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Culture Sélection
de juin 2018

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Gaspard-va-au-mariage

Gaspard va au mariage

d’Antony Cordier

Poétique. Cette fois, Gaspard n’a plus le choix. Après avoir méthodiquement évité sa famille pendant des années, il doit assister au nouveau mariage de son père, un infidèle invétéré, qui tient un zoo dans le Limousin. Il n’a pas envie d’y aller seul. Alors il s’y rend avec Laura, une jeune femme rencontrée par hasard, qu’il va faire passer pour sa petite amie à cette occasion. Après Douches froides (2005) et Happy Few (2010), Antony Cordier revient avec une comédie poétique et drôle. Gaspard (Félix Moati) et Laura (Laetitia Dosch) évoluent dans une sorte de conte, où le zoo symbolise l’enfance, et où les interdits, la nature et les animaux s’entremêlent dans un incroyable patchwork. Et puis, tout le monde a ses secrets… On pense forcément au film de Noah Baumbach, Margot va au mariage (2007), et on se laisse porter par cette troupe d’acteurs dingue et par son final, mélancolique : « Mûrir, c’est parvenir à aimer quelqu’un plus que sa famille. »

Gaspard va au mariage d’Antony Cordier avec Félix Moati, Laetitia Dosch, Christa Théret (FRA, 2018, 1h43), 19,99 euros (DVD seulement, pas de sortie blu-ray).

 

Mary-et-la-fleur-de-la-sorciere

Mary et la fleur de la sorcière

d’Hiromasa Yonebayashi

Ponoc. Grâce à une fleur qui n’entre en floraison que tous les 7 ans, Mary se retrouve affublée de pouvoirs magiques qui lui permettent de rejoindre Endor, une école de magie, située quelque-part au-delà des nuages. Le Japonais Hiromasa Yonebayashi nous propose un conte qui évoque, de temps à autres, Le Château dans le ciel (1986) ou Kiki la petite sorcière (1989) de Hayao Miyazaki. Adapté de The Little Broomstick [ Le petit balai – N.D.L.R.], de l’Ecossaise Mary Stewart (Hodder Children’s Books, 2006, non traduit), l’ouverture de ce dessin animé est magistrale. En revanche, l’école de magie lorgne trop du côté de la saga Harry Potter de J. K. Rowling. Moins singulier qu’Arrietty, le petit monde des chapardeurs (2010) et un peu trop prévisible, Mary et la fleur de la sorcière reste toutefois très fréquentable. Ce film est le premier long métrage du studio Ponoc, en grande partie construit autour d’anciens du studio Ghibli.

Mary et la fleur de la sorcière de Hiromasa Yonebayashi, avec Ruby Barnhill, Kate Winslet, Jim Boadbent (JAP, 2018, 1h42), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (blu-ray). Sortie le 3 juillet 2018.

 

Il-figlio-Manuel

Il figlio, Manuel

de Dario Albertini

Sensible. Désormais, Manuel est majeur. Il a 18 ans et il doit quitter le foyer pour jeunes dans lequel il vivait, depuis que sa mère est en prison. Mais ce n’est pas si simple que de se retrouver dans les rues de son quartier, dans la banlieue de Rome. Pour que sa mère sorte grâce à l’assignation à résidence, il doit parvenir à démontrer qu’il est suffisamment mûr et fiable. Pour son premier film, Dario Albertini dresse le portrait sensible d’un adolescent, magistralement interprété par Andrea Lattanzi, un acteur presque débutant. L’habilité d’Albertini consiste à soigneusement éviter de tomber dans un pathos facile. Venu du monde du documentaire, Dario Albertini est l’auteur de La Repubblica dei ragazzi, un reportage qui décrit le quotidien d’un foyer pour jeunes, près de Rome. Au final, Il figlio, Manuel est un film juste et touchant.

Il figlio, Manuel de Dario Albertini, avec Andrea Lattanzi, Francesca Antonelli, Giulia Gorietti (ITA, 2018, 1h37), 10 euros (DVD), 24,99 euros (blu-ray). Sortie le 11 juillet 2018.

Memories-of-Murders-de-Bong-Joon-Ho

 

Memories of Murders

de Bong Joon-Ho

« Néo-noir ». Quatorze ans après, La Rabbia a l’excellente idée de proposer une version restaurée en 4K de ce superbe film de Bong Joon-Ho. Ce polar sud-coréen oscille constamment entre l’horreur et l’humour. Le réalisateur d’Okja (2017) et de The Host (2006), évoque le viol et l’assassinat de 10 femmes entre septembre 1986 et avril 1991. Toutes sont étranglées et le tueur reste introuvable. Le duo de policiers est aussi incompétent que drôle : Park est un flic venu de la campagne, alors que Seo est un inspecteur originaire de Séoul. Ce film « néo-noir » a aussi l’intelligence d’afficher une dimension politique et sociale, puisque les meurtres ont lieu entre la fin de la dictature et le début de la démocratie en Corée du Sud.

Memories of Murders de Bong Joon-Ho, avec Song Kang-Ho, Kim Sang-kyung, Hie-Bong Byeon (CORSUD, 2004, 2h10), 19,99 euros (2 DVD), 24,99 euros (mediabook, 1 blu-ray, 2 DVD, un livret de 40 pages sur l’histoire du tournage), 34,99 euros (coffret collector, tirage limité, mediabook, reproduction du storyboard intégral traduit en français sur 366 pages). Sortie le 11 juillet 2018.

 

La-fille-qui-brule-de-Claire-Messud

La fille qui brûle

de Claire Messud

Adolescence. Elle est américaine, mais elle est aussi française et canadienne. Née en 1966 aux Etats-Unis, Claire Messud vit à Boston. Son livre, La fille qui brûle peut être considérée comme un dytique avec La femme d’en haut (2014). Le sujet reste celui de la condition des petites filles, puis des femmes, dans notre société. Se considérant comme une féministe, Claire Messud décrit avec beaucoup de justesse et de sensibilité le passage de l’enfance à l’âge adulte à travers des adolescentes, Julia et Cassie, qui vivent dans une petite ville du Massachussets. Elles sont inséparables. Et puis la préadolescence arrive et tout change. L’une est brillante, l’autre est en échec scolaire : leur belle amitié n’y résistera pas. Alors Julia, à qui tout sourit, essaie de comprendre pourquoi et à quel moment leurs routes se sont séparées. Ce cinquième roman de Claire Messud dresse un constant sombre, mais lucide, sur la violence du passage à l’âge adulte, dans une société américaine à plusieurs vitesses.

La fille qui brûle, de Claire Messud, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par France Camus-Pichon (Gallimard), 256 pages, 20 euros.

 

Le-Loup-d-Hiroshima-de-Yuko-Yuzuki

Le loup d’Hiroshima

de Yûko Suzuki

Gangs. Professionnellement, il est très bon, mais il est aussi proche des yakuzas. Alors, forcément, ses supérieurs n’apprécient pas le comportement du commandant Ôkami. Mais ils ont vraiment besoin de lui. Surtout le jour où disparaît le comptable d’un prêteur dirigé par la mafia. Aidé par le jeune et inexpérimenté lieutenant Hioka, Ôkami va tout faire pour éviter l’explosion de cette cocotte-minute, quitte à employer des méthodes à la limite de la légalité. Pris dans cette guerre des gangs, Hioka va devoir grandir plus vite que prévu. Même si la thématique du duo de flics totalement opposés est loin d’être nouvelle, on se laisse prendre par le rythme et les rebondissements de cette première parution de l’Atelier Akatombo.

Le loup d’Hiroshima de Yûko Suzuki, traduit du japonais par Dominique et Frank Sylvain (Atelier Akatombo), 320 pages, 18 euros.

 

Revenir-a-Palerme-de-Sebastien-Berlendis

Revenir à Palerme

de Sébastien Berlendis

Nostalgie. C’est en Sicile qu’il a connu l’amour. C’était avec Délia. Le temps passe, elle n’est plus là, mais le souvenir demeure. Alors, le narrateur décide de retourner à Palerme pour tenter d’exorciser cet amour perdu. Le quatrième roman de Sébastien Berlendis est beau. Il revient en Italie et se souvient de tout : les palais abandonnés, les ruelles étroites, les odeurs… Partout, le souvenir est présent. Bien sûr, il y a Elizabeth, qu’il a rencontrée ensuite. Mais elle ne suffit pas. S’il est français, l’auteur d’Une dernière fois la nuit (2013) est d’origine italienne. Il a donc cette capacité à traiter du thème de l’absence, du pays et du manque. La nostalgie des palais disparus de l’histoire italienne et des amours envolés, à Palerme ou ailleurs, hantent chaque page de ce très beau livre.

Revenir à Palerme, de Sébastien Berlendis (Stock), 96 pages, 13,50 euros.

 

Les-aventures-de-Hong-Kiltong

Les aventures de Hong Kiltong

de Yoon-sun Park

Idéaliste. Un Robin des Bois coréen qui tourne en dérision la bourgeoisie locale. Avec sa bande de cambrioleurs, il dépouille les riches pour donner aux pauvres. À l’origine, l’histoire d’Hong Kiltong est un roman coréen écrit en 1612 par Heo Gyun. C’est aussi le premier roman rédigé à l’aide de l’alphabet coréen, inventé au XVème siècle. C’est avec ces ingrédients que Yoon-sun Park construit cette jolie BD très colorée. Née en 1980 à Séoul, cette bédéiste s’était déjà fait remarquer par son très joli récit autobiographique En Corée (2017), et, un peu plus tôt, par Sous l’eau, l’obscurité (2011). Avec Les aventures de Hong Kiltong, Yoon-sun Park remet au goût du jour toute une galerie de personnages, portés par l’idéaliste Hong Kiltong et sa magie taoïste.

Les aventures de Hong Kiltong de Yoon-sun Park (Misma éditions), 60 pages, 18 euros.

 

Grendel-de-Mako-Oikawa

Grendel

de Mako Oikawa

Dark. C’est une série en trois volumes que nous proposent les éditions Komikku. Grendel nous plonge dans un univers que les fans d’heroic et de dark fantasy apprécieront. Grendel est le nom du premier monstre contre lequel se bat le roi Hroðgar dans la poésie anglo-saxonne Beowulf. Peuplé de créatures monstrueuses, ce manga met en scène Camelia, chargée d’accompagner un jeune dragon loin de chez elle. Mais à chaque fois qu’elle se bat et tue un adversaire, elle ressent les souffrances éprouvées par le vaincu. Extrêmement détaillé, le dessin de Mako Oikawa impressionne. Cette première sortie en France chez Komikku, qui fait suite à la publication de deux autres mangas au Japon, est une excellente surprise.

Grendel de Mako Oikawa (éditions Komikku), 240 pages, 8,50 euros.

 

IRISIRI-Eartheater

IRISIRI

Eartheater

Voix. Eartheater, c’est-à-dire Alexandra Drewchin, vient de sortir IRISIRI, un très bon disque électro. Propulsé par un premier single C.L.I.T. pour Curiosity Liberates Infinite Truth, IRISIRI porte en lui des sonorités qui rappellent parfois Arca. Quoi qu’il en soit, c’est encore et toujours avec sa voix qu’Alexandra Drewchin séduit depuis 2009 et les débuts de son projet Eartheater. Après Metalepsis (mars 2015) et RIP Chrysalis (novembre 2015), son troisième album est moins facile d’accès. Le très atmosphérique Curtains est un exemple, alors que Slyly Child rappelle le meilleur de Portishead. Au final, il faut absolument se laisser porter par l’écoute de ce disque pas comme les autres.

IRISIRI, Eartheater (PAN), 7,50 euros (MP3), 19 euros (vinyle), 12 euros (CD).

 

Pentagram-Gui-Boratto

Pentagram

Gui Boratto

Planant. Né en 1974 à São Paulo, Gui Boratto a débuté en 2007 par un superbe premier album, Chromophobia. Si on avait été moins séduit par son quatrième album, Abaporu (2014), on l’est beaucoup plus par Pentagram. Oscillant constamment, et avec une grande élégance, entre house et électro, Gui Boratto multiplie les ambiances et les rythmes sur 12 titres très réussis. L’excellent Alcazar est un véritable voyage, auquel on participe avec joie. Sur Overload, Boratto fait à nouveau confiance à Luciana Villanova, qui vient éclairer vocalement ce joli morceau. Extrêmement planant, The Walker repose sur un sens imparable de la mélodie, auquel il est inutile d’essayer d’opposer la moindre résistance. Du grand Boratto, donc.

Pentagram, Gui Boratto (Kompakt), 19,90 euros (2 vinyles+MP3), 22,90 euros (2 vinyles couleurs+MP3, édition limitée), 13,50 euros (CD).

 

June-Brendon-Anderegg

June

Brendon Anderegg

Libre. Trente-sept minutes. C’est la durée exacte de cet album solo de Brendon Anderegg. Cela peut sembler court, mais June est le premier disque que Brendon Anderegg publie seul, et c’est un objet d’un minimalisme absolu. Un synthétiseur solitaire, et puis des sons qui s’ajoutent et s’empilent, de façon naturelle, presque comme s’ils n’étaient joués par personne. De ce mélange étonnant, nait une musique qui semble spontanée. Difficile de dire ce qui a été pensé ou non, ce qui a été voulu ou ce qui relève du hasard. Disque d’ambiance ou pas, June propose autre chose et développe une idée séduisante. Celle d’un musicien libre, qui s’exprime sans aucune limitation.

June, Brendon Anderegg (Thrill Jockey), 25 euros (vinyle).