Patrice Cellario : « Il est important que cette pratique soit encadrée »

Alors qu’en France les accidents et les incivilités liés aux

trottinettes électriques se multiplient depuis leur apparition

en masse en juin  2018, la principauté s’interroge. Comment encadrer ces nouveaux usages ? Le conseiller-ministre pour l’intérieur, Patrice Cellario, a répondu aux questions de Monaco Hebdo.

Que dit la loi concernant l’usage de trottinettes électriques à Monaco ?

Actuellement, la circulation des trottinettes est interdite sur la route et sur les trottoirs. Une réflexion est en cours pour évaluer si elles pourraient être autorisées sous certaines conditions et dans le respect du code de la route. Je suis dans l’attente des conclusions des études sur ce sujet qui correspond visiblement à une nouvelle pratique de mobilité, mais qui n’est pas anodin en termes de sécurité et d’encombrement de l’espace public. En effet, pour des raisons évidentes liées à la sécurité tant des utilisateurs que des piétons, il est important que cette pratique soit encadrée. L’Etat est le garant du partage des espaces piétons et la pratique de ces trottinettes électriques, pouvant atteindre des vitesses de plus de 30 km/h, peut s’avérer délicat voire dangereux, particulièrement si vous vous promenez avec vos enfants.

Sur quelles voies de circulation peut-on rouler actuellement ?

Un arrêté municipal du 20 avril 2006 limite la pratique du skate-board, rollers et « autres jeux comparables » sur le quai Albert Ier et sur la promenade supérieure du Larvotto. Les trottinettes assimilées aux « autres jeux comparables » sont donc autorisées à circuler uniquement sur ces deux espaces, mais pas les trottinettes électriques pour des raisons évidentes de sécurité sur des espaces où évoluent de nombreux enfants.

Y a-t-il un équipement particulier obligatoire à porter sous peine de poursuites ?

C’est l’un des points en cours de réflexion. Aujourd’hui le casque et autres éléments de protection paraissent indispensables, notamment pour les enfants et adolescents. Il s’agit aussi d’étudier ce qui pourrait être installé sur ces deux roues en termes de dispositifs de sécurité.

Votée en décembre 2018 par l’ensemble des pays de l’Union Européenne (UE), hormis le Royaume-Uni, la norme européenne « NF EN 17128 » fixe les règles de sécurité pour les engins motorisés de déplacement personnel et devrait entrer en vigueur en France début 2020 : un texte monégasque va-t-il aussi voir le jour sur ce même sujet ?

Cette norme s’applique en effet aux véhicules électriques personnels légers comme les trottinettes. Comme je l’ai dit précédemment, nous réfléchissons sur les éventuelles adaptations de notre réglementation.

La norme européenne pourrait limiter la vitesse maximale d’une trottinette à 25 kilomètres/heure et un “mode piéton”, utilisable dans les espaces très fréquentés, bloquerait la vitesse de la trottinette à 6 kilomètres/heure : faut-il créer une norme monégasque afin de limiter la vitesse des trottinettes à Monaco ?

Je ne pense pas qu’une norme “monégasque” doive être créée afin de limiter la vitesse des trottinettes électriques en principauté. Néanmoins, nous devons nous interroger sur les endroits où de tels engins peuvent circuler. Compte tenu de l’exiguïté du territoire, nous pourrions envisager, tout comme la France, la possibilité pour les trottinettes électriques pouvant atteindre une vitesse de 25 km/h d’emprunter les voies de circulation. Concernant le “mode piéton”, utilisable dans les espaces très fréquentés avec une vitesse bloquée à 6 km/h, nous pouvons émettre des doutes quant à son respect, au vu des incivilités que nous constatons parfois de la part des utilisateurs.

Pour éviter les défaillances techniques, la largeur des roues, la solidité, la réglementation concernant le repliage des trottinettes et la sécurité électrique doivent-ils être davantage encadrés en principauté ?

Une norme exclusivement monégasque sur le repliage des trottinettes ou la sécurité électrique n’aurait pas de sens. Les modèles vendus sur notre continent sont soumis à des normes, ou le seront début 2020.

Dans quelle mesure la trottinette électrique peut-elle aider à la mobilité douce, en principauté, dans un espace de 2 km2 ?

Je n’irais pas jusqu’à dire que la trottinette participe à la mobilité douce à Monaco, car notre ville n’est pas adaptée, avec une forte déclivité et des espaces publics, trottoirs et voies de circulation, contraints, même si, comme je l’ai dit précédemment, la circulation des trottinettes électriques pourrait être autorisée sur la chaussée. Je préciserais que, du fait de leur présence sur les voies de circulation, il faudra probablement qu’elles soient dotées d’équipements de sécurité.

Aujourd’hui, que risque-t-on en cas d’infractions ?

Bien qu’une amende de 37,50 euros puisse être infligée à ceux qui ne respecteraient pas les règles en la matière, l’objectif n’est pas de sanctionner systématiquement les utilisateurs de trottinettes électriques, mais plutôt de faire preuve de discernement, en fonction de la nature de l’infraction constatée et de sensibiliser à cette occasion lesdits utilisateurs.

Combien d’accidents ont été recensés ?

Du 1er janvier 2016 au 31 mai 2019, 7 chutes fortuites et 4 accidents corporels de la circulation légers ont été répertoriés par les services de police en principauté.

Au vu de la situation, envisagez-vous de durcir les contrôles ?

La situation actuelle ne mérite pas, pour l’heure, d’ajustements en la matière.

Les trottinettes électriques sont-elles adaptées aux enjeux de la mobilité moderne à Monaco ?

Les enjeux de mobilité portent plus sur l’accessibilité à la Principauté, par la route, le rail, le bus, et la mer que sur l’usage de la trottinette électrique. Concernant la mobilité interne, ils tiennent au développement du réseau de la compagnie des autobus de Monaco (CAM) et du système de vélos électriques en libre-service, de la “smart city mobility” avec des abris-voyageurs connectés, une application multimodale pour mieux se déplacer, des liaisons mécanisées facilitant les déplacements à pied…

L’Etat pourrait-il proposer des trottinettes électriques en libre-service ?

Je ne crois pas que ce service soit adapté à la principauté, avec des trottinettes électriques que l’on retrouverait un peu partout sur les trottoirs. Par ailleurs, nous avons développé en juillet 2019 le service de vélos à assistance électrique, avec 35 stations et 290 vélos, qui va permettre à la fois aux abonnés mais aussi à des utilisateurs occasionnels d’utiliser ce mode de déplacement. Enfin, nous avons également le service d’autopartage Mobee.

Seriez-vous favorable à ce que des opérateurs privés proposent des trottinettes à la location ?

Ce n’est pas dans nos intentions d’ouvrir le marché à des opérateurs privés.

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