vendredi 26 avril 2024
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Taxis de Monaco : leur monopole survivra-t-il ?

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Les négociations se poursuivent entre le gouvernement et les représentants des taxis indépendants de Monaco.

Ces derniers s’inquiètent de voir de plus en plus de chauffeurs limitrophes être autorisés à exercer en principauté, alors que l’accès leur était jusqu’ici limité. Suite logique d’un marché en plein bouleversement ?

Ce n’est décidément pas une affaire qui roule. Après leur grande opération escargot menée au beau milieu de la principauté, la veille du Grand Prix de Monaco, le 18 mai 2021, 51 chauffeurs taxis monégasques espéraient se faire entendre sur un point, ou plutôt une crainte : l’avancée, galopante, selon eux, de la concurrence étrangère sur le marché de la principauté. Ce marché leur est en effet réservé de droit, selon le principe de priorité nationale accordé par l’État monégasque, et limite fortement l’accès aux chauffeurs limitrophes. Seuls quelques professionnels extérieurs (140 VTC) peuvent ainsi exercer en principauté en échange d’une vignette, appelée aussi macaron, délivrée par l’État. Mais onze nouvelles vignettes supplémentaires ont été accordées à des chauffeurs français limitrophes pour l’année 2021. Si cela peut paraître peu, la nouvelle a provoqué la colère de l’association des exploitants de taxis indépendants de Monaco (AETIM), principal organe représentant la profession en principauté, qui assure que le secteur a perdu près de 70 % d’exploitation en 2020, par rapport à l’année 2019. Depuis l’opération escargot, les représentants de l’AETIM ont été reçus à deux reprises au ministère d’État, les 21 et 28 mai 2021. Le but étant de trouver une solution permettant, selon eux, de restreindre l’activité des professionnels du transport étrangers, notamment des Français : « Nous proposons un ensemble de solutions qui restent sensibles aux demandes des véhicules de tourisme avec chauffeurs et taxis français, tout en donnant une place prépondérante aux indépendants et entreprises monégasques », explique ainsi cette association, par le biais d’un communiqué.

« Si nos demandes n’étaient pas satisfaites, nous serions contraints de changer de stratégie »

L’association des exploitants de taxis indépendants de Monaco (AETIM)

« Nous espérons être entendus »

Mais aucun accord ne semble avoir été conclu pour le moment, si bien qu’une nouvelle réunion est d’ores et déjà programmée, d’ici la fin du mois de juin 2021 avec le ministre d’État Pierre Dartout, le conseiller-ministre aux finances et à l’économie, Jean Castellini, le conseiller-ministre à l’intérieur, Patrice Cellario et le secrétaire général du gouvernement, Robert Colle. Et, en ce qui concerne l’AETIM, il semblerait que cette troisième réunion soit bien la dernière qu’ils acceptent de suivre sans avancée notable : « Si nous avons le sentiment d’être écoutés, nous espérons être entendus […]. Si nos demandes n’étaient pas satisfaites, nous serions contraints de changer de stratégie », prennent-ils soin de noter. Car, toujours d’après eux, la concurrence étrangère est déloyale : « Les vingt taxis électriques saisonniers qui avaient fait leur première saison […] ne seront pas en exploitation pour la deuxième année consécutive, par manque de perspectives de travail. Par contre, cent quarante professionnels du transport français sont autorisés à venir travailler en principauté sans aucune restriction ou presque, et sans reverser aucune TVA, simplement en payant une vignette annuelle, dont le montant bien faible au regard du chiffre d’affaires réalisé en principauté, est d’environ une soixantaine d’euros par mois. » L’AETIM évoque ainsi une dégradation des conditions de travail des chauffeurs taxis de Monaco « depuis plusieurs années » et espère davantage l’arbitrage, pour ne pas dire l’aide, du gouvernement princier, afin de préserver ses chauffeurs de la concurrence directe sur le territoire monégasque.

« Depuis plus d’un an, nous avons prôné le dialogue constructif en toute confiance, des avancées ont vu le jour, mais elles sont encore trop timides et non pérennes »

L’association des exploitants de taxis indépendants de Monaco (AETIM)

Des avancées « trop timides »

D’ici la prochaine réunion, qui se conclura peut-être par un accord à long terme, le gouvernement ne se prononce pas encore directement sur le sujet de l’ouverture à la concurrence limitrophe. Mais il évoque la création prochaine d’une nouvelle application mobile censée soutenir et promouvoir les taxis de Monaco auprès de la clientèle. Un projet placé « sous la direction du conseiller-ministre Jean Castellini », comme le rappelle l’AETIM, qui participe à l’élaboration de la dite application client sur smartphone. Ce projet s’accompagne par la création de « Tickets Taxi+ », qui offrent aux clients de la principauté une course équivalent à 15 euros après un achat dans un commerce ou restaurant partenaire. Sur cette course, dix euros sont ainsi pris en charge par l’État, alors que les cinq euros restants reviennent au commerce en question. Malgré cette initiative, l’AETIM en veut plus et attend des « décisions fortes » de la part du gouvernement : « Depuis plus d’un an, nous avons prôné le dialogue constructif en toute confiance, des avancées ont vu le jour, mais elles sont encore trop timides et non pérennes », regrette l’association, dans son communiqué. Dans son combat, l’AETIM s’est vue recevoir le soutien du président du Conseil national, Stéphane Valeri, qui s’exprimait à ce sujet dans les colonnes de Monaco Hebdo : « Il est évident, plus encore dans cette période difficile concernant leur activité, qu’une attention toute particulière doit leur être portée. Pour notre assemblée, la priorité nationale doit s’appliquer dans ce secteur comme dans les autres. » Mais, face à la concurrence d’Uber et consorts, c’est bien la profession des chauffeurs taxis en elle-même qui est en plein bouleversement, au-delà des frontières monégasques. La garantie du monopole promet encore de poser question.