vendredi 26 avril 2024
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Deux propositions de loi pour Horizon Monaco

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Lors de leur conférence de presse de rentrée, les six conseillers nationaux du groupe politique Horizon Monaco (HM) ont détaillé deux propositions de loi qu’il viennent de soumettre. L’une sur le travail d’intérêt général et public pour remplacer de courtes peines de prison et l’autre sur le don d’organes post-mortem. Explications.

 

Ils assurent être six élus « très actifs, très engagés », et veulent le démontrer. L’ancien président du Conseil national Laurent Nouvion, Claude Boisson, Béatrice Fresko-Rolfo, Christian Barilaro, Jacques Rit et Alain Ficini composent Horizon Monaco (HM), premier groupe politique officiel depuis la nouvelle loi sur le règlement intérieur du Conseil national (lire ci-contre). Lors de leur conférence de presse de rentrée, jeudi 29 septembre, ils ont dévoilé deux propositions de loi qu’ils ont déposées les 28 et 29 septembre sur le bureau de l’hémicycle. « Nous avons toujours été constructifs et studieux, et nous travaillons sur les textes en cours », se targue Laurent Nouvion. La première émane de Claude Boisson et concerne le travail d’intérêt public et général (TIPG). Il s’agit d’apporter une alternative facultative à la prison en cas de délit mineur. Quand une personne est condamnée à une peine d’emprisonnement, « on peut prescrire une peine de travail dans un établissement public, un service de l’État, auprès d’une association habilitée ou d’une personne morale de droit public ou de droit privé chargée d’une mission de service public », explique Claude Boisson. En France, « cela fait 33 ans que [cette alternative] existe », souligne l’élu à l’initiative de la proposition de loi. Et Claude Boisson d’énumérer les conditions pour transformer cette peine de prison en travaux d’intérêt public et général. Déjà, avoir au moins 16 ans. « C’est sur la base du volontariat, ce n’est pas une démarche coercitive », complète-t-il.

« Démarche réparatrice »

Surtout, ce TIPG doit s’inscrire dans « une démarche humanitaire, culturelle, sociale, environnementale ». Par exemple, cela peut aller de l’entretien des espaces publics avec le ramassage d’ordures à l’aide à la personne de malades ou d’handicapés. « Une démarche réparatrice et encadrée, pour prendre en charge des choses utiles », ajoute Claude Boisson, pour qui cette alternative à la prison va dans le bon sens du « processus de réinsertion ». Bien sûr, ce travail d’intérêt public et général n’est aucunement rémunéré. « Le condamné a une dette sociale », estime l’élu HM. Le cadre du TIPG est de courte durée, sur des petits délais. La proposition de loi prévoit une durée entre 24 et 120 heures pour une peine de police, et entre 39 et 5 007 heures pour une peine correctionnelle. Et l’élu de rappeler : « Il ne s’agit pas de mettre dans la rue des gens dangereux. » Si Claude Boisson estime que le TIPG est « quelque chose qui est attendu par les travailleurs sociaux et les associations », les professionnels de justice n’ont pas encore été associés à la réflexion. « Le principe de cette proposition est de poser l’hypothèse. Il y a certainement des imperfections. Si on met en place cela, il y aura peut-être besoin de modifier le Code pénal, mais ce n’est pas de notre ressort », clame Claude Boisson, soutenu par le président du groupe HM, Laurent Nouvion. « Nous sommes des politiques, pas des techniciens du droit. Nous proposons pour qu’une idée fasse son chemin. Le modus operandi sera affiné dans le cadre des discussions. » Pour le médecin Jacques Rit, « une proposition de loi est politique avant tout. Si elle a la chance de devenir un projet de loi, c’est retraité par les services juridiques du gouvernement, et là ont lieux les discussions avec les personnes concernées. On est au tout début du processus », explique-t-il concernant le TIPG.

Registre d’inscription

Un cas similaire à l’autre proposition de loi estampillée Horizon Monaco : le don d’organes post-mortem. Un travail de groupe mené de front par Béatrice Fresko-Rolfo. « Tout le monde à HM est du même avis. Et l’Église est favorable — sous conditions, certes —, mais entièrement favorable », se félicite cette élue. Il s’agit pour une personne décédée de pouvoir être prélevée de ses organes si elle l’a choisi. Une proposition de loi qui vise à combler un vide juridique en Principauté. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’encadrement législatif à Monaco. En principe, il faut transférer le corps en France, puis vérifier que la personne morte n’est pas sur la liste de refus, à laquelle seul le médecin légiste a accès », confirme Jacques Rit. Le texte se fonde sur trois grands principes : la gratuité, l’anonymat du donneur comme du receveur, et la création d’un registre où l’on s’inscrit pour être donneur d’organes post-mortem. « C’est ce qui se différencie de la France, qui a mis en place un registre de refus », détaille Béatrice Fresko-Rolfo, qui souligne que la taille du territoire monégasque permet plus facilement la mise en place d’un registre de “pour” que dans le pays voisin. « Si la personne ne s’inscrit pas, la famille peut quand même autoriser le prélèvement si elle sait que la personne y était favorable. Si la personne s’inscrit, c’est comme un testament, personne ne peut s’y opposer. La démarche est pour que la famille ne soit pas gênée de prendre une décision à la place. » Devant l’importance du don d’organes, l’élue appelle à « réveiller la conscience collective ». Selon elle, cette proposition de loi va répondre aux attentes de nombreuses associations et institutions monégasques. « C’est quelque chose de très positif de se positionner en faveur de quelque chose plutôt que contre », estime pour sa part Christian Barilaro.

 

Les groupes politiques, une « clarification obligatoire »

Publié au Journal de Monaco le 16 septembre, HM est le premier groupe politique officiel depuis la nouvelle loi. « Cela faisait 13 ans que la loi d’organisation du Conseil national était en souffrance », déplore Jacques Rit. « L’officialisation de groupes politiques avec le nouvau règlement intérieur permet de clarifier la situation pour que nos compatriotes sachent à qui ils ont affaire », prône l’élu. Trois ans de travail et une épreuve au tribunal suprême plus tard, il juge que, dans ce texte largement voté, « le principe déclaratif d’appartenance à un groupe est le minimum de clarté que nous devons aux électeurs et aux Monégasques ». Alors pourquoi, comme le note Claude Boisson, HM ressent « un sentiment de résistance à nous reconnaître comme groupe » ? « Tous les autres [élus] prennent comme référence la situation de sortie des urnes. Or cette situation a changé depuis le 27 avril », estime-t-il. Le président de HM, Laurent Nouvion, réitère son appel à « se positionner ». Selon lui, les autres élus « ne s’assument pas, ils veulent pouvoir aller au gré du vent et des opportunités ». Pourtant, même au sein des rangs des “pro-Nouvion”, deux élus ont choisi de quitter HM : Pierre Svara et Sophie Lavagna. « Ils ont été très choqués de ce qu’il s’est passé », justifie Jacques Rit. « Mais nous sommes dans une collaboration fructueuse. » Pour preuve, la signature des deux propositions de loi d’HM par Pierre Svara et de l’une d’entre elles par Sophie Lavagna. Maintenant constitué — avec des statuts sous la forme juridique d’une association que Laurent Nouvion « remet volontiers pour la création d’autres groupes » —, HM entend bien peser dans les débats importants comme les sujets d’actualité : les négociations européennes (lire ci-contre) ou le budget rectificatif, qualifié de « sans aspérités ».

 

Défendre la priorité nationale lors des négociations avec l’Europe

« La position d’Horizon Monaco (HM) est très claire », commente Laurent Nouvion. D’une seule voix, ce groupe politique « réitère son soutien aux professions réglementées sur le principe de priorité nationale, une notion constitutionnelle. Il faut faire valoir ce que nous sommes : 6 700 actifs monégasques face à 340 millions d’Européens. » Le président d’HM juge cette notion « existentielle » dans un pays de cette taille, très loin du « cadre hideux » qu’elle peut avoir dans un pays de 100 millions d’habitants. Et ce n’est pas simple à prôner face à la commission européenne. « Côté Bruxelles, il y a une armée. Nous sommes une petite équipe. Nous devons être solidaires et associés à la stratégie commune. » HM plaide pour la pédagogie, avec des réunions supplémentaires avec le gouvernement avant d’aller à Bruxelles, et pas seulement après. « C’est du pur bon sens : peut-on imaginer que le Conseil national ne ratifie pas ce que le gouvernement fait sur la volonté du souverain ? C’est techniquement possible, mais cela serait l’ouverture d’une grave crise institutionnelle. Donc, le seul moyen, c’est de travailler est en amont », clame le conseiller national Jacques Rit.