vendredi 19 avril 2024
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Or responsable : « Le secteur privé a un rôle à jouer »

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L’ONG américaine Pact World agit sur le terrain, dans plus de 30 pays, notamment en Mauritanie avec Aurum Monaco, pour aider les petits orpailleurs à passer à des techniques d’extraction plus éthiques. Daniel Stapper, manager de la branche “Mines to Markets” de Pact World, raconte son travail à Monaco Hebdo(1).

Que fait votre association Pact World ?

Pact est une organisation internationale à but non lucratif fondée en 1971, qui travaille sur le terrain de plus de trente pays. Notre approche intégrée fait la promotion d’attitudes responsables au quotidien, mais aussi de la bonne gouvernance, de la bonne gestion des ressources naturelles, et du renforcement des circuits-courts. Notre programme “Mines to Markets” (M2M) [de la mine jusqu’aux marchés- NDLR] aide à mieux rémunérer les acteurs de l’exploitation minière artisanale et de l’or à petite échelle [“Artisanal and Small-scale Mining” (ASM) en anglais — NDLR] dans leur travail quotidien à la mine.

À qui vous adressez-vous ?

Nous nous concentrons principalement sur les marchés, car nous sommes convaincus que le secteur privé — l’ensemble des acteurs qui composent la chaîne logistique — a un rôle à jouer dans la promotion du développement responsable et l’émergence de solutions innovantes, en collaboration avec le secteur de l’ASM. Les producteurs, autrement dit les mineurs, sont généralement les personnes qui sont les plus isolées sur l’ensemble de la chaîne logistique.

Quel est votre impact sur le développement du marché de l’or responsable ?

Pact travaille avec les mineurs du secteur ASM, des gouvernements, la société civile, mais aussi avec des partenaires privés, comme des exportateurs d’or, des raffineurs, et des sociétés d’exploitation minière à grande échelle. Une part importante de notre travail consiste à réduire la prise de risque inhérente au travail avec les mineurs des exploitations artisanales et de petite échelle.

C’est-à-dire ?

Nous facilitons la « due diligence » [diligence raisonnable, soit l’ensemble des vérifications réalisées avant une transaction, par un acheteur ou un investisseur — NDLR], ainsi qu’une meilleure traçabilité dans la chaîne logistique de l’or, pour nous assurer que les risques soient identifiés et atténués. En ce sens, nous suivons le guide de recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) [à ce sujet, lire notre article De l’or responsable : argument marketing ou vrai projet ?, publié dans ce dossier spécial — NDLR] et le “Conflict Minerals Régulation” de l’Union européenne (UE).

Dans quels pays intervenez-vous en ce moment ?

Pact mène actuellement plusieurs projets concrets en Afrique de l’Ouest, des projets qui incluent le Ghana, le Mali, la Sierre Leone, et la Mauritanie. Nous travaillons aussi en Afrique Centrale et en Amérique du Sud.

Travaillez-vous en collaboration étroite avec Monaco ?

Oui. Actuellement, Pact travaille avec Aurum Monaco, en partenariat avec Magma, sur un projet en Mauritanie, qui est financé par le European Partnership for Responsible Minerals (EPRM). Il s’agit d’un projet pilote en matière de business, qui tend à démontrer combien les partenaires peuvent contribuer à améliorer les conditions de travail liées à la production et la vente de minerai. Cela en développant les capacités de développement et de traçabilité de l’activité aurifère de la Mauritanie (2).

Comment le marché de l’or peut-il devenir plus responsable ?

En assurant des conditions de travail plus sûres. C’est l’un des besoins essentiels des exploitants à petite échelle et artisanaux. Cela vaut autant pour l’extraction minière sur site, que pour le processus de fabrication, qui n’est pas forcément réalisé sur site minier. En plus de cela, le commerce responsable, qui inclut les exportations légales, peut réellement contribuer à l’émergence d’un secteur à petite échelle, plus cadré.

« Les défis logistiques sont nombreux lorsqu’on travaille avec les exploitants de petite échelle. Mais le plus important d’entre eux consiste à gagner leur confiance »

Quels sont les freins qui l’en empêchent ?

Les gouvernements désirent généralement taxer la production et la vente d’or, mais, la plupart du temps, les taxes imposées par ces gouvernements tendent à freiner ou à inhiber les initiatives qui permettent une meilleure traçabilité du secteur ASM. Le défi consiste donc à adapter les politiques aux réalités actuelles de la production à petite échelle et à ses réseaux de vente. Parmi les nombreux défis auxquels font face les mineurs des ASM, il y a l’accès légal aux terres. La plupart des droits rattachés aux minerais dépendent de licences liées à de grandes sociétés internationales. Mais aussi l’accès à un financement formel, ainsi que la fixation de prix de marché plus équitables, vis-à-vis du travail réalisé. Les “downstream users”, autrement dit les acheteurs d’or incluant les raffineries d’or, ont l’opportunité d’aider les exploitants artisanaux et de petite échelle en construisant des partenariats à long terme avec eux. Des ONG comme Pact peuvent aider à encourager les mises en relation.

Comment convaincre les petits exploitants miniers de ne plus utiliser de mercure ?

Le mercure, en tant que métal lourd, offre des avantages certains aux mineurs ASM : il est particulièrement abordable et il offre des résultats rapides. Toute autre alternative d’extraction doit donc nécessairement se faire au bénéfice des mineurs, et des extracteurs de minerai, pour les convaincre de se tourner vers une technologie différente, et innovante.

À quels types de dangers sont confrontés généralement ces exploitants ?

Les dangers les plus importants auxquels sont confrontés les exploitants de petites structures sont généralement liés aux déficits de sécurité dans leurs conditions de travail. À cela s’ajoutent des problèmes d’imposition de taxes injustes, et informelles.

Quelles difficultés rencontrez-vous sur le terrain ?

Les défis logistiques sont nombreux lorsqu’on travaille avec les exploitants de petite échelle. Mais le plus important d’entre eux consiste à gagner leur confiance. Et le meilleur moyen d’y parvenir, c’est généralement de faire affaire avec eux.

Les consommateurs sont-ils sensibles à l’aspect responsable de la production d’or ?

Les acheteurs d’or, les amateurs de bijoux, et le marché de l’or en général, deviennent de plus en plus soucieux des questions de conditions de production et de traçabilité. Ils veulent pouvoir identifier leur or, jusqu’à la mine d’où il a été produit. C’est une bonne chose, car cela aide les consommateurs à se sentir à l’aise vis-à-vis de ce qu’ils achètent. Ils savent qu’ils n’ont pas contribué à un système dans lequel il manque de l’éthique et de la sécurité.

(1) Cette interview a été traduite de l’anglais.

(2) Pour plus d’informations sur le projet en question : https://europeanpartnership-responsibleminerals.eu/cms/view/22052670-7f31-4c59-ba11-41c84bf469ed/eprm-projects/fce937a2-83f9-4f27-98b8-85739cebfa01.