vendredi 26 avril 2024
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Eric Elena : « Une Roca team girl serait extraordinaire »

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Le Monaco Basket Association (MBA), un club de basket féminin créé par Eric Elena il y a dix ans, poursuit son ascension. Après cinq matches, l’équipe fanion est première et ambitionne la montée en Ligue 2, synonyme de passage chez les professionnels. De quoi regarder le passé avec fierté, et l’avenir avec espoir. Entretien avec le président du MBA, Eric Elena.

Le club fête ses dix ans d’existence en novembre : le bilan est plutôt satisfaisant après seulement dix ans, non ?

J’admets qu’on n’imaginait pas avoir une équipe en Nationale 1 (N1, 3ème division) et une en Nationale 3 (N3) au bout de dix ans. Dès le début, l’objectif était de monter. Mais là, on a fait un parcours… C’est vrai qu’on est monté très, très vite. Notamment grâce à deux coaches, Babeth Aranda qui était là sur les trois premières années, puis Olga Tarasenko [ancienne coach du Cavigal Nice en première division — N.D.L.R.] qui nous a vraiment donné un coup de “boost”. C’est vraiment une plus-value. Aujourd’hui, même si le match de Cavigal nous a fait peur [courte victoire le 23 octobre 2019 — N.D.L.R.], on veut vraiment monter en Ligue 2 (2ème division, professionnelle).

En montant, de sérieuses questions budget se posent ?

Bien sûr. Et même en Nationale 1 !

Comment vous pourriez résoudre ça ?

Aujourd’hui, on a plusieurs pistes. La plus chaude, ce serait d’arriver à intégrer la Roca Team. Quelqu’un de haut placé à Monaco a dit : « Ce serait bien de faire une Roca team Girl ». Moi je pense que ça serait extraordinaire.

Si vous montez, il y aura donc fusion avec l’AS Monaco ?

La Roca team c’est l’ASM, sans être l’ASM. C’est seulement le pôle professionnel. C’est une entreprise. Ce serait bien qu’on rentre dedans, avec certaines conditions bien sûr. On ne va pas partir tête baissée. Il y a déjà eu deux-trois réunions. Les idées sont là. Et surtout comme j’ai dit à Oleksiy Yefimov [le manager général de la Roca team N.D.L.R.], on a la même passion. Que ce soit eux ou nous, nos résultats sont le fruit du travail. On n’est pas nombreux, mais autour de moi, ça bosse énormément. On est tous passionnés. Parfois, on se trompe. Mais on reste soudés.

Si vous montez chez les professionnelles, y a-t-il une obligation de pôle de formation ?

C’est un peu moins contraignant que les garçons. Mais il faut un centre d’entraînement. On est en train d’essayer de se projeter. Je ne veux pas qu’on arrive au mois d’avril 2020, si on monte en Ligue 2, et qu’on se dise : « Maintenant qu’est-ce qu’on fait ? ». On est en train de voir comment on peut se préparer au mieux. On va avoir des problèmes d’infrastructures. J’ai lancé un appel au président du Cavigal Nice l’an passé pour voir si on peut travailler ensemble. Nous allons avoir quelques aménagements à faire, comme mettre un parquet. On l’a déjà bien faite évoluer cette salle…

Vous n’allez pas jouer au stade Louis II si vous montez ?

Ce n’est pas évident. Notre salle est homologuée [salle du collège Charles-III, l’Annonciade — N.D.L.R.] pour jouer en Ligue 2. Ce qui est bien, c’est qu’elle fait 300 places cette salle. A Monaco, voilà… Mercredi, il y avait le derby. Avec les vacances, les intempéries, et le match de coupe d’Europe des garçons, il n’y avait que 100 personnes. Mais c’est régulièrement archi-plein.

Comment vous financez le club ?

On a une subvention de la principauté qui a été très bien augmentée cette année. On a des partenaires, dont un qui nous suit depuis le début, l’entreprise Phytoquant. Il est monté à Bercy quand on a joué la finale du trophée Coupe de France [victoire en 2017 — N.D.L.R.]. Là, il m’a dit : « Je n’ai rien compris, mais qu’est-ce que je me suis amusé ! ». J’ai la chance d’avoir ma femme qui a une entreprise partenaire, après le financement passe souvent sur nos deniers personnels aussi…

Ce sujet des subventions a été débattu lors d’une récente séance publique du Conseil national et certains élus ont pointé le fait que les petites associations sportives ne bénéficient pas d’un grand soutien, car l’argent va à des plus grosses structures : qu’en pensez-vous ?

Ils ont entièrement raison. J’ai été au Conseil national pendant cinq ans. Je n’ai pas réussi à faire bouger d’un chouïa le procédé. Ils sont dans un système qui était bien il y a quarante ans, dans un entre-soi. Ils te disent : « On te donne 100 000 si tu montes en Nationale 2. » Mais si tu redescends, on ne te les enlève pas. Ce qui fait que certaines associations ont des subventions énormes. Vous prenez l’ASM avec la fédération monégasque de basket (FMB), qui est la même chose, c’est blanc-bonnet, bonnet-blanc, c’est pratiquement 500 000 euros. Et l’ASM joue en N3, garçons et filles. Ils ont plus d’équipes que nous, mais ce sont des départementales, avec deux ou trois équipes en région. Nous, on a une équipe en N1, et l’an dernier on a touché une subvention de 95 000 euros. Quand vous voyez que rien que le budget déplacement, c’est presque 30 000 euros…

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« La Roca team c’est l’ASM, sans être l’ASM. C’est seulement le pôle professionnel. C’est une entreprise. Ce serait bien qu’on rentre dedans, avec certaines conditions bien sûr. On ne va pas partir tête baissée »

Vous arrivez à rémunérer un peu les joueuses ?

En N1, oui. Je suis monté à la fédération, il y a trois semaines : on est dans les clous. En fin d’année passée, on a approché une fille de la Tronche (Isère). Quand elle m’a dit ce qu’on lui proposait à La Glacerie (Manche), à savoir 3 000 euros avec un appartement… Bon, nous, on lui proposait 900 euros.

C’est ça, à peu près, le salaire moyen des joueuses, environ 1 000 euros par mois ?

Nous, la moins payée c’est 500 euros, et la mieux payée c’est 1 200 euros. Elles ont 4 entraînements par semaine, et les déplacements le week-end. Après, concernant l’argent, je n’aime pas trop que ça se sache. Elles ont des primes de matches, et des primes d’objectif. Cette année, la prime d’objectif est rentrée dans la subvention. Cinq cent euros si elles font les playoffs, c’est-à-dire les phases finales, 500 euros si elles sont championnes de France, 500 si elles gagnent la coupe de France. Il y a deux ans, ça m’a coûté 15 000 euros, du coup, quand on a fait le doublé. Mais c’était quand même important pour le club. Cette année, c’est la mairie qui paye, si on est champions de France.

Comment ça se passe pour monter ?

Il faut finir dans les deux premiers de notre poule. Ensuite, on fait un mini-championnat à quatre équipes, avec les deux autres équipes de l’autre poule. Les deux premiers à la fin montent en Ligue 2. C’est jouable.

En dix ans, avec un petit budget et une salle scolaire, vous êtes aux portes du monde professionnel : vous êtes un président heureux ?

Le plus beau compliment que j’ai eu, c’est par la secrétaire qui fait partie des fondateurs. Quand on est montés à Paris pour la finale de la coupe de France, elle m’a dit : « Tu te rends compte, il y a sept ans on s’entraînait sur un parking à Menton. Et aujourd’hui, on joue à Bercy, dans une salle de 15 000 places. On va s’arrêter où ? » Je lui ai dit : « Là-haut, on va aller chercher les étoiles ».

Quelle était la volonté de départ quand vous avez créé le club ?

Je ne viens pas du basket, je faisais du foot. Au début, je suivais mon gosse. Un jour, on est allés faire un tournoi à Roquette-sur-Var. Les gamins avaient tous des maillots dépareillés. Ils étaient rouge et blanc, mais tous différents. Les parents râlaient, mais c’est facile de râler. Je disais : « Pensez que les mecs, ce sont des bénévoles ! ». Un parent m’a dit : « Il va y avoir les élections dans quinze jours. Venez, on se présente ». Et je suis rentré comme ça. Là, je me suis aperçu qu’il y avait des clans, et pas de politique globale.

Ça, c’était à l’ASM ?

Oui. J’ai essayé de faire changer les choses. De monter des projets. Et puis, ça s’est mal passé. Un mois après des élections perdues, on s’est tous réunis, et une maman a dit : « Mais pourquoi on ne ferait pas un club ? ». Il suffisait d’une simple lettre. Un mois après, on avait l’autorisation, et les problèmes ont commencé [rires].

Pourquoi ?

On a engagé trois équipes, mais on nous a refusé des créneaux d’entraînement. Du coup, une équipe partageait un demi-terrain à l’Eveil de Nice. D’autres s’entraînaient sur un terrain extérieur, à Menton. On n’avait pas de salle. Du coup, on a fait tous les matches à l’extérieur. La première année, en faisant jouer mon réseau, des anciennes joueuses de haut niveau sont venues. On n’a pas perdu un match. Et surtout on est allés jusqu’en 16ème de finale du trophée Coupe de France. On a fait 48 heures de fête, et j’ai failli divorcer ! [rires]. L’histoire est partie de là. Puis, on est monté, année après année jusqu’en N1.

Votre équipe fanion fonctionne bien, mais vous faites aussi de la formation ?

On a des équipes engagées dans chaque catégorie. On commence même à 4 ans et demi avec le MBA School.

Vous n’avez qu’une équipe garçon : vous allez vous ouvrir un peu plus, ou vous voulez rester un club féminin ?

Non, on va rester un club féminin. Cette équipe garçon était là depuis le début. Ils s’autogèrent, ils s’investissent dans le club. Ils connaissent la situation.

L’ASM vous fait-elle toujours du pied pour une fusion ?

Surtout des coups de pied [rires]. A l’initiative du ministre d’Etat et du ministre de l’intérieur aussi, on avait commencé des négociations. Eux, ce qu’ils voulaient, c’était récupérer nos filles, mais aucun de nos dirigeants, et surtout pas moi. Ils me l’ont même écrit. « Nous ne voulons pas travailler avec M. Elena. » Il y a eu trois réunions, ça n’a abouti à rien. Le ministre de l’intérieur était très déçu, et il a sanctionné les deux clubs financièrement. On a perdu 10 000 euros de notre subvention. Moi, j’ai fait des propositions.

Vraiment ?

J’étais prêt à lâcher beaucoup de choses, mais le blocage est venu d’en face. Certes, c’est une aberration d’avoir deux clubs sur 2 kilomètres carrés. Mais c’est aussi une aberration d’avoir des gens qui sont là depuis 30 ans et qui ne voient que leur intérêt. A un moment, il faut laisser la place aux jeunes. Dans deux ans après la fin de mon mandat, je laisserai ma place.

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« On ne veut pas dépenser pour dépenser. On fait marcher le club avec 230 000 euros. L’an dernier, on était l’avant dernier budget de N1 »

Quelle est la clé de l’attractivité du club : les résultats, le nom d’Olga Tarasenko, ou un écho médiatique ?

Non, je pense que c’est surtout l’ambiance. Les gens passent un bon moment. La salle, je l’appelle le Beaublanc monégasque [salle de Limoges réputée pour son ambiance — N.D.L.R.]. Tout le monde met la main à la pâte. Il y a une communion avec les joueuses. On mange, on boit un coup après le match. C’est chaleureux, c’est familial. Et puis, on y voit du bon basket.

Quelles sont les festivités prévues pour les dix ans du club ?

Ce sera le 14 décembre. On reçoit Villeurbanne. Le match est avancé d’une heure. A la mi-temps, il y aura le père Noël et j’ai prévu un petit cadeau pour tout le monde. On veut rester simple, mais il y aura de la musique, et une petite fête après.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite : un passage chez les professionnels et une alliance avec la Roca team ?

Si on rentre dans la Roca team, ce qui serait bien c’est que ça nous apporte une stabilité financière. L’an dernier à la même époque, il nous manquait 100 000 euros. Il a fallu se battre et sortir le chéquier pour pouvoir finir la saison.

Le fait d’avoir été élu de 2013 à 2018 au Conseil national ne vous a pas permis d’avoir des appuis ?

Honnêtement, je crois que cela m’a plus desservi qu’aidé. J’ai dénoncé des dysfonctionnements. Certaines associations ont tout et ne veulent même pas lâcher les miettes. Moi le sport, c’est ma passion. Alors, quand je vois ces injustices… L’avant dernière année, le ministre m’a dit : « J’arrête la séance, c’est moi qui décide, vous n’aurez rien. » J’ai dit : « Très bien, décidez. Mais assumez. On se retrouvera en séance publique. » Ils sont rentrés dans un truc : ça fait cinquante ans qu’on met ça là, et on ne se pose pas la question de savoir si ça ne serait pas mieux là.

Votre réaction ?

Il faut que chacun ait sa juste part. On ne veut pas dépenser pour dépenser. On fait marcher le club avec 230 000 euros. L’an dernier, on était l’avant dernier budget de N1.

A quoi mesurez-vous votre réussite, aujourd’hui ?

L’an dernier, on jouait le titre de champion départemental excellence, en U15 [moins de 15 ans — N.D.L.R.]. Ça n’a rien d’exceptionnel, mais c’est quand même un titre. Coïncidence, ce titre se jouait sur le dernier match, à Saint Barthélémy, à Nice. Le vainqueur du match était champion. Quand je suis arrivé à la salle, il y avait cinq-six joueuses de l’équipe première, il y avait des joueuses de l’équipe deux, il y avait Olga Tarasenko, etc. On était une trentaine du club. Quand tu vois des gens se lever un dimanche matin à 8 heures pour aller voir des U15, tu te dis : « On a réussi. »