vendredi 29 mars 2024
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Kilian Bron, un champion tout terrain

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Kilian Bron a plusieurs visages. À la fois vidéaste et explorateur, ce Français de 29 ans est aussi et surtout un vététiste de l’extrême, devenu superstar de YouTube grâce à ses vidéos à couper le souffle. Monaco Hebdo a pu le rencontrer lors des derniers Sportel Awards, en octobre 2022.

Il pose ses roues là où peu oseraient y mettre leurs pieds… Kilian Bron est un as du volant, ou plutôt un as du guidon. Vététiste de l’extrême, ce Français parcourt le monde depuis quinze ans à la recherche de descentes toutes plus folles les unes que les autres. De la poussière de Namibie aux rochers pointus des Dolomites en passant par les paysages magnifiques de la Cappadoce ou les Slick Rocks du désert de l’Utah, les vidéos de ses exploits cartonnent sur YouTube avec plusieurs millions de vues au compteur. Pourtant, rien ne prédestinait ce jeune homme de 29 ans à un tel succès.

« Pas une course à la prise de risque »

De nature très timide et réservée, Kilian Bron a commencé le vélo dès l’âge de 13 ans pour « se faire des amis », dit-il. Puis, l’appétit venant en mangeant, l’homme d’Annecy en a fait une véritable passion qu’il l’a amené à découvrir le monde qui l’entourait. Et notamment ces montagnes alpines qu’il pouvait admirer depuis la fenêtre de sa chambre : « J’ai attaqué sur le côté “loisir” pour sortir [de chez moi], et je me suis vite rendu compte que le vélo était pour moi le moyen le plus facile, et l’outil non motorisé, qui me permettait d’aller explorer le plus loin possible ». Et le plus vite possible aussi, car cet athlète n’oublie pas l’essence même de son sport : le pilotage et l’adrénaline, qui l’accompagne à chacune de ses sorties. “Rider” hors pair, Kilian Bron a participé à de nombreuses coupes régionales, coupes de France et coupes du monde en descente, avant d’enchaîner avec le circuit mondial en enduro. Puis, de basculer progressivement vers la descente marathon, « un format qui me plaît beaucoup. On part en groupe, à plusieurs centaines voire plusieurs milliers sur des points hauts en montagne, on suit un parcours défini et le gagnant est le premier arrivé en bas ».

« Je me suis vite rendu compte que le vélo était pour moi le moyen le plus facile, et l’outil non motorisé, qui me permettait d’aller explorer le plus loin possible »

Kilian Bron. Vététiste de l’extrême

Sa plus belle victoire, la Mountain of Hell remportée en 2019. Ce marathon de descente, organisé aux Deux Alpes, est une course mythique à laquelle participe, chaque année, un millier de « casse-cous ». Tous s’élancent depuis le glacier de la Girose à 3 400 mètres d’altitude pour rejoindre la vallée située 25 kilomètres en contrebas. Les pentes vertigineuses, dévalées à plus de 100 kilomètres/heure, offrent aux participants des sensations évidemment fortes. Mais la moindre erreur de pilotage peut aussi avoir de lourdes conséquences. « Si la peur de la blessure nous envahit trop, à la fin on ne fait plus rien, on le fait mal, ou on ne l’exploite pas. On ne va pas au bout de nous-mêmes. Tout le travail se fait en amont, explique Kilian Bron. Avant de me lancer, je me conditionne, je me prépare et j’essaie de tout anticiper pour que ça se passe bien. Et le moment où j’y vais, je mets de côté tout ce qui est inutile, toutes ces pensées, tout ce stress… C’est valable en compétition, mais aussi en tournage, où je suis amené à rouler dans des endroits où la moindre erreur peut être fatale. Mais ça ne veut pas dire que je diminue le risque à zéro ». Pour preuve, le vététiste garde encore quelques stigmates de ses « run », « des blessures plus ou moins graves comme des fractures » qui ne l’ont pour autant pas convaincu d’arrêter. Bien au contraire : « J’entends très bien qu’un joueur de foot ou de basket puisse se blesser et mettre fin à sa carrière. Mais je pense que dans certains cas, pour nous en tout cas, sans dénigrer qui que ce soit, il y a une prise de risque qui peut nous amener à mourir. Et ce sont des choses qui, si on les oublie mentalement, peuvent devenir dangereuses. Le fait d’y penser est stressant mais nous devons en tenir compte. Il faut travailler dessus, il faut en parler, il ne faut pas que ce soit un sujet tabou. Et il ne faut pas que ce soit la course à la prise de risque ». On l’aura compris, dans sa pratique, les aptitudes mentales comptent tout autant que les capacités physiques et techniques : « Les deux ne sont pas dissociables. Tu ne peux pas être bon physiquement et oublier derrière tout le côté mental. Et inversement. Il faut associer les deux. D’autant plus dans les sports extrêmes », insiste Kilian Bron.

« Si la peur de la blessure nous envahit trop, à la fin on ne fait plus rien, on le fait mal, ou on ne l’exploite pas. On ne va pas au bout de nous-mêmes. Tout le travail se fait en amont »

Kilian Bron. Vététiste de l’extrême

Superstar de YouTube

En plus d’être un sportif accompli, Kilian Bron est aussi un explorateur dans l’âme. Avec son VTT, il parcourt le monde entier à la recherche des endroits les plus fous et les plus beaux pour poser ses roues. « Je me sers de tous les outils qui existent aujourd’hui [pour dénicher le spot idéal] : en scrollant les réseaux sociaux comme tout le monde le fait ou en discutant avec des amis de voyages, d’aventures, d’anecdotes, révèle-t-il. Je prends note, j’écoute, je vais me renseigner, lire, regarder des documentaires. Et de là, on choisit les destinations. Et le top du top, c’est quand ces endroits sont liés à des histoires, à des cultures, des traditions… Souvent, il s’agit d’endroits originaux parce qu’ils n’ont pas encore été trop vus. Du coup, ils conservent encore ce côté nature et humain ». Son “road-trip” l’a ainsi déjà mené dans la savane en Namibie, au sommet d’un volcan au Mexique, dans les fjords norvégiens ou encore en Turquie, au cœur de la Cappadoce. Mais son spot préféré reste le Pérou, où il a désormais ses habitudes : « J’ai appris à adorer ce pays. C’est-à-dire que j’y suis allé une première fois et j’ai aimé les paysages et les gens que j’ai rencontrés là-bas. Lorsque j’y suis retourné une seconde fois, je suis allé explorer d’autres paysages variés. J’y suis revenu une troisième fois et je me suis fait des amis car j’étais resté en contact. En fait, mes endroits favoris sont ceux où j’ai tissé des liens », résume-t-il.

Kilian Bron
« Si les gens arrivent un peu à s’évader avec nous en regardant ces vidéos, je me dis qu’on est arrivé à ce que l’on avait imaginé. » Kilian Bron. Vététiste de l’extrême. © Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

De ses expéditions aux quatre coins du monde, Kilian Bron ramène dans ses bagages des vidéos à couper le souffle. Car le freerider français n’hésite pas à mettre en scène ses exploits pour les partager ensuite sur la Toile : « Il y a la partie entraînement-compétition et la partie réalisation de contenus à travers nos vidéos signatures. Ce sont des formats de trois à six minutes qui mettent en avant des destinations, des concepts originaux, des “editing”, des montages vidéo sympas. C’est ce qui rythme mon quotidien », confie le vététiste fier de pouvoir vivre aujourd’hui de ses trois passions : le vélo, le voyage et la création de contenus. « Le côté création est super important. Certes, il y a cette partie technique de pilotage, de faire du vélo qui est très chouette, je prends encore aujourd’hui un plaisir énorme à rouler comme si c’était mon premier jour. Mais finalement, ce qui me plaît c’est de tout réaliser en partant de rien. Quand on parle de vidéo, on pense à l’image. Mais derrière, il y a tout un travail de son et de musique. Ce sont des choses que nous faisons de A à Z. Nous partons d’une feuille blanche jusqu’à créer un concept que nous allons partager. Nous nous laissons guider par notre imagination et nous essayons de pousser ce que nous avons en tête. À la fin, je suis content quand la vidéo retranscrit ce que j’avais imaginé ». Et la recette fonctionne plutôt bien puisque ses vidéos cumulent plusieurs millions de vues sur YouTube et les réseaux sociaux. Un succès auquel ne s’attendait pas forcément Kilian Bron : « J’osais l’espérer. Même si ce n’était pas la priorité, ça reste l’une de mes motivations, explique-t-il. Aujourd’hui, la vidéo est le moyen le plus facile de partager ce qu’on vit. Ça ne remplacera jamais le fait de vivre l’instant présent mais disons que si on le fait comme on l’imagine, que ça reste naturel, personnel et que les gens arrivent un peu à s’évader avec nous en regardant ces vidéos, je me dis qu’on est arrivé à ce que l’on avait imaginé ».

Une invitation au voyage et à la découverte

Sa prochaine expédition devrait le mener en Italie, dans les Dolomites. Un terrain que le rider français connaît bien puisqu’il s’y était déjà aventuré il y a quelques années : « C’est une région que j’adore et c’est un type de terrain qui colle à ma signature du vélo, plutôt alpin. Des sentiers où on ne pose pas forcément ses roues et son vélo au premier abord ». Sur les cimes des Alpes italiennes, Kilian Bron défiera une nouvelle fois les lois de la gravité pour mettre en lumière la beauté des paysages et cette nature qu’il admire depuis tout petit. Car ces vidéos sont aussi, pour lui, un moyen de sensibiliser au respect de l’environnement. « On en revient à la raison pour laquelle j’ai choisi de faire du vélo au départ. En fait, je me suis servi de cet outil pour aller explorer la nature. C’est super important et je me refuse de faire quoi que ce soit, si je sais que j’ai un impact négatif sur l’endroit où je vais, assure le sportif. Nous ne sommes pas là pour dégrader ou pour donner une image négative des endroits où nous allons. Au contraire. Nos projets sont aussi là pour faire rêver, pour s’évader et pour faire partager visuellement des choses ». Ne craint-il pas, alors, de donner envie à ses fans d’explorer ces contrées encore préservées du tourisme de masse ? « Je me laisse la liberté de communiquer sur les lieux précis. Je donne très rarement des explications détaillées sur les endroits où je vais », se défend Kilian Bron. La carte postale ne serait d’ailleurs pas toujours aussi belle qu’on peut l’imaginer : « J’ai été déçu par certains endroits sans que ce soit dû à moi. Mais de l’impact touristique que peuvent avoir certaines destinations. C’est quelque chose à laquelle on réfléchit, nous ne sommes pas complètement déconnectés. Mais j’ai quand même envie à chaque fois de mettre l’accent sur le partage et de me dire que la plupart des gens n’auront peut-être jamais la chance d’aller là-bas. Et on leur fait partager ça à notre sauce ».