samedi 27 avril 2024
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Appartements sous loi n° 1 235 L’État indemnisera les propriétaires

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C’est un texte attendu depuis longtemps par les propriétaires d’appartements du secteur protégé, placés sous la loi n° 1 235. Désormais, les biens concernés achetés avant 2004, d’une surface maximale de 300 m2 et en état jugé correct, pourront donner droit à une allocation compensatoire versée par l’État monégasque.

Cette fois, c’est fait. Les propriétaires d’appartements situés dans le secteur protégé, placés sous la loi n° 1 235, pourront percevoir une allocation de la part de l’État. Cette somme d’argent viendra compenser le plafond des loyers imposé dans ce secteur d’habitation de la principauté. Dans la soirée du 30 juin 2021, et en l’absence des élus Jean-Charles Emmerich pour la majorité Priorité Monaco (Primo !) et Jean-Louis Grinda pour Union Monégasque (UM), les élus ont voté le projet de loi n° 1015 à l’unanimité. La rapporteure et conseillère nationale Primo !, Marie-Noëlle Gibelli, a rappelé l’objectif de ce texte. Il s’agit de « compenser les effets du régime d’encadrement des loyers au moyen du système des loyers de référence sur les revenus locatifs générés par les locaux à usage d’habitation relevant du secteur protégé, afin qu’ils puissent en retirer de plus justes revenus ».

« Cette mesure, qui fait enfin jouer à l’État le rôle social qui doit être le sien, n’est pas seulement satisfaisante sur le plan des principes, elle est très concrète, avec un budget estimé à environ 5 millions d’euros par an au titre des dépenses au budget de l’État »

Stéphane Valeri, Président  du Conseil national

« Choix équilibrés »

Pour sa part, le président du Conseil national, Stéphane Valeri, a refait un peu d’histoire, en rappelant que « depuis 1947 et la création du secteur protégé d’habitation, beaucoup se sont exprimés sur ce sujet, en parlant notamment de l’atteinte au droit de propriété. Mais jamais n’avait été créée une allocation compensatoire de loyer pour les petits propriétaires de ce secteur, afin de leur garantir un revenu locatif équivalent à celui d’un appartement de même nature dans le secteur libre ancien. Cette mesure, qui fait enfin jouer à l’État le rôle social qui doit être le sien, n’est pas seulement satisfaisante sur le plan des principes, elle est très concrète, avec un budget estimé à environ 5 millions d’euros par an au titre des dépenses au budget de l’État ». Comme pour l’autre texte voté dans la soirée et qui concernait le statut des enfants du pays [à ce sujet, lire notre article Enfants du pays : enfin une loi pour les définir, publié dans ce numéro — NDLR], il a, là encore, fallu faire des choix, en établissant une série de critères. Ce qui a poussé Stéphane Valeri à glisser : « La mise en place de critères est, par définition, toujours sujette à débats. Certains les critiqueront, c’est dans l’ordre des choses. Je dirais simplement ce soir qu’être aux responsabilités, c’est savoir prendre des décisions, et décider d’avancer. C’est ce que nous avons fait, avec des choix équilibrés. » Marie-Noëlle Gibelli a donc énuméré les principaux critères à respecter pour prétendre à cette nouvelle aide de l’État. Cette allocation compensatoire concerne uniquement ceux qui ont acquis leur bien avant le 25 décembre 2004. Pourquoi cette date ? Parce que, le but principal de ce texte est de « se focaliser sur les répercussions parfois injustes, sur certains propriétaires, des réformes législatives successives ayant affecté le secteur protégé avant la loi n° 1291 du 21 décembre 2004 ». Ce texte vient modifier la loi n° 1235 du 28 décembre 2000 sur les « conditions de location de certains locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947 ». Or, la promulgation de cette loi le 25 décembre 2004, correspond « au moment où s’est stabilisé le système d’encadrement des loyers institué par la loi n° 1235, en vue de mettre un terme aux disparités de loyers que l’on observait dans ce secteur ». La commission du logement du Conseil national a donc estimé que « les acquisitions effectuées après cette date ont été faites en pleine connaissance de ce marché ». Autres critères à remplir pour toucher cette aide de l’État : être « propriétaire en nom propre, ou au travers d’une société ou usufruitière de locaux à usage d’habitation construits ou achevés avant le 1er septembre 1947, dont la surface totale est inférieure à 300 mètres carrés ». Pour être plus précis encore, cette aide concernera uniquement les propriétaires qui possèdent moins de 500 m2 de locaux à usage d’habitation en principauté, et ceci, tous secteurs d’habitation confondus. Enfin, l’allocation versée concernera une surface maximale de 300 m2 de locaux situés dans le secteur protégé.

La date de mise en application de ce texte est aussi un gage politique vis-à-vis des propriétaires, depuis longtemps ulcérés par une situation qu’ils jugeaient inacceptable

« Respect de normes de sécurité et de confort »

Le but poursuivi par ce texte est donc de permettre au propriétaire de percevoir le manque à gagner généré par le fait que son appartement est situé dans le secteur protégé, ce qui implique donc des loyers plafonnés. Il faut dire que l’écart entre les loyers du secteur libre et du secteur protégé est conséquent. Selon une étude sur le calcul des loyers publiée en avril 2013 par l’Institut monégasque de la statistique et des études économiques (Imsee), les loyers dans le secteur protégé étaient alors « environ deux fois moins élevés que ceux du reste du secteur ancien ». « Si le parc ancien total compte 4 507 appartements, le calcul des loyers n’est effectué que sur 2 277 appartements. En sont exclus les appartements mis à disposition ou occupés par leur propriétaire et ceux dont le loyer est inconnu », précisait alors l’Imsee. D’après ce document, en 2011, dans le secteur protégé le loyer mensuel moyen était de 1 330 euros, contre 2 772 euros dans les autres zones du secteur ancien de la principauté. « Le propriétaire percevra pour un bien sous loi n° 1235 du 28 décembre 2000, modifiée, avec le cumul du loyer et de l’allocation, une somme sensiblement équivalente au loyer d’un logement de caractéristiques équivalentes », a expliqué le conseiller-ministre pour l’économie et les finances, Jean Castellini, tout en pointant un autre point à respecter pour percevoir cette allocation : « Le respect de normes de sécurité et de confort. Il ne serait pas concevable que des appartements non conformes puissent être éligibles au dispositif. Un arrêté ministériel précisera les conditions », a souligné Jean Castellini. Il faudra donc que les propriétaires investissent des sommes parfois élevées, afin de répondre aux attentes de l’État.

« Maîtrisé »

Les cinq millions d’euros que devra débourser l’État monégasque chaque année sont justifiés, ont estimé les élus, à commencer par le président de la commission du logement, Franck Lobono : « Certains pourront s’étonner qu’une politique sociale mène à verser de l’argent public à des propriétaires à Monaco. C’est un fait que nous assumons parfaitement, car il est justifié, maîtrisé et très encadré, dans une enveloppe contenue d’environ 5 millions d’euros. Justifié car une partie de la politique sociale est portée depuis 70 ans par les propriétaires privés dans le secteur protégé. Ils ont supporté ce rôle, contre leur volonté, depuis si longtemps et cela justifie parfaitement une aide financière aujourd’hui. » Franck Lobono a aussi parlé de « maîtrise » dans les sommes allouées par l’État dans ce dispositif : « Maîtrisé car cette allocation ne sera versée que pour les 300 premiers mètres carrés détenus dans le secteur protégé à des personnes dont le patrimoine n’excède pas 500 mètres carrés, sachant tout de même que cela représente plus de 90 % des propriétaires du secteur concerné. Maîtrisé aussi, car cette allocation ne saurait être versée qu’aux familles propriétaires depuis des générations et qui n’ont pas eu d’autre choix que de subir la restriction locative. Encadré enfin, car cette allocation est calculée de manière forfaitaire. Elle n’encouragera donc pas la location d’appartements proches de l’insalubrité ! » De son côté, l’élue Primo ! Nathalie Amoratti-Blanc a insisté sur ce point, jugeant que « certains logements de ce secteur protégé ne sont pas en bon état d’habitabilité. Ils nécessitent, pour une grande partie d’entre eux, des mises aux normes de sécurité, voire même des rénovations de confort. Ces investissements, parfois conséquents, n’étaient pas toujours assurés par les propriétaires qui invoquaient alors les trop petits loyers perçus ». Désormais, la balle est dans le camp des propriétaires. S’ils veulent toucher cette aide de l’État, ils devront commencer par dépenser de l’argent, en réalisant les travaux imposés par ce texte de loi. Mais Nathalie Amoratti-Blanc reste positive : « Il ressort de ce texte un double bénéfice : d’une part, une compensation financière pour les petits propriétaires qui n’assumeront plus le rôle social de l’État. Et, d’autre part, une rénovation progressive des appartements du secteur protégé, au bénéfice de leurs locataires. » Quant à la date de mise en application de ce texte, elle est aussi un gage politique vis-à-vis des propriétaires, depuis longtemps ulcérés par une situation qu’ils jugeaient inacceptable. « Malgré la crise sanitaire et ses importantes conséquences, les dispositions de la présente loi entreront en vigueur le 1er janvier 2022. À cette fin, une inscription est prévue au budget primitif de l’exercice 2022. Cet engagement constitue un acte fort envers les propriétaires du secteur protégé. Il est à espérer que le présent projet de loi permettra d’apaiser certaines tensions qui ont pu apparaître par le passé », a soufflé le conseiller-ministre pour l’économie et les finances, Jean Castellini. On devrait en savoir plus à ce sujet dans les mois qui viennent.

La date de mise en application de ce texte est aussi un gage politique vis-à-vis des propriétaires, depuis longtemps ulcérés par une situation qu’ils jugeaient inacceptable

Jean Castellini. Conseiller-ministre pour l’économie et les finances