vendredi 26 avril 2024
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Laurent Puons : « Aujourd’hui,
j’essaie de prévoir l’imprévisible »

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Après le festival de télévision de Monte Carlo, Monaco Mediax va-t-elle devoir renoncer au Sportel ? Si certaines rumeurs font état d’une possible annulation de ce rendez-vous phare du sport business, Laurent Puons, vice-président délégué de l’entreprise organisatrice, a tenu à clarifier la situation. Selon lui, le Sportel 2020 devrait bien avoir lieu du 26 au 28 octobre 2020. Interview.

Certaines rumeurs font état d’une possible annulation du Sportel 2020 : qu’en est-il vraiment ?

Moi, à ce jour, j’ai toujours des confirmations d’exposants. Il est tout à fait normal que les participants ne s’enregistrent pas dans les mêmes conditions que par le passé, eu égard à la situation sanitaire. On a une nette diminution du nombre de participants enregistrés. Mais je reste confiant, car nous avons aujourd’hui un nombre correct d’exposants qui s’enregistrent. Je ne vois donc pas pourquoi à partir de septembre les participants ne s’enregistreraient pas également, en nombre suffisant pour permettre au Sportel de se dérouler dans des conditions correctes.

Quels sont vos objectifs ?

Il est évident que ce ne sera pas la meilleure édition de Sportel. Ce sera un marché à 50 %, c’est l’objectif que l’on s’est fixé. Mais si nous arrivons au moins à organiser un événement à 50 % de sa tenue habituelle, c’est-à-dire beaucoup plus européen, puisque les Américains, les Australiens et les Asiatiques ne voyageront pas, je pense que ce sera déjà un objectif atteint, dans le sens où on permettra à ce business de redémarrer dans de bonnes conditions. Le secteur du sport business a besoin de repartir sur le bon chemin et le Sportel se positionne comme le premier événement pour leur permettre de remettre un pied à l’étrier.

La tenue du Sportel 2020 est-elle aujourd’hui garantie à 100 % ?

Je ne suis pas devin. Il faut espérer que la situation n’empire pas. Mais si au mois de septembre ou début octobre, il y a une deuxième vague importante, il est certain qu’on ne va pas s’obstiner. Je ne m’obstine pas à organiser le Sportel, mais j’y crois. On a un nombre de participants et d’exposants inférieur à l’an dernier c’est certain, mais quand je vois le nombre d’exposants qui s’enregistrent, je me dis qu’il faut continuer. On n’aura pas 180 exposants comme par le passé, mais si nous arrivons à avoir un certain nombre de participants et d’exposants qui permet à la manifestation de se tenir dans des conditions honorables et correctes, il faut le faire. C’est ma responsabilité.

Une annulation du Sportel n’est donc pas à l’ordre du jour ?

Il est aussi de ma responsabilité, si la manifestation n’a pas de tenue, de faire le nécessaire. Mais je ne veux pas prendre de décision maintenant. Mes équipes sont sensibilisées, elles sont motivées et travaillent à la commercialisation de l’événement. Tout a été mis en place pour essayer de détourner la crise. On a revu le plan de communication, le plan marketing, la stratégie de vente… On a fait ce qu’il fallait faire. Maintenant, je veux qu’on se batte jusqu’au bout, et j’en tirerai les conséquences au mois de septembre. Je ne vais certainement pas m’obstiner à organiser une manifestation si elle n’est pas économiquement viable. Il y va de l’image de Sportel.

Et si vous n’arrivez pas à atteindre cet objectif de 50 % ?

Je ne suis pas obtus, je ne veux pas m’obstiner. Si au mois de septembre le nombre de participants n’a pas évolué, il est certain que je devrai prendre la décision qui s’impose en accord avec mon conseil d’administration et notre président d’honneur, le prince Albert II.

L’absence des Américains et des Asiatiques, notamment, ne va-t-elle pas avoir un impact sur le business ?

On a deux Sportel : un à Monaco et un autre aux États-Unis ou en Asie au mois de mars. C’est le marché du printemps. Si le Spring Market se déroule à Miami en mars 2021, je pense que les Américains, les Australiens et les Asiatiques qui ne seront pas venus à Monaco, eu égard à la crise du Covid, seront peut-être obligés de venir à Sportel America. Cela fera alors un Sportel America plus important que ce que l’on a eu dans le passé. Je mise un peu là-dessus.

On se dirige donc cette année vers un Sportel et un business très européen ?

Obligatoirement. C’est d’ailleurs les consignes que j’ai données à mes commerciaux. Je leur ai demandé de ne pas chercher à atteindre les Américains. Il est clair que pour les quelques coups de fil que l’on a eus, la décision était claire. Les frontières sont fermées. Ce n’est pas de leur volonté, ce sont les pays qui refusent de laisser sortir leurs ressortissants. On a quand même un Canadien qui s’est enregistré en exposant. Ce sont des signes qui me laissent penser que la manifestation peut se dérouler.

Comment tentez-vous de convaincre les exposants de venir au Sportel ?

On est très clair. On a communiqué dans le sens que l’événement sera beaucoup plus petit que les années passées, mais que la qualité sera au rendez-vous. Un des arguments est que Monaco est l’un des pays les plus « safe » puisque tous les résidents et tous les travailleurs ont été testés. On travaille en collaboration avec le Grimaldi Forum pour démontrer, si cela était nécessaire de le faire, que le Grimaldi Forum et Monaco Mediax, organisateur du Sportel, nous mettons tout en œuvre pour accueillir ce congrès dans des conditions sanitaires optimales. C’est une préoccupation majeure. Aujourd’hui, ma préoccupation majeure ce n’est pas de savoir si les exposants ou participants vont faire du business car si la manifestation se tient, ils feront du business. Ma préoccupation majeure, c’est de leur démontrer que nous sommes préoccupés par la situation sanitaire, et nous voulons les accueillir dans des conditions optimales.

Vous allez donc insister sur ce fameux label « Monaco Safe », qui consiste à mettre en avant tout ce qui relève de la sécurité sanitaire ?

Tout à fait. On fait des communiqués de presse rien que sur le fait que Monaco est un pays safe. C’est la vérité. Autant on dit que l’événement sera plus petit, autant on dit que Monaco aujourd’hui est capable de les accueillir dans des conditions quasi optimales de sécurité sanitaire. Le problème, c’est qu’à ce jour personne, même les grands scientifiques, n’a pas une vision très claire sur le développement du Covid. Mais plutôt que de ne rien faire, on continue. Le travail aura été fait cette année, on aura gardé un lien avec nos participants et exposants. Dire au mois de mai « on arrête le Sportel », ça aurait été trop facile. Et moi la facilité, ça ne me convient pas. On se bat pour relancer ce business, ça passe ou ça casse. Si ça casse, je prendrai la décision qu’il faut et on repartira après pour Miami en mettant tout ce qui est possible de faire pour relancer le business à Miami.

Avez-vous revu vos tarifs ?

On a revu totalement notre stratégie de communication, de marketing et de vente. On a créé de nouveaux packages adaptés à la demande de nos participants et exposants. On négocie. Aujourd’hui, on est conscient des problèmes qu’ils rencontrent eux aussi. Donc on est dans la négociation pour chaque vente. On a discuté avec les hôtels pour garder les mêmes tarifs que l’an dernier pour qu’il n’y ait pas d’augmentation. Nous n’avons procédé à aucune augmentation. On est tous dans la même situation. Donc soit on comprend qu’il faut faire des efforts, soit on ne le comprend pas et dans ce cas après il faut assumer.

À ce jour [cette interview a été réalisée le 1er juillet 2020 — N.D.L.R.], où en êtes-vous au niveau des inscriptions ?

En termes d’exposants, c’est correct. On n’est pas encore à 50 %, car il reste encore trois mois pour commercialiser. Si tout se passe normalement, le quota des 50 % sera atteint. Après en termes de participants, d’habitude à cette même époque, on a une centaine d’inscrits. Aujourd’hui, on en a une quinzaine. Il va falloir serrer les dents, trembler jusqu’au dernier moment. À la reprise, en septembre, si dès la première semaine, on a un nombre de 50-60 participants qui s’inscrit, cela signifiera que c’est parti. Si ça ne décolle pas, on saura quoi faire.

Quelle est votre deadline pour prendre une décision ?

Je peux attendre pratiquement la fin septembre, entre le 20 et le 30 septembre, pour prendre une décision. Normalement, dès les premières semaines de septembre, c’est le retour des vacances. S’ils ne viennent pas à ce moment-là, ils ne viendront plus. J’en suis conscient.

« Le secteur du sport business a besoin de repartir sur le bon chemin et le Sportel se positionne comme le premier événement pour leur permettre de remettre un pied à l’étrier »

Avez-vous estimé le manque à gagner ?

Bien sûr. Le manque à gagner est important. Sportel est une manifestation qui gagne beaucoup d’argent chaque année. Sur ces quatre dernières années, on avait nettement augmenté le bénéfice. Là si on se retrouve avec 50 % du bénéfice final, ça serait correct. Ce résultat financier nous permettrait d’aller à la fin de l’année sans trop de problème. Aujourd’hui, j’ai budgetisé un résultat positif donc un bénéfice entre 500 000 et 600 000 euros. D’habitude, c’est beaucoup plus. On est au-dessus du million d’euros, facile.

Si le Sportel devait être annulé, feriez-vous appel à l’État pour obtenir une aide ?

Si je dois prendre la décision d’annuler la manifestation, ce sera en accord avec mon conseil d’administration et notre président d’honneur, le prince Albert. On a la chance d’avoir tout de suite au mois de mars une autre manifestation [Sportel America – N.D.L.R.]. Je vais saisir l’occasion pour mettre toute l’équipe de Sportel au travail sur America. Dès la rentrée de septembre, l’équipe du festival [de télévision — N.D.L.R.] sera déjà à fond sur la préparation de la 60ème édition du festival, qui aura lieu en 2021. Normalement, on devrait pouvoir continuer à travailler correctement, même avec une annulation du Sportel 2020.

Comment cela va-t-il se passer en cas d’annulation ?

On a mis en place une mesure cette année. D’habitude, on ne rembourse pas. Nos participants qui s’inscrivent et qui ne viennent pas ne sont pas remboursés. Cette année, on a fait une mesure exceptionnelle Covid et tous nos participants qui s’inscrivent, s’ils décident d’annuler, seront quand même remboursés. De façon à motiver l’enregistrement. Si c’est moi qui annule, il est certain que je rembourserai tous les participants. Ce que je ne veux pas, c’est avoir à engager trop d’argent et que cela me crée un déficit trop important. La situation financière serait différente. C’est la raison pour laquelle on fait très attention à toutes les dépenses. Les instructions, c’est même de ne pas dépenser. En collaboration avec le Grimaldi Forum et les hôtels, on a une date possible pour pouvoir annuler la manifestation sans pénalité. On essaie de travailler comme ça de façon à ce que si je suis malheureusement amené à prendre cette difficile décision, on ne se retrouve pas financièrement parlant dans une situation difficile. Aujourd’hui, j’essaie de prévoir l’imprévisible.

« Dire au mois de mai « on arrête le Sportel », ça aurait été trop facile. Et moi la facilité, ça ne me convient pas. On se bat pour relancer ce business, ça passe ou ça casse »

Comment vous êtes-vous organisés au sein de Monaco Mediax ?

À ce jour, je n’ai mis personne en chômage partiel. Malgré l’annulation du festival (de télévision), ça m’a permis de basculer un grand nombre de personnes sur le Sportel. Notamment un travail sur les bases de données qui n’avait pas été fait depuis plusieurs années puisqu’on n’avait pas eu le temps de mettre à jour toutes ces bases de données. Ce sont 30 000-40 000 contacts qu’il fallait repasser, rappeler, faire le nécessaire. Bien entendu, je n’ai procédé à aucun recrutement. D’habitude, on renforce les équipes pour les manifestations, et on prend un nombre important de stagiaires. Aujourd’hui, le travail des stagiaires va être effectué par les personnes qui ont moins d’activité à Monaco Mediax. Alors que d’habitude, on recrute deux ou trois personnes pour les six mois de préparation du Sportel.

Dans quelles conditions sanitaires va se dérouler le Sportel ?

À ce jour, si la situation n’évolue pas, le port du masque sera obligatoire pour tout le monde : prestataires, participants, exposants, staff… Du gel sera mis à disposition dans tous les endroits possibles. Un nettoyage des tables après chaque rendez-vous. Cette année, petite nouveauté, les conférences seront organisées sur le milieu du hall d’exposition, un peu à l’américaine. Dès qu’une session sera terminée, nettoyage complet des chaises, des tables. Réduction de 50 % du nombre de tables et de chaises dans les espaces “lounge”, afin qu’il y ait une distance correcte malgré le masque.

Toutes ces désinfections seront à votre charge ?

Non. La seule chose qui est à la charge des exposants, c’est au sein de leur stand. Au sein de leur stand, c’est eux qui sont responsables de mettre du gel, de faire le nettoyage… Mais dans les autres parties du Grimaldi Forum, utilisées par Sportel, il est de ma responsabilité en collaboration avec le Grimaldi Forum, de faire tout ce qu’il est possible de faire. Il y aura des marques au sol pour respecter les distances au niveau des files d’attente, des toilettes… On essaie de penser à tout.

À combien estimez-vous le surcoût lié à la mise en place de ces mesures ?

Elles ont un coût, notamment le nettoyage après chaque rendez-vous, chaque conférence. Mais ma préoccupation majeure, c’est la santé des congressistes. Pour compenser les frais liés à ces mesures sanitaires, on a, par exemple, supprimé les lunchs et les cocktails. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas organiser un buffet avec le Covid-19 qui circule. Ce sont des frais en moins qui seront à la charge de Sportel et qui compenseront en partie les frais engagés pour lutter contre les problèmes sanitaires. Ils compenseront aussi un peu la perte financière par rapport au nombre de personnes qui viendraient sur l’événement.

Avez-vous prévu des événements particuliers pour cette édition ?

On est en discussion pour faire un gros événement e-sport en ouverture du Sportel. C’est dommage, car on a un très beau contenu cette année sur Sportel. C’est aussi pour ça que je veux aller au bout. On est en train de développer le secteur du e-sport sur Sportel, on essaie de monter un bel événement public sur le e-sport… Si j’étais amené à prendre cette décision d’annuler, ce serait rageant. Car on a énormément travaillé, mes équipes se donnent à fond. Je veux y croire.

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