vendredi 26 avril 2024
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Chaud devant !

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Budget rectificatif, AS Monaco, augmentation de capital à la Société des bains de mer, tenue sportive… Monaco Hebdo opère un tour d’horizon des dossiers brûlants de la rentrée.

Merci pour ce moment. Le titre du livre de Valérie Trierweiler est à la mode. Mais cela reste le grand suspense de la rentrée politique monégasque : le gouvernement remerciera-t-il vraiment le conseil national le 8 octobre prochain, lors du vote du budget rectificatif ? Mystère. Reste que la semaine dernière, juste avant de rencontrer le gouvernement lors des séances budgétaires privées, les parlementaires de la majorité étaient (encore) remontés, bien décidés à faire planer une épée de Damoclès sur l’adoption du budget rectificatif 2014. Et ce dans le droit fil d’une relation conseil national-gouvernement qui s’effiloche depuis des mois.

Rien ne va plus
Il n’y a qu’à se fier aux dernières déclarations de Laurent Nouvion, avant la trêve estivale. Fin juillet, le président de l’assemblée brossait tout simplement un tableau au vitriol des rapports avec l’Exécutif. Selon lui, le gouvernement ne se prive pas de « donner des leçons au conseil national. Il rechigne à nous transmettre des éléments sur des dossiers essentiels dans l’intérêt du pays qui, tôt ou tard, finiront sur notre bureau, sous la forme d’une loi. Ce qui ne nous donne ni trop de choix, ni trop de temps », dépeignait-il. Bref, de quoi « réduire à néant la fragile confiance entre le gouvernement et le conseil national » selon l’élu, très en colère. A l’occasion de la dernière conférence de presse du conseil national, Jacques Rit, sibyllin, apparaissait même presque comme le leader des « frondeurs ». En rappelant que, lors du primitif 2014, quelques élus de la majorité (comme Jean-Charles Allavena, Thierry Poyet et les UP) avaient manifesté leur désaccord avec le gouvernement en s’abstenant en décembre dernier. Cette « frange dure » fera-t-elle des émules ? A voir. A force d’être répété depuis un an et demi sans montée en puissance, le message de la fermeté a perdu un peu en crédibilité.

Des logements !
Il est pourtant certain que même s’il n’apporte que des corrections à la marge, le projet de loi de budget tel qu’il a été présenté aux parlementaires est loin de donner pleine et entière satisfaction à l’hémicycle. Dans son interview (voir p. 22), Jean-Charles Allavena parle de certains points bloquants.
Premier d’entre eux : le manque de volontarisme de l’Exécutif en matière de logement domanial. Le gouvernement a beau avoir promis en décembre 2013 de lancer l’opération L’Engelin (au Jardin exotique) ainsi que des opérations de plus petite envergure (de 20 à 50 logements), pour les élus de la majorité, les paroles peinent à se transformer en actes. C’est pourquoi ils appellent de leur vœux une inscription budgétaire de 8 millions d’euros pour passer les premiers contrats avec les entrepreneurs avant la fin de l’année, du moins pour L’Engelin. Pour accélérer les délais de livraison — qui sinon aura du mal à sortir de terre avant 2019 selon elle —, la majorité a demandé à ce que le gouvernement fasse appel au privé et à la maîtrise d’ouvrage déléguée. Une méthode qui avait été utilisée avec succès sous l’ancienne majorité présidée par Stéphane Valeri pour bon nombre de programmes domaniaux sur le terrain des délaissés SNCF.

Une prime pour les fonctionnaires ?
Autre sujet de désaccord avec l’Exécutif : l’absence de revalorisation du point d’indice de base du traitement des fonctionnaires en juillet. « Surpris » que le gouvernement n’ait pas annoncé une telle réévaluation, Laurent Nouvion a écrit au gouvernement le 22 juillet. « Il est d’usage que cet indice soit indexé deux fois par an. Pour l’heure seule une hausse de 0,5 % a été accordée au mois de janvier 2014 », a-t-il rappelé, demandant au Ministre d’Etat par écrit de procéder à une réévaluation de 1,5 % minimum. Une requête qui faisait d’ailleurs suite à une proposition de loi Union monégasque déposée en juin demandant l’automatisation d’une réévaluation semestrielle coutumière, basée sur l’indice de la consommation.
Emanant de l’ensemble des élus, cette demande de réévaluation s’est pourtant vue opposée un Niet du ministre d’Etat. Pourquoi ? Pour le gouvernement, il n’est pas question d’opérer une telle dépense estimée à 3 millions d’euros étant donné que le semestre n’a pas vu de hausse de l’inflation d’une part, et que l’impact d’une telle mesure gonflerait d’autant les dépenses de personnel, et ce de manière récurrente. « L’économie monégasque affiche un niveau de recettes record. Il faut que la fonction publique en profite dans une logique de redistribution de la richesse », rétorque l’opposant Union monégasque Bernard Pasquier. La majorité parlementaire a demandé quant à elle à ce que cette revalorisation — « absolument pas démagogique » selon Allavena — soit attribuée sous forme de primes. Le gouvernement cèdera-t-il ? Patience. Sur ce dossier comme sur d’autres, l’Exécutif a demandé un délai de réflexion, suite aux réunions budgétaires privées de la semaine dernière.

Un centre méga-luxe qui tombe mal
Le gouvernement prendra sans doute également le temps de la réflexion sur la participation financière de l’Etat à la rénovation du centre d’entraînement de l’ASM-FC de la Turbie. En effet, la décision de cofinancer un tel chantier — censé devenir le centre d’entraînement le plus moderne du championnat de France — à hauteur de 25 millions d’euros tombe au plus mal. Le club, qui affichait un projet sportif des plus ambitieux, a opéré un changement de cap. Un virage à 180° pour les observateurs de la planète football qui a estomaqué tout le monde. Y compris à l’international. Ainsi, The Guardian se gausse de ce revirement de Rybolovlev en suggérant qu’on utilise désormais l’expression « faire comme l’ASM » pour signifier une volte-face… Il faut dire que l’été a été rude pour l’ASM (voir p. 28). Les élus, circonspects, refusent donc que l’Etat paie en urgence sa partie de travaux au centre d’entraînement, ce qui permettrait de plus, au vu des recettes exceptionnelles de cet exercice de faire apparaître un excédent supérieur… Tout en n’excluant pas que la dépense réapparaisse au budget primitif 2015.
Le conseil national sera vite fixé. Après un début de réponse suite aux réunions budgétaires privées, le gouvernement devrait livrer les options qu’il a retenues à la mi-septembre. A moins qu’il ne souffle quelques velléités dès jeudi 11 septembre, à sa conférence de presse de rentrée.

Déficit ou excédent ?

« Pour la première fois, les recettes et les dépenses vont dépasser le milliard d’euros. Le budget primitif 2014 prévoyait 950 millions d’euros de recettes, le rectificatif les porte à 1,031 milliard d’euros. » Début juillet, Jean Castellini était très positif. Il semblerait qu’il puisse l’être davantage puisque les chiffres de l’été permettraient de majorer cette prévision. De quoi laisser espérer un budget excédentaire ? C’est en tout cas le vœu des élus. Ce qui serait possible si la ligne du centre d’entraînement ainsi qu’un achat d’immeuble rue Grimaldi sont retirés du document budgétaire. Début juillet, le déficit prévisionnel était encore de 15,5 millions d’euros (contre 22 millions dans le primitif) et les prévisions de dépenses étaient de 1,047 milliard d’euros dans le rectificatif (contre 972 millions d’euros au primitif).

« Il faut éviter une crise politique »

Avant de rentrer dans le vif des débats budgétaires privés et publics, Jean-Charles Allavena, président du parti majoritaire au conseil national Rassemblement & Enjeux, composante de Horizon Monaco, évoque les enjeux de cette rentrée politique. Interview relue et amendée.

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Jean-Charles Allavena, président du parti majoritaire au conseil national Rassemblement & Enjeux © Photo Monaco Hebdo.

Monaco Hebdo : En juillet, conseil national et gouvernement se sont envoyés quelques flèches par médias interposés. Pourquoi cette tension entre les deux institutions ?
Jean-Charles Allavena : Il y a une crise de confiance, et il faut éviter que cela ne devienne une crise politique. La situation est tendue, le conseil national et le gouvernement sont conscients qu’on ne fonctionne pas de manière optimale. Je ne comprends toujours pas pourquoi le gouvernement n’associe pas plus le conseil national aux projets et décisions. Aujourd’hui, nous sommes consultés très en aval sur tous les dossiers. De fait, notre constitution prévoit que le gouvernement a la majorité des pouvoirs, il est faux de croire ou faire croire le contraire. Mais cela ne veut pas dire que le conseil national n’en a aucun, la même constitution demande la recherche de l’accord des volontés, le pas vers l’autre. Dans ce cadre-là, on pourrait travailler beaucoup mieux.

M.H. : Vous reprochiez pourtant à l’ancienne majorité de vouloir trop de pouvoirs ?
J.C.A. : L’ancienne majorité allait vers le parlementarisme, ce n’est pas notre cas. On l’a suffisamment répété, notamment chez R&E ! Notre volonté, c’est de travailler mieux sans réclamer plus de pouvoirs, de privilégier le débat public, de ne faire aucun troc ou deal souterrain avec le gouvernement.

M.H. : Et vous trouvez que ça marche vraiment ?
J.C.A. : Cette méthode conduit inévitablement à des tensions. Quand on choisit cette stratégie et qu’on n’obtient pas satisfaction, il faut être prêt à voter contre, cela nécessite une majorité ferme. Or jusqu’à présent, la majorité de cette majorité n’a voté contre rien, et le gouvernement l’a noté, mais c’est sans doute en train de changer. Nous avons tous notre part de responsabilité dans la méthode impulsée par le Président. Si cette situation de blocage perdure, il faudra faire notre autocritique et s’interroger également sur le ton employé et les angles d’approche. Si en revanche on obtient des résultats, ce que je souhaite et pense, on aura acquis une crédibilité, qui permettra, je l’espère, de travailler ensuite plus sereinement.

M.H. : Le Ministre vous rétorque d’ailleurs qu’il vous donne suffisamment d’informations et qu’il organise de nombreuses réunions ?
J.C.A. : Je suis d’accord avec le Ministre sur le second point : on n’a sans doute jamais fait autant de réunions mais, vous le savez très bien, tout dépend du contenu des réunions ! Par exemple, sur le nouveau Yacht Club, le gouvernement nous a évoqué en long et en large le yachting en Principauté et moult détails, mais n’a pas jugé utile de nous parler des subventions et donc de l’argent public dépensé pour faire fonctionner ce bâtiment ! A quoi servent les réunions dans ces conditions ?

M.H. : Et si la relation avec le gouvernement ne s’améliore pas, ce sera le clash ? Le rejet du budget ?
J.C.A : A ce jour et par définition, le budget rectificatif n’est pas adopté. Il y a de nombreux points bloquants dans de multiples domaines, notamment le logement. Nous ne souhaitons pas un vote négatif, qui ne serait certes pas le cataclysme que certains agitent comme un chiffon rouge, mais qui freinerait nos demandes comme celles du gouvernement. Nous ferons notre possible pour convaincre, sans hésiter à faire le premier pas. Mais pour éviter le clash il faut que le gouvernement nous entende.

Logement
M.H. : Vous parlez toujours de problèmes au niveau du logement. Il y a du nouveau ?
J.C.A. : Il y a beaucoup d’intentions, mais nous attendons du concret et des chantiers en cours. L’année dernière, le gouvernement a accepté de lancer le projet L’Engelin. Mais depuis, nous avons clairement l’impression que la mise en route est très lente pour cette opération censée être livrée en 2018 ! C’est pourquoi notre groupe a demandé un retour à la maîtrise d’ouvrage déléguée (ou équivalent). Cette méthode engendre certes un léger surcoût mais accélère nettement les projets de construction. Nous avons été en partie entendus lors d’une précédente réunion consacrée au logement et une inscription significative devrait être faite au budget rectificatif pour démarrer plus vite et gagner plusieurs mois sur le process initial.

M.H. : Qu’en est-il des opérations intermédiaires ?
J.C.A. : On parle depuis un moment de plusieurs opérations de 30 à 50 logements, notamment dans le quartier Condamine ou avoisinant. Cela permettrait de gérer la pénurie, d’autant que Testimonio ne devrait pas être livré avant 2020-2021. Aujourd’hui, l’Etat utilise de plus en plus son droit de préemption dans la perspective de remembrements, c’est bien, car il faut changer d’approche. Les programmes Magellan, Appoline, c’est fini ! C’est une réalité géographique, mais également sociologique. Ce serait d’ailleurs malsain de reproduire une logique de ghettoïsation dans un quartier aussi mixte que celui de la Condamine.
Mais pour l’heure on attend toujours des objectifs chiffrés et un engagement ferme du gouvernement. J’ai un regret : si nous avions mis plus de pression sur le gouvernement l’année dernière, je suis persuadé que ces opérations seraient déjà lancées…

ASM-FC
M.H. : Un autre problème vient de l’ajout en dernière minute du financement par l’Etat du centre d’entraînement de La Turbie à hauteur de 25 millions d’euros alors que le club traverse une crise ?
J.C.A. : C’est l’une des aberrations du budget rectificatif, nous n’avons pas compris cette inscription de dernière minute, qui nous paraît hors de propos aujourd’hui, d’autant que, pour un projet d’une telle importance, on n’a pas vu l’ombre d’un descriptif, d’un plan ou d’une maquette : là encore, que penser de la méthode ?

M.H. : Cette dépense est faite dans un contexte de crainte de désengagement du président du club Dmitry Rybolovlev. Que savez-vous de la situation à l’ASM ?
J.C.A. : Quand le projet de BR a été présenté en juin, personne n’envisageait une politique de désengagement du club. On était en Champions League, on parlait tous les jours de possibles recrues mirifiques. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans le même contexte. Tout en gardant une bonne équipe, l’ASM a réduit sérieusement la voilure en arguant d’une application anticipée du fair-play financier. Les supporters ne sont pas les seuls à être désabusés par ces changements de cap. Nous aimerions comprendre ce qui se passe. Il paraît hors de question de voter cette dépense avec aussi peu de données. Ce serait cofinancer par anticipation des travaux dont on ne peut contrôler ni surveiller le coût.

M.H. : Vous aviez demandé une revalorisation de 1,5 % du point d’indice des fonctionnaires. Il n’y en a pas eu en juillet. Elle vous a été refusée par le gouvernement ?
J.C.A. : C’est un autre point de tension pour le budget rectificatif. La revalorisation de juillet n’est évidemment pas systématique et a surtout été octroyée en période d’inflation. Le gouvernement, qui craint de créer une dépense budgétaire récurrente chiffrée à environ 3 millions d’euros, nous répond donc que l’inflation est aujourd’hui quasiment nulle et qu’une revalorisation a déjà été faite en janvier, il faudrait attendre janvier 2015 pour procéder à une telle hausse.

M.H. : Qu’allez-vous donc faire face à ce refus ?
J.C.A. : Certainement faire des propositions un peu différentes, dans un contexte où les finances publiques vont bien et où on peut associer les fonctionnaires aux bons résultats de l’Etat. Nous attendons du gouvernement qu’il fasse, sous une forme ou une autre, un geste envers ces agents et en particulier pour les catégories les plus basses.

SBM
M.H. : La SBM démarre en octobre les travaux du Sporting d’Hiver. Allez-vous voter la loi de désaffectation ?
J.C.A. : D’abord, prenons garde à séparer les choses, à ne pas mélanger budget rectificatif et loi de désaffectation. Il y a évidemment des passerelles entre les deux, mais vous remarquerez que le conseil national n’a jamais voulu les lier. Pour ce qui touche au budget, depuis 18 mois, nous avons tenté d’avoir des informations sur l’école des jeux, le plan de relance des jeux, le respect de la priorité nationale, et beaucoup d’autres sujets. On nous livre des données de manière fragmentaire, décalée, ou on nous oublie.

M.H. : Et sur le projet, qu’est-ce qui vous chagrine ?
J.C.A. : Beaucoup de choses !!! Un exemple : pour financer les travaux du Sporting et de l’Hôtel de Paris, on a d’abord parlé d’un mix vente d’actifs — augmentation de capital — emprunts. Très vite on a oublié la piste de la vente d’actifs, et récemment on nous dit que l’Etat allait financer tout seul sa part de l’augmentation de capital, donc qu’on discutera ensuite avec d’éventuels investisseurs. Pourquoi pas, d’autant qu’on a la capacité de faire ces investissements ? Mais pourquoi avoir attendu 2 ans ? Ce timing donne l’impression que la direction a échoué à trouver des investisseurs et que l’Etat vient au secours : c’est peut-être faux, mais en terme de communication, c’est pour le moins mauvais.

M.H. : Il manque des parkings dans le cadre de cette opération immobilière ?
J.C.A. : Je ne comprends pas pourquoi l’Etat, actionnaire de la SBM, n’a pas mieux joué son rôle d’Etat aménageur. Le parking des Boulingrins est saturé, on le sait, pourquoi ne pas avoir demandé qu’il y ait 6 ou 7 étages de parkings au lieu de 4 ? Quitte à prendre en charge les surcoûts…

M.H. : Mais n’est-ce pas trop tard ?
J.C.A. : C’est ce que nous répondent jusqu’ici la SBM et le gouvernement… Mais on peut très bien démarrer les travaux et revoir cette question pendant que l’on creuse ! Il vaut mieux perdre 3 ou 4 mois aujourd’hui que de bloquer le quartier définitivement. Et puis, essayer de faire maintenant porter au conseil national la responsabilité du retard, alors que les deux autres acteurs ont plus que pris leur temps jusqu’ici, c’est un peu gros !

EUROPE
M.H. : La Principauté peut-elle espérer sortir de l’ornière de la procédure de post-suivi du Conseil de l’Europe ?
J.C.A. : On dirait que les choses sont en train de bouger. Le pré-rapport sur Monaco a été abordé en commission de suivi le 3 septembre, il note que Monaco a mis en musique des exigences du Conseil de l’Europe (la convention sur la cybercriminalité, la réforme de la garde à vue) et avance sur la réforme de la loi d’organisation anachronique du conseil national qui (notamment) ne donne à ce jour aucun droit à la minorité. Concernant la signature et la ratification de la charte sociale et des protocoles 1 et 12, le gouvernement avait toujours dit que Monaco ne signerait pas, même en formulant des réserves, craignant qu’elles ne soient pas respectées : une réunion entre experts monégasques et juristes de l’Assemblée Parlementaire et de la Cour européenne des droits de l’Homme doit avoir lieu en octobre ou novembre, on y verra plus clair ensuite. Mais je crois qu’on peut raisonnablement espérer sortir du processus de post-suivi en 2015.

M.H. : Quant aux négociations avec l’UE, quand démarrent-elles ?
J.C.A. : Bruxelles définit en ce moment son mandat de négociation avec les petits Etats, et fixe ses lignes rouges. Il sera prêt fin 2014-début 2015.

M.H. : Bruxelles définit ses lignes rouges de négociation, la France l’a fait en rappelant qu’elle comptait préserver ses postes réservés. Et l’Etat monégasque, est-il prêt ?
J.C.A. : On sait que le gouvernement a fait beaucoup de lobbying pour expliquer ce que représente Monaco en Europe. Il a aussi fait appel à un cabinet de conseil stratégique. Pour le reste, à ma connaissance, on va démarrer les négociations sans avoir fixé les lignes rouges de ce qu’on ne lâcherait pas, et surtout sans étude d’impact des conséquences d’un accord avec l’UE sur Monaco. Comment peut-on démarrer une négociation vitale sans connaître le prix ou les conséquences de tel ou tel choix ? C’est pour moi incompréhensible.

M.H. : Les négociations avec l’Union européenne suscitent l’inquiétude, notamment chez les professions libérales. Vous le comprenez ?
J.C.A. : On connaît les méthodes et la technocratie de Bruxelles ainsi que son besoin de normaliser. La problématique des petits Etats est une bizarrerie à ses yeux et l’UE demandera forcément la liberté d’établissement. Il faut donc trouver un accord positif avec l’UE. Il n’est pas question pour moi de poser des barbelés autour de la Principauté, mais pas non plus d’ouvrir les portes sans contreparties : il faut être conscient des risques de cette négociation, mais aussi des opportunités qu’elle peut offrir à nos entreprises.

M.H. : Quelle est votre vision ?
J.C.A. : C’est bien que le Ministre réaffirme que la liberté d’établissement, credo européen, est un tabou absolu pour Monaco. Mais peut-être (je dis bien peut-être) ce n’est pas indispensable, peut-être c’est un préjugé, peut-être y a-t-il des alternatives, et il faut regarder au cas par cas. Pour les médecins, pharmaciens, d’autres nationalités sont implantées, en revanche pas pour les dentistes. Les experts-comptables ont déjà presque tous vendu leur cabinet à des groupes étrangers, beaucoup d’avocats niçois plaident à Monaco tous les jours, et les architectes monégasques ont l’habitude d’être associés à des confrères extérieurs. Il existe donc beaucoup de situations différentes. Certains pensent à des quotas, il faut surtout à mon sens éviter des positions dogmatiques, et se donner les moyens de prendre des positions après avoir pesé les avantages et inconvénients de toutes les options. Je ne crois pas qu’on en soit là, c’est inquiétant.

Scolaires : l’appel au calme

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© Photo Monaco Hebdo.

C’est la polémique de la rentrée. Alors que l’on parle généralement de l’Education nationale monégasque pour ses résultats au baccalauréat qui frôlent les 100 % de réussite (99,5 % au bac général 2014), “l’affaire de la tenue de sport” occupe toujours le devant de la scène. Il n’y a qu’à regarder les débats afférant à l’achat de cette nouvelle fourniture scolaire obligatoire sur Facebook pour le constater : les pour et les contre se sont littéralement écharpés sur les réseaux sociaux. Et si cela peut faire sourire, l’histoire (qui a surtout souffert d’une mauvaise communication gouvernementale) a carrément tourné à la (petite) affaire d’Etat à partir du moment où un parent monégasque a saisi en août les autorités françaises pour dénoncer l’achat d’une tenue sportive obligatoire…
Bref, les tensions devraient néanmoins se calmer. 3 000 packs Nike ont déjà été vendus et si les parents ont jusqu’au 13 septembre pour acquérir cette nouvelle fourniture scolaire, dans les faits, une semaine de grâce sera consentie par l’Eduction nationale. Pour la directrice de l’Education nationale, il s’agit d’un non-événement. « Les parents d’élèves demandent depuis 2011 le port de l’uniforme. Quand j’ai appris que l’on me faisait un procès, les bras m’en sont tombés. Ces parents qui se déchaînent et qui crient au scandale — une minorité — ne m’ont demandé aucun rendez-vous », a réagi Isabelle Bonnal en conférence de presse. « Tout ça partait initialement d’une bonne intention. Alors que certains enfants portent des baskets coûtant 200 euros, il s’agissait d’estomper les différences sociales, et de développer le sentiment d’appartenance à l’équipe Monaco ».
Pour elle, les choses se sont déroulées le plus simplement du monde. A partir du moment où l’association des parents d’élèves et l’ancien conseil national s’étaient dit favorables à l’idée d’un uniforme à l’école, un groupe de travail s’est mis au travail. En misant sur un code couleur pour la tenue de sport. Objectif : « trouver une tenue de qualité qui ne déclenche pas d’allergie et ne déteigne pas ». Le choix se porte alors sur Nike et son pack à 58 euros (incluant tee-shirt, short, maillot de bain) « après des consultations auprès de Nike, Décathlon et City Sport qui ont décliné la proposition », explique la directrice. A Monaco, la SAM TARCA est la seule enseigne qui « a répondu à nos exigences » en termes de stocks disponibles et de délais notamment. « En plus, les maillots sont floqués par les jeunes handicapés de l’AMAPEI. » Côté pratique, il était impossible pour Isabelle Bonnal d’éviter de passer par une entreprise commerciale. « On ne pouvait pas transformer les salles de classe en cabine d’essayage. L’école doit dispenser un enseignement pédagogique, ce n’est en aucun cas un centre commercial. »
Pour Isabelle Bonnal, il est impensable « que les parents se plaignent du prix. Je ne peux l’accepter. La majorité des parents dépendent de la CCSS ou des prestations médicales de l’Etat. Pour un primaire de CP, ils touchent 3 331 euros par an d’aides, 4 009 euros pour un élève de 6ème et 4 230 euros pour un élève de seconde », liste-t-elle. Avant d’ajouter : « A côté, les 58 euros nécessaires à l’achat de la tenue de sport ne représentent pas grand chose. Qu’on ne me dise pas que je vais ruiner les parents. Les familles qui ont de réelles difficultés, nous les aiderons. Enfin, il y aura une bourse aux vêtements à la fin de l’année. »

Sanctions
Des sanctions pourraient néanmoins ranimer le débat. Elles sont prévues par le règlement intérieur depuis leur validation le 15 juillet dernier par le comité de l’éducation national où siège un représentant du conseil national. « On doit respecter le choix du gouvernement et le règlement intérieur de son établissement sinon on retire son enfant de l’école monégasque. Si les parents se rebellent, je le déplore pour les enfants ». Toute une gradation de réprimandes est ainsi prévue : du simple rappel à l’ordre dans le cahier de liaison dans le cas où un enfant se présente en EPS sans la fameuse tenue, jusqu’au renvoi en permanence.

Bus à 10 euros

• La grande nouveauté de cette rentrée 2014, c’est l’ouverture de la première cuisine centrale à Monaco. Auparavant les plats des habitués de la cantine étaient acheminés de Cannes. Désormais, Isabelle Bonnal mise sur « une restauration de qualité, avec des plats préparés à partir de produits locaux. Monaco doit être autonome et ne doit pas avoir l’angoisse de dépendre de l’extérieur. » Si le projet trainait dans les cartons depuis 12 ans, une enveloppe de 160 000 euros a permis de mettre en place cette cuisine centrale avenue de l’Annonciade.
• Coïncidence du calendrier ? Le gouvernement a décidé de passer la carte de bus pour les scolaires de 83 à 10 euros. Soit une économie de 73 euros. Une mesure pour faire oublier la fameuse tenue scolaire ?
• C’est une enveloppe de 2,2 millions d’euros qui sera débloquée en 2015 pour développer le numérique à l’école. Des opérations pilotes sont déjà lancées dans des cours d’art et de sport. « Il s’agit aussi d’aider des enfants en difficulté. Nous ne laisserons aucun enfant au bord de la route », a plaidé Isabelle Bonnal.

ASM-FC : le changement de cap

Exit James et Falcao. Les deux vedettes du club rouge et blanc sont parties pour d’autres horizons, au Real Madrid pour l’une et à Manchester United pour l’autre. Après avoir mis l’ASM en orbite dans la galaxie des clubs de dimension européenne, Dmitri Rybolovlev, le propriétaire de l’ASM depuis 2011, a donc vendu ses deux stars à prix d’or. « Business is business », pourrait-on se dire. Mais le problème, c’est qu’il ne les a pas remplacés. Pourquoi ? Officiellement en raison du fairplay instauré par l’UEFA. Il s’agirait pour l’ASM Monaco d’équilibrer les comptes, avant de disputer la Coupe. « Pour la Ligue des Champions, si on investit trop, on paye des amendes… Cela freine et contrarie le président. Il (fallait) retoucher le projet », a expliqué le vice-président de l’ASM Vadim Vasilyev à Nice-Matin. « J’investis mon argent personnel dans ce club… Je ne vais pas payer une amende pour jouer la Ligue des Champions », lui aurait dit Rybolovlev.
Pour autant, depuis la fin du mercato estival, les rumeurs et spéculations vont bon train sur l’envie du propriétaire de l’ASM de poursuivre son aventure footballistique à Monaco. Problèmes avec la justice russe (alors que l’affaire de l’effondrement de la mine Uralki en 2006 est close), déception de ne pas avoir été naturalisé monégasque, divorce du siècle (à l’impact limité puisqu’une bonne partie des 3,3 milliards d’euros à Elena Rybolovleva sont « protégés » par des trusts chypriotes)… Tout y passe. Et l’absence prolongée de celui qui est classé 151ème fortune mondiale par Forbes au Louis II a continué d’alimenter les craintes d’un désengagement du Russe à Monaco. « Je suis sûr qu’ils peuvent nous laisser le club encore plus bas qu’il ne l’était (en Ligue 2, N.D.L.R.), panique Ben13, un supporter sur le site Planète ASM. A mon avis, Vasilyev va rester encore un bon bout de temps, le temps de faire encore des plus-values et de laisser le club sombrer sportivement. »

Frondeurs
L’homme d’affaires, qui a eu des problèmes de santé, aurait très bien pu également ressentir un ras-le-bol après le bras de fer avec la ligue de football professionnel (LFP). D’autant que s’il a payé cette année une enveloppe forfaitaire de 50 millions d’euros pour pouvoir participer au championnat de France — qui pourrait s’assimiler selon lui à du racket —, le match n’est peut-être pas terminé avec les instances du football. En effet, 7 présidents de clubs frondeurs avaient immédiatement contesté la régularité de la décision de la LFP de se cantonner à cette somme forfaitaire. La procédure est toujours pendante devant la justice administrative française et personne ne sait ce que le conseil d’Etat statuera in fine. Même si le football français, qui craint de perdre sa deuxième place dans la ligue des Champions, n’a peut-être pas intérêt à chatouiller trop l’ASM aujourd’hui…
La présence de Rybolovlev au stade Louis II le 16 septembre pour le premier match de la Ligue des Champions devrait calmer le jeu. Dans l’entourage du club, on temporise. Pourquoi un homme qui a implanté son family office à Monaco, et qui vient de faire des travaux mirobolants dans son duplex de l’immeuble Belle Epoque, prendrait-il le large aussi rapidement ?

ASM : la guerre des supporters

« Quand tu prends un billet pour voir Johnny Halliday et que tu vois arriver un groupe de bal du 15 août, c’est légitime de penser que tu t’es un peu fait enfler ! » Comme Pasto70, un certain nombre de supporters monégasques alignent les critiques et les motifs de mécontentement sur les sites dédiés. Certains ont carrément demandé le remboursement de leur abonnement qui a considérablement augmenté en un an (de 200 à 240 euros pour les places les moins chères et de 900 à 1 170 euros pour les plus onéreuses, la place réservée étant passée elle de 650 à 950 euros). Un appel au remboursement très mal vécu par le Club des supporters de Monaco. « Le CSM est consterné et écœuré », a réagi le club officiel, critiquant un état d’esprit « qui fait passer l’ensemble des supporters monégasques pour des cons, des enfants gâtés, et qui renvoie une image honteuse. » Et de balancer, avant de remercier Rybolovlev d’avoir investi son argent personnel dans le club : « Comment voulez-vous que les supporters de l’ASM-FC soient crédibles ? Notre stade est déjà vide. Vous voulez quoi ? Vider encore plus le Stade Louis II ? »

SBM : augmentation de capital en vue

L’événement est attendu : dans la logique de son chantier pharaonique du Sporting d’hiver, la Société des bains de mer prépare son augmentation de capital. Le 19 septembre, lors de l’assemblée générale des actionnaires, le conseil d’administration demandera qu’on lui donne délégation de pouvoir afin de « procéder à l’émission avec maintien du droit préférentiel de souscription d’actions ordinaires pour un montant total compris entre 180 et 250 millions d’euros ». Dans la foulée du vote de la loi de désaffectation des parcelles nécessaires à la réalisation de l’opération, le conseil d’administration se réunira alors le 10 octobre pour en définir les modalités. Sur le principe : pas de surprise. Après avoir consulté la commission de placement des fonds, l’Etat, qui conserve 60 % du capital de l’entreprise, devrait « souscrire toute sa part et garantir l’intégralité de cette augmentation », comme l’avait annoncé le gouvernement. Ce qui n’exclue pas l’entrée ultérieure d’autres investisseurs.

Moment idoine ?
Cette augmentation de capital se déroule à un moment plus favorable selon les résultats du premier trimestre 2014-2015 (soit la période du 1er avril au 30 juin) : « Le chiffre d’affaires consolidé du groupe s’établit en effet à 147 millions d’euros contre 144,4 millions d’euros précédemment, soit une hausse de 2 %. A la fin juin 2014, la trésorerie nette d’endettement financier du groupe est positive de 1,7 million d’euros contre une trésorerie nette négative de 15,6 millions d’euros au 31 mars 2014 », annonce le groupe. Même si ce mieux vient en partie de la vente de 400 000 actions Wynn Resorts, Ltd. « Dénouée au cours du premier trimestre, l’opération se traduit par l’encaissement de 43,9 millions d’euros et la constatation d’une plus-value de cession d’actions Wynn Resorts, Ltd de 38,8 millions d’euros qui impacte favorablement les comptes de l’exercice 2014/2015 ». Et là il s’agit du dernier bas de laine Wynn disponible pour la SBM.

Inquiétude sur le plan social

Entre le changement de mode de rémunération à l’Hôtel de Paris et les plans sociaux dans l’industrie, la rentrée 2014 se déroule sur fond d’inquiétudes. Que ce soit à Monachem ou Mécaplast, qui bénéficie du soutien du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), les craintes de restructurations perdurent après l’été. Monachem, société produisant des principes actifs pharmaceutiques, emploie une trentaine de salariés. La peur suit l’annonce de la fermeture programmée de Théramex. Cette société, qui fait partie du groupe israélien Teva tout comme Monachem, mettra la clé sous la porte début 2016. De leur côté, une cinquantaine de salariés de Mecaplast Production, craignant un plan social, avaient également déjà fait grève en juillet. La direction avait alors expliqué dans un communiqué que « face à la baisse récurrente du chiffre d’affaires, le site de Monaco n’a pas d’autre choix que d’opérer un tournant stratégique. »