vendredi 26 avril 2024
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Jacques Cardoze : « L’image de Bernard Tapie colle parfaitement à Marseille »

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Ancien journaliste devenu directeur de la communication de l’Olympique de Marseille, Jacques Cardoze faisait partie du jury de l’édition 2021 des Sportel Awards. Monaco Hebdo a pu le rencontrer pour évoquer ses nouvelles fonctions au sein du club phocéen, mais aussi ses relations avec Bernard Tapie, à qui l’OM va rendre hommage dimanche 17 octobre 2021, au stade Vélodrome. Interview.

Quelle est votre plus belle image sportive en 2021 ?

Il y en a beaucoup. Il y a eu les Jeux olympiques (JO), le Tour de France. Mais j’ai surtout en tête une image de passion, de retrouvailles, une image de public. Nous sortons d’une période qui a été très compliquée pendant 18 mois, nous avons été privés de cette relation qu’il peut y avoir entre la passion et le sportif. Et pour moi, c’est inconcevable. Le sport doit se vivre avec de la passion, avec des émotions et le public participe de cette émotion. Donc les images que j’ai en tête, c’est forcément un stade Orange Vélodrome bien rempli, beau, avec des tifos [animations dans les tribunes — NDLR] et avec cette communion entre le public et l’équipe. Je parlerai donc plutôt d’une image “live”, d’une image que j’ai vécue plutôt qu’une image télévisée.

Pourquoi souhaitiez-vous participer au Sportel cette année ?

J’ai été invité pour participer au jury et cela m’intéresse beaucoup car j’ai été journaliste de télévision pendant 27 ans. J’ai toujours eu un attrait pour la relation entre la télévision et le sport : comment le sport est retransmis, la qualité des ralentis, les nouvelles technologies, les nouvelles caméras… Tout cela a beaucoup évolué. Aujourd’hui, nous avons parfois le sentiment d’être avec le sportif sur le terrain. Nous [le jury — NDLR] avons vu de très belles choses et il n’y a que le sport qui puisse à la fois donner cette dramaturgie et cette qualité de retransmission avec les techniques qui nous sont offertes aujourd’hui. Cela est d’autant plus important, qu’à mon sens, toutes les innovations technologiques doivent permettre de mieux retransmettre la Ligue 1 [championnat de France de football — NDLR], pour pouvoir mieux la commercialiser. Et l’un des points que l’on oublie un peu vite, c’est la qualité de la transmission, des caméras, leur positionnement, les ralentis… C’est un axe de travail sur lequel on aurait intérêt à aller car ça pourrait encore améliorer le produit.

Vous êtes devenu, en mai 2021, directeur de la communication de l’Olympique de Marseille (OM) : comment passe-t-on du journalisme à la communication et pourquoi avoir accepté ce poste ?

C’est un choix de cœur. L’OM est mon club favori depuis l’adolescence. Et j’ai aussi fait ce choix parce que j’ai vu beaucoup de choses dans le monde du journalisme et j’avais envie de connaître autre chose. J’avais envie d’enrichir ma palette de connaissance. J’aime l’idée d’avoir plusieurs vies en une seule, et de ne pas avoir un seul métier. Je suis d’ailleurs admiratif des chefs d’entreprise qui inventent plusieurs choses dans leur vie, qui passent d’une entreprise à l’autre, parfois de l’industrie au digital. Dans les pays anglo-saxons, ça ne choque personne de changer de métier. Ça peut faire du bien aussi aux disciplines que ce soit au journalisme ou à la communication, ou à d’autres domaines, d’avoir des gens qui viennent d’horizons divers parce que cela apporte une autre réflexion, une autre façon de voir l’actualité.

« Pour moi, il y a aujourd’hui un lien entre le journalisme et la communication. Dans la communication, vous êtes au service d’une marque, d’un business, en l’occurrence l’Olympique de Marseille, mais il y a toute cette relation avec le contenu »

C’est-à-dire ?

Pour moi, il y a aujourd’hui un lien entre le journalisme et la communication. Dans la communication, vous êtes au service d’une marque, d’un business, en l’occurrence l’Olympique de Marseille, mais il y a toute cette relation avec le contenu. Aujourd’hui, l’OM c’est aussi un média. Nous sommes en capacité de produire énormément de contenus avec des studios vidéo et photo. Nous disposons de motion-designers, de graphistes, de caméramans, de monteurs. Nous produisons du contenu tout au long de l’année pour nos 15 millions de suiveurs. Il y a cinq ans, il paraissait naturel d’avoir une télévision. Aujourd’hui, OM TV n’existe plus et on parle de OM Média. Car c’est un moyen d’être plus agile et de pouvoir créer du contenu pour n’importe quelle fonction ou support digital.

Le digital est devenu incontournable dans la communication d’un club ?

Le digital, c’est ce que vous avez dans les mains du matin au soir. Il est donc naturel d’être présent sur tous les médias ou réseaux sociaux, choisis par le club. Nous sommes présents sur une bonne dizaine de médias. Cet univers est en mouvement perpétuel. Le fait d’avoir une rédaction hybride, en capacité de pouvoir produire du contenu pour Facebook, Twitter, Instagram, TikTok ou Twitch, nous permet de répondre à cette demande qui bouge beaucoup dans le temps et qui va encore continuer à évoluer. Nous n’aurions pas pu le faire en restant uniquement dans le modèle de la télévision. Et un média comme Twitch est un peu la synthèse de la télévision et du monde digital. Il nous offre ce côté linéaire, ce côté rendez-vous. Nous pouvons donner rendez-vous à notre communauté et, en même temps, rester en contact permanent avec elle.

Le début de saison de l’OM a été marqué par des incidents en tribunes et les disparitions de figures emblématiques (René Malleville, Bernard Tapie…) : comment vivez-vous cette période délicate ?

C’est une période difficile. Mais c’est aussi une période très enthousiasmante parce que nous avons connu un très beau début de saison, avec une nouvelle équipe, avec beaucoup de nouveaux joueurs et une nouvelle équipe dirigeante. Nous devons donner du bonheur aux gens et cette période est marquée avant tout par le retour du public dans les stades. Personnellement, je n’ai envie de retenir que le côté positif : ces moments de fête, de communion entre les joueurs et le public… Nous avons rempli à plusieurs reprises l’Orange Vélodrome, qui a une capacité de 67 000 places. Ce n’est pas donné à tout le monde. Le cœur du football bat à Marseille et nous sommes heureux de pouvoir donner ce plaisir aux gens. Les moments de tristesse et de douleur font malheureusement partie de la vie. Nous avons connu beaucoup de trop de pertes récemment, donc nous espérons que cette page va se tourner pour continuer à aller de l’avant.

© Photo Sportel Awards

« Ce qui me frappe chez Bernard Tapie, c’est sa combativité, sa capacité à ne jamais rien lâcher, à mouiller le maillot. Ce sont des valeurs qui résonnent beaucoup à Marseille »

Connaissiez-vous Bernard Tapie ?

J’ai rencontré Bernard Tapie à plusieurs reprises quand j’étais journaliste. Il m’a toujours fasciné. J’ai une fascination pour ces chefs d’entreprise qui ont su construire, parfois dans l’adversité, dans la grande difficulté avec des événements contraires. Mais ce qui me frappe chez lui, c’est sa combativité, sa capacité à ne jamais rien lâcher, à mouiller le maillot. Ce sont des valeurs qui résonnent beaucoup à Marseille. Évidemment compte tenu à ce qu’il a fait, la coupe d’Europe et les nombreux titres qu’il a pu ramener, la puissance que pouvait dégager l’équipe entre 1986 et 1993. Mais aussi parce que son image colle parfaitement à Marseille. Cette idée de se battre, de se relever, de regarder de l’avant, de continuer de bâtir et ne pas lâcher. Bernard Tapie a su donner de la fierté aux Marseillais.

Comment le club va-t-il lui rendre hommage ?

Nous allons lui rendre hommage à l’occasion du match contre Lorient, le 17 octobre prochain [dimanche 17 octobre 2021, à 20h45 — NDLR]. Il y aura des événements particuliers juste avant. Nous avons le souhait, et l’intention, de faire venir d’anciens joueurs, de proposer également à la famille d’être présente. Ce sera un événement très particulier, très beau, très digne. Nous allons aussi travailler avec les responsables des groupes de supporteurs pour savoir exactement ce qu’ils ont l’intention de faire. Ils sont en train d’y réfléchir. Certes Bernard Tapie était malade, mais une mort vous frappe toujours au moment où elle arrive. Ça a été un choc pour tout le monde même si on le savait malade. Maintenant, nous devons regarder devant nous. Une page se tourne mais il faut pouvoir honorer cette mémoire, l’homme qu’il était et ce qu’il représentait pour le club et pour la ville.

Quelles sont vos relations avec les supporteurs de l’OM ?

Les relations avec les groupes de supporteurs sont bonnes. Tous les dirigeants se doivent d’avoir une relation continue et régulière avec chacun des responsables de groupe. C’est important de connaître la tendance, les sentiments partagés, leurs volontés sur plein de sujets du club… Nous avons connu des moments un peu agités ces derniers temps, donc les relations sont permanentes. Nous avons malheureusement perdu dans un tragique accident de la route, le jeune Clément [un supporteur décédé en revenant du match Angers — OM — NDLR] qui faisait partie intégrante du groupe des Fanatics [un groupe de supporteurs de l’OM — NDLR]. Nous avons passé une journée avec Pablo Longoria [le président — NDLR] aux côtés des blessés. Nous avons voulu passer du temps avec eux pour mieux les comprendre. Ce sont des moments extrêmement importants. Les dirigeants de clubs de football, d’une façon générale devraient passer plus de temps avec les supporteurs et ne jamais oublier d’où ils viennent. Quelque part, moi je viens des tribunes. Passer du temps avec eux vous donne le bon baromètre, le bon pouls et cela vous permet aussi de ne pas vous couper de la réalité.

« Les dirigeants de clubs de football, d’une façon générale devraient passer plus de temps avec les supporteurs et ne jamais oublier d’où ils viennent. […] Cela vous donne le bon baromètre, le bon pouls et cela vous permet aussi de ne pas vous couper de la réalité »

Quel regard portez-vous sur la trajectoire du président Longoria ?

Pablo est étonnant. Il est jeune mais il a déjà une expérience incroyable. Nous avons été auditionnés par la mission d’information sur les droits télé à l’Assemblée nationale. Ça a été un moment extrêmement fort pour le rapporteur et le président, parce qu’ils ont pu l’écouter pendant un peu plus d’une heure et demie, au-delà de la limite légale même (rires). Ils avaient beaucoup de questions à lui poser, très techniques parce qu’il a une expérience en Italie, en Espagne. Il a une très profonde connaissance du football, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Certains présidents ne viennent pas vraiment du monde du foot, lui c’est le cas. Il a été scout, il a tenu un blog dans sa jeunesse. Il a été très jeune supporteur, il suivait les équipes en Espagne dans sa région. Il a beaucoup voyagé, il a étudié énormément de joueurs, fait énormément de fiches sur les joueurs. C’est ça la réalité de Pablo. Il a une grande connaissance du jeu et du football. Et ce que j’apprécie beaucoup dans l’équipe de direction actuelle, c’est que chacun est à sa place. Moi, je m’occupe du domaine de la communication et des médias. Je ne suis pas technicien du foot. Lui, il l’est et il est dans son domaine de technicien. Nous avons une directrice générale des revenus, Nathalie Nénon-Zimmermann, qui a une grande expérience du monde du marketing et des revenus dans le domaine sportif. Chacun est à sa place, et nous avons un comité de direction assez bien doté. Mais le foot est un univers volatil, tout dépend des résultats sportifs. Nous verrons ce que l’avenir nous réservera mais nous avons tout fait pour être en capacité d’écrire une belle page pour l’Olympique de Marseille.