vendredi 26 avril 2024
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Commerces monégasques : contrer la concurrence régionale

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Pour faire face à la concurrence commerciale des villes voisines, les autorités monégasques revoient leur stratégie. La logique ? Attirer des enseignes locomotives, mettre en place une offre cohérente quartier par quartier et renforcer le dialogue avec les propriétaires privés de locaux commerciaux.

Le commerce va-t-il devenir le nouveau “pétrole” de Monaco ? On pourrait presque y croire lorsque l’on entend le ministre d’Etat, Michel Roger, citer Montesquieu : « Le commerce est la chose du monde la plus utile à l’Etat. C’est une conviction qui est aussi la mienne et qui est aussi celle du gouvernement. » (1) Une chose est sûre, le gouvernement a décidé de revoir sa copie en matière de stratégie commerciale. Un changement de cap plutôt logique lorsque l’on sait que la concurrence déjà forte des villes françaises et italiennes voisines (Nice, Cannes, Cagnes-sur-mer, Saint-Laurent du Var ou encore SanRemo) va s’intensifier dans les mois et années à venir. « Plus de 300 000 m2 de nouvelles surfaces commerciales vont en effet être construites dans les régions voisines », alerte Nicolas Matile Narmino, président de l’UCAM (1).

Nouveaux complexes commerciaux
Autour de Monaco, plusieurs gros complexes commerciaux vont émerger de terre : l’extension de Cap 3 000 (35 000 m² de surface commerciale supplémentaire à horizon 2020), la construction du Polygone Riviera à Cagnes-sur-Mer (centre commercial de 75 000 m² ouvert en automne 2015, avec entre autres, cinéma de 10 écrans et bowling) et enfin l’ouverture du village Ikea à Nice Saint-Isidore en 2016. Pas question donc pour les autorités monégasques et les commerçants de se faire happer toute la clientèle. « La concurrence autour de nous est de plus en plus forte. Pour Monaco, le défi de la compétitivité est double. Il faut à la fois retenir sur le territoire national nos résidents, qui sont des consommateurs à fort pouvoir d’achat, et être attractif pour une zone de chalandise allant de Nice à San Remo », explique Jean Castellini, le conseiller aux finances.

« Activités pas suffisamment attractives »
Si Monaco pourra rivaliser à l’avenir avec deux gros projets, à savoir le nouveau Sporting d’hiver et la rénovation du centre commercial de Fontvieille, reste à régler le problème des autres artères commerçantes — rue Caroline, rue Grimaldi, boulevard des Moulins, boulevard Princesse Charlotte —, encore peu attractives. Pour expliquer la torpeur de ces commerces de proximité, les observateurs parlent d’une offre commerciale « manquant de cohérence », « ne répondant pas aux besoins de la population » ou encore « un peu excentrés géographiquement. » D’autres pointent du doigt l’« absence d’enseignes locomotives » dans ces quartiers (2) ou « le manque de communication de ces boutiques. » Des failles dont le gouvernement a conscience. « Nous avons constaté par exemple que des propriétaires privés attribuent leurs locaux commerciaux à des enseignes dont les activités ne sont pas suffisamment attractives », explique Jean Castellini.

« Locaux inutilisés »
Autre constat : certains de ces propriétaires laissent leurs locaux commerciaux inutilisés pendant des mois voire des années. « C’est pourquoi nous allons dans les semaines et les mois à venir, poursuivre la concertation avec eux. Des échanges personnalisés sont nécessaires pour les sensibiliser sur tous ces points. La puissance publique ne peut pas tout, seule. » Sur le boulevard des Moulins, le gouvernement explique aussi vouloir « rentrer en discussion préalable » avec certains des propriétaires « pour éviter une surreprésentation des activités bancaires et des agents immobiliers. » Objectif : tenter d’y installer des commerces à la place. La géographie même du territoire monégasque serait elle aussi un point pénalisant : « Le territoire de la principauté pose des défis. Certaines zones sont plus escarpées que d’autres. Contrairement à des ensembles cohérents comme la place Masséna, l’avenue Jean Médecin ou encore la rue piétonne de Nice, à Monaco, il y a une discontinuité des commerces », indique Jean Castellini.

Shopping plaisir
Le gouvernement a aussi décidé de revoir plus globalement sa stratégie. Son souhait ? Réfléchir à une « offre cohérente » quartier par quartier. Bref, mettre en place « une politique globale d’urbanisme commercial. » Un message très souvent répété par les élus du conseil national et que l’Exécutif semble avoir pleinement repris. « On ne peut pas dissocier réflexion commerciale et réflexion sur l’urbanisme », résume ainsi le ministre d’Etat, Michel Roger. Selon le conseiller aux finances, cette philosophie serait même déjà en ordre de marche. « Ce souci de cohérence est réel et il s’est traduit par un projet spécifique dans les jardins d’Apolline, où il existe une grande complémentarité de l’offre au niveau des enseignes. Pour la première fois, si j’ose dire, nous avons véritablement essayé de réfléchir à un esprit de shopping plaisir. Il faut donc qu’il y ait une cohérence dans l’offre et dans la manière dont les commerces sont disposés. » Reste à voir si cette philosophie sera bel et bien appliquée à d’autres quartiers… Autre suggestion lancée par Philippe Clérissi : avant la mise en chantier d’une nouvelle implantation domaniale avec des commerces en rez-de-chaussée, l’élu de la majorité propose que les grandes enseignes susceptibles de venir s’y installer soient consultées en amont pour connaître leurs souhaits en matière de surfaces et de volumes.

(1) Le 21 février lors de la 1ère édition des rencontres du commerce organisée par la SMEG et l’UCAM, membres du gouvernement et commerçants monégasques se sont réunis au Monte-Carlo Bay.
(2) Qui pour remplacer Apple dont le projet d’implantation à Monaco a été annulé ? La commission d’attribution des locaux commerciaux se réunira le 11 mars. « Des dossiers très intéressants ont été déposés », affirme le conseiller Jean Castellini. Décision : début du deuxième trimestre.

Ouverture généralisée le dimanche : « pas une bonne réponse »

L’ouverture des commerces le dimanche à Monaco, comment ça marche ? Entre le 6 juillet et le 7 septembre, les commerçants monégasques ont le droit d’ouvrir 7 dimanches. Pour le reste de l’année, 6 dimanches par an sont autorisés, mais pas plus de deux fois le même mois. Quid d’une ouverture généralisée toute l’année ? « Le positionnement des commerçants sur cette question est très variable, répond le ministre d’Etat. Promenez-vous un dimanche ou un jour férié ouvert, et vous verrez qu’1 commerce sur 3 ou 4 seulement est ouvert. Sans être un spécialiste de ces questions, l’attractivité commerciale suppose que tous les commerces soient ouverts ou fermés. Par conséquent, autoriser l’ouverture généralisée des commerces le dimanche n’est pas une bonne réponse. » Le ministre d’Etat milite plutôt pour « une utilisation à plein des autorisations déjà possibles dans la législation. Pourquoi pas d’ailleurs augmenter le volume de ces autorisations. » Et le ministre d’Etat de conclure : « Il ne faut pas donner une réponse trop générale ni idéologique sur ce sujet. Soyons pragmatiques et essayons de mobiliser les commerçants pour que, déjà, ils ouvrent les dimanches qui sont autorisés. »

Bye bye l’Office du tourisme ?

L’Office du tourisme situé au boulevard des Moulins pourrait-il disparaître un jour au profit d’un nouvel espace commercial ? L’élu de la majorité Philippe Clérissi a remis en tout cas la suggestion sur la table. En réponse, le ministre d’Etat Michel Roger a indiqué qu’il était « prêt à réfléchir à la valorisation de ce beau bâtiment » tout en mentionnant qu’un réaménagement complet depuis les Boulingrins jusqu’à la place des Moulins devrait aussi être envisagé. D’autant qu’à la fin de la décennie, le quartier de l’Annonciade II se profile. « Il faudra donc réfléchir à une offre commerciale en conséquence », a souligné le ministre d’Etat.