vendredi 26 avril 2024
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Retour sur les rings pour Christ Esabe

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Après cinq mois d’interruption en raison du coronavirus, la pratique des sports de combat est de nouveau autorisée en France. Un soulagement pour les boxeurs qui s’estimaient laissés-pour-compte du déconfinement. A commencer par Christ Esabe, du Team Monaco Boxe.

À 19 ans, Christ Esabe a déjà connu les montagnes russes émotionnelles dans sa jeune carrière de boxeur. Après avoir marqué l’histoire de sa discipline en devenant, en octobre 2019, le plus jeune champion de France professionnel, l’athlète membre de la Team Monaco Boxe a été stoppé en plein élan à cause de la crise sanitaire du coronavirus. Confiné pendant deux mois, Christ Esabe n’avait plus combattu sur un ring depuis le mois de décembre 2019 (1). Une éternité pour un jeune boxeur en plein développement.

Confinement actif

Crise du coronavirus oblige, Christ Esabe a été contraint, comme tous les boxeurs, de ranger ses gants au placard durant plusieurs mois. Mais, confiné chez ses parents aux Mureaux en banlieue parisienne, le jeune boxeur n’est pas resté inactif pour autant. « J’allais faire 30 minutes à une heure de footing. Et quand je rentrais, je faisais du “circuit training” [enchaînement de différents exercices – N.D.L.R.] et du renforcement musculaire », raconte l’athlète qui reconnaît avoir porté une attention particulière à sa ligne. « Vu que le rendement de l’entraînement n’était pas le même que quand on est à la salle avec des entraînements tous les jours, il fallait faire attention au niveau de la nourriture et essayer de ne pas prendre trop de poids ». À la différence d’autres sportifs, le poids plume (moins de 57 kg) n’avait, en revanche, pas de programme spécifique à suivre durant le confinement : « On essaie de faire attention à soi-même et on gère ça tout seul comme des grands garçons », confie tout sourire le natif des Mureaux. Pas de consignes particulières donc, mais un contact permanent avec Laurent Puons, le président de la Fédération monégasque de boxe. « On s’appelait régulièrement pour prendre des nouvelles, demander si tout se passait bien… ».

« Qui dit pas de combat, dit pas de revenus »

Outre ce soutien moral, la Team Monaco Boxe a aussi apporté à ses boxeurs une aide financière ô combien précieuse durant ces longs mois sans compétition. « En termes financier, ça a été un peu compliqué. Car qui dit pas de combat, dit pas de revenus », explique Christ Esabe. Avant d’ajouter avec lucidité : « Aujourd’hui, moi j’ai de la chance d’habiter encore chez mes parents. Mais si je n’habitais pas chez mes parents et si je ne faisais que de la boxe, avec la crise, je n’aurais pas pu subvenir aux besoins de ma famille, payer mes charges, mon appartement… Si on n’avait pas fait des économies, je pense que ça aurait été difficile ». Si la rémunération offerte par la fédération monégasque « ne leur permet pas de vivre » selon Laurent Puons, elle leur garantit tout de même un petit revenu mensuel « qu’aucun autre boxeur n’a ». « De quoi sortir un peu la tête de l’eau », estime Christ Esabe qui bénéficie en plus d’un contrat de sponsoring. La situation précaire des boxeurs en France a d’ailleurs été dénoncée par Souleymane Cissokho en juin 2020. Alors que de nombreuses disciplines avaient obtenu le feu vert des autorités pour organiser la reprise des entraînements et des compétitions, les sports de combat comme la boxe ou le judo restaient, eux, toujours interdits. Une situation incompréhensible pour les athlètes, comme Christ Esabe, qui s’estimaient laissés-pour-compte du déconfinement. « Je trouve qu’on est des oubliés. Il y a des sports de contact qui ont repris. Pourquoi pas nous ? Pourquoi, nous, on ne peut pas reprendre ? », s’interrogeait à l’époque le boxeur des Mureaux.

Christ Esabe © Photo Sportel

« Aujourd’hui, je me sens prêt. Je suis un passionné avant tout. Et remonter sur le ring, c’est ce que j’attends depuis le départ. Surtout après un long moment sans avoir remis les gants »  Christ Esabe. Boxeur du Team Monaco Boxe

La boxe de nouveau autorisée

Plongé dans une grande incertitude, Souleymane Cissokho avait donc décidé d’alerter les pouvoirs publics sur la situation inquiétante financièrement de sa discipline. Le médaillé de bronze aux Jeux olympiques (JO) de Rio en 2016 avait notamment milité pour la mise en place d’un statut de boxeur professionnel, qui n’existe pas aujourd’hui. « Je pense que c’est nécessaire. Cela nous ouvrirait beaucoup de portes », abonde Christ Esabe. L’appel de Cissokho a, semble-t-il, été entendu, puisque depuis le 11 juillet 2020, le gouvernement français a annoncé par le biais d’un décret publié au Journal officiel que la pratique des sports de combat était à nouveau autorisée « dans les territoires sortis de l’urgence sanitaire ». Seuls Mayotte et la Guyane, toujours en état d’urgence sanitaire, restent pour l’instant privés de sports de combat. Un soulagement pour le champion monégasque qui peut désormais se projeter sur ses futurs objectifs : remonter sur un ring et défendre son titre de champion de France.

Coup d’arrêt

Pour y parvenir, le boxeur du Team Monaco Boxe va devoir mettre les bouchées doubles car cette période de crise sanitaire a selon lui marqué un coup d’arrêt dans sa progression. « Ça nous ralentit dans notre lancée. Je pense avoir perdu du temps. Mais on ne peut rien y faire. Je subis la pandémie », regrette Christ Esabe, un brin résigné. Mais pas question de s’apitoyer sur son sort : « Aujourd’hui, je me sens prêt. Je suis un passionné avant tout. Et remonter sur le ring, c’est ce que j’attends depuis le départ. Surtout après un long moment sans avoir remis les gants ». Pas encore à 100 %, Christ Esabe estime qu’il lui faut encore un peu de temps avant de pouvoir livrer un combat en dix rounds. Mais la perspective de pouvoir enfin remonter sur un ring et mettre les gants se rapproche. Où et quand ? Pour le moment, impossible de le savoir précisément mais le plus jeune champion de France de boxe professionnelle peut compter sur son président, Laurent Puons. « Si demain l’activité des boxes reprend, ils savent que moi je vais m’organiser pour les faire boxer. Ou je vais être là pour payer un combat pour qu’il boxe dans une autre réunion », nous confiait au début du mois de juillet 2020 le directeur général du Team Monaco Boxe. Verra-t-on le jeune boxeur au Fairmont Monte-Carlo, comme l’année dernière, lors des championnats de France ? « On est en discussion », avoue Laurent Puons qui ne souhaite pas non plus précipiter le retour à la compétition de son champion après plusieurs mois d’arrêt. « Je vais voir comment ça se passe. Parce que les boxeurs pendant des mois, ils n’ont pas mis les gants. Même s’ils se sont entraînés, ils ont fait du sac, de la corde… il faut une préparation. Si on organise quelque chose, ce sera un combat de rentrée. Ce ne sera pas des titres comme on l’a fait l’an dernier, car c’est impossible. On ne peut pas faire remonter sur le ring pour un titre en dix rounds des boxeurs qui sont restés pratiquement six mois, voire plus, sans boxer. Il faut y aller “step by step” [pas à pas — N.D.L.R.], remettre le pied à l’étrier », prévient le promoteur du Team Monaco Boxe.

© Photo Sportel

« On ne peut pas faire remonter sur le ring pour un titre en dix rounds des boxeurs qui sont restés pratiquement six mois, voire plus sans boxer. Il faut y aller step by step » Laurent Puons. Président de la Fédération monégasque de boxe

Des Mureaux à Monaco

En attendant de pouvoir remontrer sur les rings pour combattre, Christ Esabe continue sa préparation en banlieue parisienne avec les frères Hallab, ses coaches depuis ses débuts de boxeur. Ces derniers sont bien connus dans le milieu de la boxe puisqu’ils sont à la tête de l’un des meilleurs clubs de France : Bam L’Héritage. L’institution muriautine a vu passer sur ses rings de nombreuses pépites, parmi lesquelles Tony Yoka, Jean-Paul Mendy, Elie Konki et donc Christ Esabe qui se voyait pourtant plutôt footballeur que boxeur : « À la base, je faisais du foot avec mon grand-frère, qui lui aussi est champion de boxe. Un jour, il a voulu me faire essayer la boxe. Je l’ai suivi, j’ai accroché et depuis, je n’ai jamais arrêté ». Dans l’usine à champions des Mureaux, le jeune Esabe a grandi très vite et enchaîné les titres. Champion de France cadet, junior et senior en amateur, le poids plume originaire des Yvelines décroche en octobre 2019 un autre titre national, mais cette fois au niveau professionnel à seulement 19 ans. Une première ceinture acquise en principauté sous les couleurs du Team Monaco Boxe. Repéré par Laurent Puons lors d’un combat à Agde, le jeune prodige a en effet décidé de défendre les couleurs de la principauté. Un choix qu’il assume complètement : « Défendre les couleurs de Monaco, c’est un privilège. Le feeling est bien passé avec Laurent Puons et j’avais aussi un membre de mon club qui avait déjà signé avec eux. Ça se passe plutôt bien donc pourquoi pas se lancer dans une aventure avec eux ».

Rêve olympique

Pas question toutefois de quitter son cocon familial des Mureaux pour venir s’installer en principauté. Christ Esabe poursuit sa progression avec les frères Hallab dans son club de toujours : « J’ai préféré garder mes coaches. C’est comme ça que je veux travailler. Je veux travailler avec mes coaches qui me suivent depuis tout petit », insiste le boxeur. Avant de poursuivre : « Vu la situation, je préfère rester dans ma ville à côté de ma famille. Et vu que les combats ne sont pas forcément à Monaco, c’est d’autant plus avantageux de travailler avec mes entraîneurs, dans ma ville ». Le club des Mureaux est, selon lui, le meilleur endroit pour continuer à progresser et espérer un jour participer aux Jeux olympiques (JO). Un rêve que Christ Esabe garde bien dans un coin de sa tête. Avec la France ou Monaco ? « Je ne sais pas », répond le jeune prodige, qui pourrait bien marcher dans les traces de Tony Yoka, également passé par les Mureaux et sacré champion olympique des super-lourds lors des JO de Rio en 2016.

1) Jeudi 30 juillet 2020, Christ Esabe a disputé un combat amical contre Carlos Cossio. La rencontre avait lieu au cirque Bormann, à Paris, pour le premier gala de boxe post-confinement baptisé « Le monde d’après ». Le boxeur du Team Monaco Boxe a remporté son combat aux points, à la décision unanime des juges.

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