Edito n°1236 : Suspens

Dimanche 10 avril 2022, c’est le premier tour de l’élection présidentielle française. Il sera suivi d’un second tour, le 24 avril 2022. Dans la soirée du 24 avril, on saura donc qui dirigera la France pour les cinq années à venir. En principauté, d’après les chiffres communiqués par l’ambassade de France à Monaco, 5 231 Français étaient inscrits pour ce scrutin. C’est 615 personnes de plus par rapport à l’élection présidentielle de 2017, qui avait vu Emmanuel Macron s’imposer devant Marine Le Pen. À Monaco, la candidate du Rassemblement National (RN) avait alors récolté 40,54 % des suffrages, contre 59,46 % pour son rival de La République en marche (LRM). Depuis des semaines, les 12 candidats en lice pour cette présidentielle française s’affrontent, et alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 5 avril 2022, l’incertitude prédominait. Si Emmanuel Macron faisait figure de favori, Marine Le Pen était parvenue à refaire une partie de son retard dans les sondages. Dans l’hypothèse d’une présence au second tour, les instituts la créditait d’un score compris entre 45 % et 47 %, ce qui est un record. En effet, lors de la précédente élection présidentielle, en 2017, elle était donnée avec dix points de moins. Mais attention aux sondages. Comme nous l’explique le statisticien et universitaire Michel Lejeune dans le dossier spécial que nous consacrons cette semaine à l’élection présidentielle française, certains sont parfois à prendre avec des pincettes. Dans l’interview qu’il a accordé à Monaco Hebdo, cet expert estime que, depuis des années, nous sommes confrontés à une spirale de sondages “low cost”, réalisés trop hâtivement. Cela débouche sur trop de biais, qui peuvent se traduire par des résultats qui ne reflètent pas la réalité. Voilà pourquoi Michel Lejeune milite pour que l’on sorte de la publication frénétique, et quasi-quotidienne, de sondages électoraux, pour laisser le temps nécessaire aux sondeurs de travailler correctement, et surtout, selon des méthodes scientifiques. Mais la grande inconnue de cette élection présidentielle, c’est l’abstention. Elle pourrait pénaliser les candidats, et notamment le RN, qui devra aussi composer avec le niveau de force du front républicain. Et il faudra accepter de ne pas connaître le réel niveau de l’abstention. « On ne sait pas du tout estimer l’abstention. Parce que les gens qui sont actuellement présents dans les échantillons utilisés par les sondeurs sont plus intéressés par la politique que la moyenne de la population. Du coup, quand on leur demande s’ils vont aller voter, 95 % répond « oui ». Donc, des estimations sont faites au jugé. Parfois, cela peut se révéler juste. Mais, scientifiquement, il n’y a aucune garantie d’obtenir des chiffres proches de la réalité », estime Michel Lejeune. Le suspens devrait donc être préservé jusqu’au 24 avril au soir.