samedi 27 avril 2024
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Monaco doit-il encadrer l’activité des influenceurs ?

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À l’origine de dérives parfois gravissimes, les influenceurs sont aujourd’hui dans le collimateur des politiques publiques. En France, une loi vient ainsi d’être adoptée afin d’encadrer cette activité, qui générerait des milliers, voire des millions d’euros de revenus. Alors que d’autres pays comme la Belgique ou l’Espagne semblent vouloir franchir le pas, Monaco doit-il faire de même ?

Né de l’essor des blogs et des réseaux sociaux, le marché de l’influence connaît aujourd’hui une forte croissance. En France, ils seraient 150 000 à exercer cette activité, qui peut s’avérer très lucrative. Véritables intermédiaires entre un produit ou une marque et leur communauté, les influenceurs peuvent en effet générer, en fonction de leur nombre de “followers” [d’abonnés — NDLR] et de leur notoriété, des milliers, voire des millions d’euros de revenus. De quoi donner le tournis à certains, qui n’hésitent pas à franchir certaines limites et lignes rouges pour arriver à leur fin. À l’image de l’influenceuse Poupette Kenza (1,4 million d’abonnés sur Snapchat), récemment condamnée à une amende de 50 000 euros pour « pratiques commerciales trompeuses » en ligne, après la diffusion d’une publicité pour un blanchisseur de dents. Ou encore de Capucine Anav, une ancienne candidate de téléralité, épinglée début juin 2023 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour avoir fait la promotion sur ses comptes sociaux d’un « patch mobile anti-ondes » aux « propriétés et résultats non démontrés » auprès de son public.

Réseaux sociaux influenceurs
Poupette Kenza et Capucine Anav sont deux exemples, parmi tant d’autres, des dérives des influenceurs, désormais contraints par des règles à respecter, sous peine de sanctions.

Véritables intermédiaires entre un produit ou une marque et leur communauté, les influenceurs peuvent générer, en fonction de leur nombre de “followers” [d’abonnés — NDLR] et de leur notoriété, des milliers, voire des millions d’euros de revenus

Réseaux sociaux influenceurs

Dérives

Ce genre de comportements, aux conséquences parfois dramatiques [à ce sujet, lire l’interview des journalistes Elsa Mari et Ariane Riou dans ce dossier spécial — NDLR], serait malheureusement loin d’être des cas isolés. Fraudes commerciales liées au compte personnel de formation (CPF), publicité pour les jeux et paris sportifs ou placements financiers hasardeux, promotion de la chirurgie esthétique et des compléments alimentaires, des produits de qualité douteuse revendus à prix d’or via le “dropshipping” [vente sur Internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit — NDLR]… Les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux se sont multipliées ces derniers temps, laissant derrière elles de trop nombreuses victimes. De quoi pousser les pouvoirs publics à s’intéresser de plus près à ce secteur en apparence non régulé. C’est le cas notamment de la France, qui a adopté le 9 juin 2023 une proposition de loi transpartisane, visant à encadrer l’influence commerciale. Porté par le député de la cinquième circonscription des Français de l’étranger (1) Stéphane Vojetta et par le député socialiste Arthur Delaporte, ce texte introduit un certain nombre de règles, censées à la fois responsabiliser les acteurs de l’influence commerciale et mieux protéger les consommateurs. « Il fallait agir, car il y avait beaucoup trop de victimes. […] La loi de la jungle, c’est fini ! », explique Stéphane Vojetta dans l’interview qu’il nous a accordée [à lire dans ce dossier spécial — NDLR]. Avec ce texte « précurseur », cet élu Renaissance espère faire des émules. Et cela semble plutôt bien parti, puisque la Belgique ou encore l’Espagne pourraient prochainement s’en emparer pour, à leur tour, assainir le secteur sur leur territoire.

Monaco va-t-il leur emboîter le pas ? La question mérite en tout cas d’être posée, dans un pays où les adolescents figurent parmi les plus gros consommateurs d’écrans et de réseaux sociaux du continent européen

Bientôt une loi “influenceurs” à Monaco ?

Monaco va-t-il leur emboîter le pas ? La question mérite en tout cas d’être posée, dans un pays où les adolescents figurent parmi les plus gros consommateurs d’écrans et de réseaux sociaux du continent européen, d’après une enquête ESPAD (European School Survey Project on Alcohol and other Drugs) publiée en 2020. Réalisée en milieu scolaire, cette étude fait apparaître que 12 % des collégiens et lycéens de la principauté passeraient plus de 6 heures par jour sur ces plateformes (Facebook, Instagram, Tik Tok, ou encore Snapchat), alors que 54 % y seraient connectés entre 2 et 5 heures par jour. Et pendant les week-ends et les vacances scolaires, ce pourcentage explose, puisque 31 % des lycéens de Monaco déclarent y passer plus de 6 heures par jour. À cela s’ajoute également le temps passé sur d’autres supports (non comptabilisé dans la statistique précédente) comme YouTube, jeux vidéo, et télévision. De quoi faire de la jeunesse monégasque une cible de choix pour des influenceurs, peu scrupuleux. Légiférer permettrait ainsi de mieux les protéger et d’éviter les dérives, qui peuvent être constatées de l’autre côté de la frontière. L’hypothèse d’une loi « influenceurs » monégasque n’est d’ailleurs pas totalement écartée par le Conseil national, même si son intérêt sur un territoire aussi restreint que la principauté interroge : « On peut aussi imaginer voter une loi à Monaco, mais très honnêtement, le nombre d’influenceurs est ailleurs ! Si demain, il y avait une loi à Monaco, elle n’aurait aucun effet sur les influenceurs basés en dehors de la principauté, soit la quasi-totalité », souligne le président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses, Franck Lobono [à ce sujet, lire son interview publiée dans ce dossier spécial — NDLR]. De son côté, joint par la rédaction de Monaco Hebdo pour connaître sa position sur le sujet, le gouvernement princier n’a pas souhaité donner suite à nos sollicitations. Difficile donc de savoir si une telle législation sera, à terme, adoptée en principauté. Si l’exécutif décidait un jour de se saisir du dossier, il pourra en tout cas toujours compter sur le soutien de ses homologues français, qui se disent prêts à les accompagner dans ce projet : « Si on nous le demande, nous viendrons expliquer les choses, affirme Stéphane Vojetta. Notre loi influenceur n’a pas de droit d’auteur. Elle est à libre disposition. Si quelqu’un veut s’en inspirer, que ce soit à Bruxelles, Monaco ou Tombouctou, tant mieux. Et si nous pouvons aider à cela, nous serons toujours disponibles ». Comme un message envoyé à la principauté.

1) La cinquième circonscription des Français de l’étranger couvre l’Espagne, le Portugal, Andorre et Monaco.

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