vendredi 26 avril 2024
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Laurent Kérusoré : « Plus belle la vie m’a rendu heureux »

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Figure emblématique de la série Plus belle la vie qui vient de fêter ses 17 ans, Laurent Kérusoré était présent en principauté à l’occasion du festival de télévision de Monte-Carlo en juin 2021. Monaco Hebdo l’a rencontré pour évoquer le rôle de Thomas Marci, qu’il interprète depuis 2005, mais aussi les critiques dont la série de France 3 est régulièrement la cible. Interview.

Cela fait maintenant 16 ans que vous jouez dans la série Plus Belle la Vie : quel bilan dressez-vous de toutes ces années ?

Cette série m’a rendu heureux. Au départ, j’avais un cachet de six semaines qui se sont transformées en 16 ans, et presque 17 [Laurent Kérusoré a fait ses débuts dans la série en 2005 – NDLR]. C’est une aventure extraordinaire. Je me demande ce qui se serait passé pour moi si je n’avais pas été à ce fameux casting. Car, au début, je ne voulais pas y aller.

Pourquoi ?

J’étais un peu vaporeux à cette époque-là, très amoureux surtout, et très bête. C’est Michelle Podroznik [productrice de la série Plus Belle la Vie – NDLR] qui m’a dit : « Laurent, c’est toi Thomas ». Et elle a eu raison. Quel plaisir de jouer ce personnage depuis tant d’années !

Comment jugez-vous l’évolution de votre personnage, Thomas Marci ?

L’évolution de mon personnage a été fabuleuse. C’est la société qui nous a aussi permis d’évoluer de la sorte. Même si ça n’a pas été si évident pour moi d’être le premier homme à faire un bisou à un autre homme. J’en ai subi des choses, mais je suis encore là.

La série a fêté ses 17 ans fin août 2021 : êtes-vous encore surpris par son ampleur ?

Nous sommes tout le temps surpris. De voir les réactions des téléspectateurs par rapport aux intrigues… ça me surprend toujours. Nous avons eu des intrigues où Roland [son père dans la série – NDLR] met son fils dehors. Et dans la rue, quand on me croise, on me dit que ce n’est pas possible, que l’on ne peut pas se faire la gueule… Cela les perturbe beaucoup. D’ailleurs, la production a pu constater qu’il y a des choses qu’il ne faut pas toucher. Et Roland-Thomas, il ne fallait pas y toucher. Mais, personnellement, je pense au contraire que cela fait évoluer mon personnage, et celui de Roland également. Et puis, ça arrive dans la vie de s’engueuler avec son père.

« Au départ, j’avais un cachet de six semaines qui se sont transformées en 16 ans, et presque 17. C’est une aventure extraordinaire. Je me demande ce qui se serait passé pour moi si je n’avais pas été à ce casting »

Laurent Kérusoré

Comment avez-vous vécu cette séparation de fiction ?

Un jour avec Michel Cordes [qui interprète le rôle de Roland Marci dans la série – NDLR], nous avons pris du retard sur un tournage, ce qui est totalement inhabituel, parce qu’on ne savait pas si c’était Michel ou Roland, ou Thomas ou Laurent. Nous sommes très liés tous les deux. Et la phrase « tu n’es plus mon fils », ça a été très compliqué émotionnellement. J’en ai pleuré alors qu’il ne fallait pas que je pleure. D’ailleurs, la séquence je n’ai pas pu la regarder. Ça a fait pleurer des millions de personnes paraît-il, et Michel et moi nous avons eu du mal à retenir nos larmes car tout était mêlé. Nous avons joué des milliers de séquences ensemble, je le connais par cœur, et il me connaît par cœur. C’est une très belle aventure.

Avez-vous votre mot à dire sur l’évolution de votre personnage ?

Comme je le dis souvent, je suis au service de mon personnage, et pas l’inverse. Chacun son boulot et les auteurs font très bien le leur. Si on commence à se mêler de leur travail, c’est là que l’on devient schizophrène. Ce n’est pas Thomas au service de Laurent, mais Laurent au service de Thomas. Donc je ne m’en mêle pas. Et je trouve qu’en 17 ans, ils ont su écrire des trucs hallucinants pour mon personnage. Moi, je suis un acteur. Si je commençais à vouloir tourner des choses, que Thomas fasse ceci ou cela… ça deviendrait de la schizophrénie. Moi, je suis Thomas. Je suis une pâte à modeler.

Avez-vous déjà pensé à quitter Plus belle la vie ?

Non, je n’ai jamais eu envie de partir. J’ai fait autre chose, je chante, j’ai fait l’Olympia et Bobino, j’ai écrit un livre [À pleine vie, aux éditions Vilo – NDLR]. Mais je n’en parle pas parce que ça n’intéresse personne bizarrement, sauf mes fans. La presse n’était pas là quand j’ai fait l’Olympia et Bobino. Ce qui intéresse la presse, c’est Thomas Marci, c’est tout.

Le regrettez-vous ?

Non, ce n’est pas grave. J’ai rempli la salle sans faire une affiche et sans pub. Ça, c’est Thomas. Bizarrement, grâce aux réseaux sociaux, maintenant je ne suis plus Thomas uniquement, je suis Laurent. Pour moi, ça a été une force. Même si au début, ça a été compliqué de n’être que Thomas. Je me suis réhabilité en tant que Laurent Kérusoré, qui joue Thomas, grâce aux réseaux sociaux.

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« L’évolution de mon personnage a été fabuleuse. C’est la société qui nous a aussi permis d’évoluer de la sorte. Même si ça n’a pas été si évident pour moi d’être le premier homme à faire un bisou à un autre homme »

Laurent Kérusoré

Quels points communs partagez-vous avec Thomas ?

Nous avons deux points communs : l’hypersensibilité et un peu la naïveté. Mais Thomas est très patient, alors que moi, je ne le suis pas du tout. Avec moi, il faut que ça aille très vite.

N’avez-vous pas peur de vous enfermer dans ce personnage ?

J’ai été enfermé dès le premier bisou. Je suis l’acteur qui a fait le premier bisou homosexuel à la télévision. Donc, dès le premier jour, j’étais enfermé. Mais demandez à certains comédiens qui ne travaillent pas beaucoup, ils adoreraient être marqués par un personnage.

Vous n’avez pas envie de faire autre chose ?

Mais personne ne veut de moi. Je n’ai pas de propositions, jamais. J’ai la tête de Thomas Marci, c’est con (rires). Mais je m’en fiche, j’ai du travail. Si un jour la série s’arrête, peut-être que ce sera compliqué pour moi. Ou peut-être pas.

La société a évolué depuis vos débuts en 2005 ?

Oui, la société a évolué. Je ne sais pas si c’est en bien. Mais je resterai toujours Thomas. Et lors des rares castings que j’ai eus, on m’a appelé Thomas, donc je suis reparti. Le minimum, c’est de savoir à qui on s’adresse.

Ça vous dérange d’être autant assimilé à votre personnage ?

Pas du tout. Grâce à ce personnage, je vis dans le Verdon. Je me fais construire une super maison, je peux faire profiter mes amis… Tout va bien. Donc ce n’est pas grave.

Vous avez été l’un des tout premiers acteurs à jouer un personnage homosexuel à la télévision : Plus belle la vie a-t-elle tracé le chemin pour les nouvelles séries (Demain nous appartient, Ici tout commence, Un si grand soleil, Sex Education…) ?

C’est évident. Nous sommes un peu les pionniers. Mais c’est bien que d’autres en parlent. Notre public regarde aussi les autres séries. Moi, je suis content. Vous ne m’entendrez pas parler de concurrence, car je n’y crois pas. Les chaînes sont peut-être en concurrence, mais en tant qu’acteurs, nous avons du boulot, donc nous sommes tous contents.

« Je chante, j’ai fait l’Olympia et Bobino, j’ai écrit un livre. Mais je n’en parle pas, parce que ça n’intéresse personne bizarrement, sauf mes fans. […] Ce qui intéresse la presse, c’est Thomas Marci »

Laurent Kérusoré

Parler de faits de société, c’est ce qui fait la force de Plus belle la vie ?

Depuis le premier épisode, nous parlons des gens. Alors, évidemment, il y a des intrigues abracadabrantesques, car c’est ce qu’on appelle la fiction. Mais nous parlons des gens : l’homoparentalité, les divorces, la difficulté de payer son loyer, la transsexualité… Nous avons peut-être ouvert la porte, mais tant mieux.

Est-il facile pour un jeune acteur d’intégrer une série comme Plus belle la vie ?

Nous sommes très accueillants, car, comme je le dis tout le temps, il n’y a pas de premier rôle chez nous. Le premier rôle, c’est la place du Mistral. Il est vrai qu’aujourd’hui, j’ai un côté un peu dinosaure. De jeunes acteurs arrivent, et se mettent un peu à trembler, car ils sont à côté de Laurent Kérusoré. Ça m’amuse, mais je les rassure.

Vous demandent-ils des conseils ?

Nous les accueillons le mieux possible, pour qu’ils soient le plus à l’aise possible. Mais des conseils, nous ne pouvons même pas leur en donner. Nous n’avons pas le temps. Ils comprennent très vite ce qu’il faut faire. Il ne faut pas réfléchir et travailler, travailler… Quand nous sommes en tournage, sur une intrigue, nous ne décollons pas. Nous partons le matin, et on nous ramène le soir. Entre les deux, nous faisons plein de choses par notre personnage.

Quels conseils leur donneriez-vous ?

Tout d’abord, je leur dirais de bien scinder leur vie : celle du personnage, de notre travail, et leur vie privée. C’est très important, sinon on devient taré (sic). Et il y en a pas mal qui sont devenus tarés.

« Grâce aux réseaux sociaux, j’ai réhabilité Laurent Kérusoré. Les gens savent qui je suis, et ils voient que je suis différent de Thomas Marci »

Laurent Kérusoré

Plus belle la vie est aussi la cible de critiques, notamment sur le jeu des acteurs et les intrigues un peu ubuesques : ces critiques vous touchent-elles ?

Certaines critiques peuvent toucher. Mais personnellement, je m’en fiche. Ce qui est important, c’est d’être à l’heure au travail, de bien faire mon travail et de m’entendre avec mes camarades. Le reste, ça m’est égal. On peut me critiquer, dire que je joue comme un con (sic), je m’en fiche royalement. À partir du moment où mon producteur et mes camarades sont contents de moi, c’est tout ce qui m’importe. Nous en avons pris plein la gueule, on a dit que nous étions des acteurs en carton-pâte… Mais le carton-pâte, il est là depuis 17 ans. Et ceux qui nous ont critiqués, on ne les entend plus. Il y a eu des périodes où nous étions à plus de 5,7 millions de téléspectateurs, tous les soirs. Et au pire, il vaut mieux être en carton-pâte que rien du tout. Le travail qu’on donne, il faut y aller. Des acteurs très connus sont venus dans la série, et nous ont félicités parce que ça va très vite. Les gens sont surpris. Certains viennent à reculons, mais après, ils pleurent parce qu’ils ne veulent plus repartir. Nous sommes très solidaires, comme une troupe.

Le fait d’être désormais sur les réseaux sociaux a-t-il changé votre rapport au public ?

Oui, aujourd’hui on m’appelle Laurent ou monsieur Kérusoré. Ça fait plaisir. J’adore mes fans. Je n’en ai pas des millions comme certains influenceurs, mais je m’en fous. Ceux qui me suivent me suivent tout le temps. Nous avons certains rapports. Par exemple, quand ma maman n’était pas bien, tout le monde m’a demandé de ses nouvelles. J’ai un vrai rapport avec eux. Je ne suis pas un vendeur, je ne mets pas de hashtags… je suis un acteur. Moi, ce que j’aime, ce sont les gens. C’est tout. J’essaie d’être le plus sincère possible. Et grâce aux réseaux sociaux, j’ai réhabilité Laurent Kérusoré. Les gens savent qui je suis, et ils voient que je suis différent de Thomas Marci.