séance publique dès la mi-avril.

Chantiers

Du côté des conseillers nationaux, la délégation menée par le président Stéphane Valeri a souligné quelques points d’accord en ce qui concerne le plan sanitaire et le confinement. La stratégie d’un recours massif aux masques et aux tests de dépistage est désormais validée, notent les élus qui encouragent désormais le gouvernement à diversifier au maximum les sources d’approvisionnement. Pour cela, des « contacts complémentaires ont été remis par la délégation », assure un communiqué du Conseil national. Les élus se félicitent aussi d’avoir été entendus à propos du renforcement des contrôles aux frontières de la principauté : « Aucune voiture hors Monaco ne doit pouvoir entrer en principauté, pour des motifs autres que le travail ou une raison médicale. Il n’est pas normal, par exemple, que des résidents au-delà des communes limitrophes viennent encore s’approvisionner à Monaco dans les surfaces alimentaires. » En revanche, les conseillers nationaux estiment qu’il faut durcir les contrôles dans les rues de la principauté, afin de respecter au mieux les consignes de confinement : « Devant certains comportements et certains abus, il faut envisager de mettre en place des sanctions sous forme d’amendes. » Le 1er avril 2020 (lire notre article par ailleurs, dans ce numéro), le conseiller-ministre pour l’intérieur, Patrice Cellario, a assuré que la sûreté publique a déjà procédé à plus de 11 000 contrôles, environ 850 contrôles par jour, depuis le début du confinement, le 17 mars 2020. Voitures, deux-roues, piétons et même les bateaux, tout le monde est concerné a assuré Patrice Cellario, et cela de jour comme de nuit. Pourtant, alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 7 avril 2020, une seule personne, qui a été contrôlée en principauté sans motif suffisamment crédible, a écopé d’une amende de 100 euros. Autre point de désaccord : le Conseil national continue de réclamer l’arrêt de tous les chantiers. « Les chantiers qui se poursuivent sont donc de la responsabilité unique du gouvernement. Les élus estiment en effet que la protection sanitaire de la population est plus importante que tout et regrettent que certains chantiers continuent ou même aient repris, comme le chantier public du complexe balnéaire du Larvotto. Les résidents ne comprennent pas, alors qu’ils subissent un confinement, que des chantiers continuent sous leurs fenêtres avec de nombreux ouvriers », soulignent les élus.

© Photo Conseil National.

Au total « 993 entreprises de la principauté ont adopté le télétravail. Il concerne à ce jour 10 381 salariés, contre 1 300 avant la crise du Covid-19. Le télétravail devient la norme » estime le gouvernement

« Continuité »

Sur le volet social, plusieurs points de consensus ont été trouvés : la mise en place du chômage total temporaire révisé (1), le lancement d’un revenu minimum exceptionnel pour les travailleurs indépendants d’un montant de 1 800 euros mensuels net, le personnel de maison bénéficiera aussi du chômage total temporaire révisé, le principe d’une prime pour les soignants du centre hospitalier princesse Grace (CHPG) et des établissements rattachés (A Qietüdine, Cap Fleuri et Centre Rainier III), les sapeurs pompiers et les unités de secours, l’interdiction des licenciements, sauf pour faute grave, pendant toute la durée de cette crise et l’obligation du télétravail pour « tout poste le permettant ». Dans un communiqué le gouvernement s’est, pour sa part, félicité de l’envol du télétravail pendant cette période de confinement : au total « 993 entreprises de la principauté ont adopté le télétravail. Il concerne à ce jour 10 381 salariés, contre 1 300 avant la crise du Covid-19. Le télétravail devient la norme. Une décision du ministre d’Etat, qui vient d’être publiée, le rend obligatoire dès lors qu’il est possible. » Le 6 avril, en fin de journée, les élus ont voté une proposition de loi pour donner un cadre légal à cette décision ministérielle. Si gouvernement et Conseil national sont d’accord pour interdire les licenciements, à l’exception de fautes graves, pendant cette pandémie, les élus ont argumenté leur point de vue en rappelant que comme le chômage total temporaire révisé « prend en charge en totalité la masse salariale des personnes concernées, il n’y a aucune raison pour qu’un employeur procède actuellement à un licenciement, mettant en grande difficulté le salarié qui en serait victime ». Là encore, une proposition de loi a été votée le 6 avril pour offrir un cadre légal à cette décision ministérielle mais aussi pour sanctionner les abus, « ce que ne permet pas la seule décision ministérielle », soulignent les conseillers nationaux. En revanche, le débat se poursuit sur plusieurs points. Notamment la prise en compte du salaire médian, soit 2 200 euros nets mensuels environ, comme plafond de prise en charge à 100 % du salaire, pour le chômage total temporaire révisé. « Il est en effet compliqué pour certains de ces foyers de faire face à leurs charges fixes (loyers, échéances de crédits…) », estiment les élus. Pour le revenu minimum exceptionnel qui concerne les travailleurs indépendants, là encore, les élus espéraient qu’il soit de 2 200 euros, donc équivalent au salaire médian. Ils souhaitent aussi que ce dispositif soit également proposé aux dirigeants de SARL. Ils sont « pour le moment injustement écartés de cette mesure. Seule la forme juridique change, mais les difficultés sont les mêmes que pour les travailleurs indépendants et les activités en nom personnel », assure le Conseil national. Stéphane Valeri et sa délégation continuent d’insister pour que la durée de la prime de 1 000 euros pour les personnels soignants du CHPG et des établissements rattachés, les sapeurs-pompiers et les unités de secours, soit étendue à l’ensemble de la durée de cette crise. Les discussions se poursuivent pour que cette prime mensuelle concerne aussi les personnels soignants des établissements de l’institut monégasque de médecine du sport (IM2S) et du centre cardio-thoracique, ainsi que du centre privé d’hémodialyse. D’ailleurs, sur cette question de prime, les élus espèrent qu’elle sera étendue à « tous les fonctionnaires qui ont obligation de travailler sur site et qui s’exposent donc pour assurer la continuité des services de l’Etat » mais aussi à « tous les personnels administratifs et non-soignants des établissements de santé ». Toujours au rayon des primes, l’assemblée demande aussi qu’une « gratification » soit octroyée aux salariés « de services publics qui s’exposent », à savoir la société monégasque d’assainissement (SMA), la société monégasque d’électricité et de gaz (Smeg), la société monégasque des eaux (SME), et la compagnie des autobus de Monaco (Cam).

© Photo Conseil National.

Il reste donc un certain nombre de points et de sujets sur lesquels gouvernement et Conseil national ont encore du travail pour rapprocher leurs points de vue

150 millions

Dernier sujet de discussion : l’économie. Sur ce plan-là, la dotation de 50 millions d’euros d’un fonds de garantie de prêts bancaires sans coût pour l’emprunteur, fait consensus. Mais on peut aller plus vite, estiment les élus, qui rappellent que « ce prêt bonifié est garanti par l’Etat, il n’y a donc aucun risque pour les banques. C’est pourquoi le Conseil national demande à toutes les banques de simplifier les procédures au maximum, d’accélérer le traitement des dossiers et de libérer les sommes au plus vite ». Même unité autour de la création d’un fonds d’intervention d’urgence de 150 millions d’euros, proposé par les élus et accepté par le gouvernement à l’occasion de cette deuxième réunion du 3 avril 2020. Pour soutenir l’économie monégasque, l’Etat va donc injecter de l’argent. « Mais les prêts ne suffiront pas pour toutes les entreprises et vont alourdir leur endettement. Certaines entreprises et certains secteurs particulièrement impactés, ont besoin d’aides publiques pour faire face à leurs charges incompressibles. L’objectif est d’éviter au maximum les faillites et les licenciements, pour passer le cap de la crise et se préparer à la relance de l’économie monégasque », jugent les conseillers nationaux. L’accord gouvernement-Conseil national est aussi total en ce qui concerne la suppression des loyers domaniaux pour tous les commerces pendant un trimestre et le report des charges sociales et fiscales sur demande, là encore pour trois mois. Le débat se poursuit sur d’autres points. Notamment sur la durée de remboursement des prêts, fixé actuellement à un an, est jugé trop court par l’assemblée, qui réclame un délai rallongé à 5 ans. Autre point d’achoppement : la prise en charge par l’Etat des cotisations de la Caisse d’assurance maladie des travailleurs indépendants (Camti) et de la Caisse autonome des retraites des travailleurs indépendants (Carti) pendant un trimestre, « sur demande et tant que durera la crise ». Les élus espèrent aussi que la suppression des loyers domaniaux pour les travailleurs indépendants et les bureaux des entreprises impactées par la crise sera étendue. Enfin, le Conseil national continue de réclamer une baisse des loyers de la part des bailleurs privés de locaux à usage professionnel et qu’ils autorisent la mensualisation tant que dure cette pandémie de Covid-19. Une proposition de loi imposant un minimum de 20 % de baisse, et l’étalement de 30 % sur le reste de l’année, a été votée le 6 avril, en séance publique. Mais ce tableau n’est pas complètement noir. « Le Conseil national constate avec satisfaction que d’importants bailleurs privés ont devancé cette mesure en appliquant par eux-mêmes des diminutions de loyers commerciaux bien supérieures. Notre proposition fixe donc un minimum obligatoire pour tous, mais s’entend également comme un encouragement à soutenir l’ensemble des commerces et des acteurs économiques de la principauté », assurent les élus. Il reste donc un certain nombre de points et de sujets sur lesquels gouvernement et Conseil national ont encore du travail pour rapprocher leurs points de vue. Le gouvernement assure, de son côté, qu’il ne fermera pas la porte : « Les élus ont présenté un certain nombre de mesures complémentaires qui seront examinées par le gouvernement princier dans les jours à venir. » Ce sera à vérifier, au moins en partie, le 9 avril, à l’occasion de la troisième réunion de ce comité mixte de suivi du Covid-19.

1) « Tous les salariés dont le travail est suspendu, bénéficient de 80 % environ de leur salaire net, jusqu’à un plafond fixé à 4,5 fois le Smic monégasque. Pour les salaires inférieurs ou égaux à 1 800 euros nets mensuels, 100 % du salaire est maintenu », souligne le Conseil national dans un communiqué daté du 5 avril 2020.