jeudi 25 avril 2024
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Culture Sélection de mars 2021

Publié le

Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et albums.

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Saint Maud

de Rose Glass

Pieuse. Amanda, une ancienne danseuse à la santé déclinante, fait appel à Maud, une infirmière à domicile très pieuse. Confrontée à la vie assez dissolue d’Amanda, Maud décide, dans un premier temps, de faire preuve de compréhension et de bienveillance. Mais alors que des événements très étranges surviennent, Maud commence à penser que le diable a pris possession du corps malade d’Amanda. C’est souvent le hors-champ qui effraie le plus dans le premier film de la Britannique Rose Glass. Aucun déluge numérique ici, juste quelques moments d’angoisse savamment, et intelligemment, distillés, de manière à créer un climat parfaitement horrifique. Le film se déroule du point de vue de Maud, ce qui induit un doute sur la véracité de ce qui nous est présenté. Jennifer Ehle et Morfyyd Clark offrent à Saint Maud une qualité d’interprétation de haute volée, permettant à ce film de résonner en nous, pour longtemps.

Saint Maud de Rose Glass, avec Morfydd Clark, Jennifer Ehle, Turlough Convery (USA, 2019, 1h23), 14,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray).

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Possessor

De Brandon Cronenberg

Identité. Fin janvier 2021, Possessor de Brandon Cronenberg a remporté le grand prix du festival du film fantastique de Gérardmer. C’est un succès mérité et la 28ème édition de ce festival ne s’y est pas trompé : Possessor est un film réussi, qui mixe réflexion et violence avec efficacité. L’excellente Andrea Riseborough incarne Tasya, une tueuse professionnelle qui fait partie de l’équipe de Girder (Jennifer Jason Leigh). Elle prend possession du corps d’autres personnes pour accomplir sa tâche. Tasya parvient à accomplir ses missions sans trop de problème, jusqu’au jour où elle ne parvient pas à sortir du corps de Colin (Christopher Abbott). Après Antiviral (2012), Possessor est le deuxième long-métrage de Brandon Cronenberg. Entre horreur et science-fiction, ce film s’interroge, en creux, sur les questions autour de l’identité et du genre.

Possessor de Brandon Cronenberg, avec Andrea Riseborough, Jennifer Jason Leigh, Christopher Abbott (CAN, 2021, 1h42), 16,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray).

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Soul

De Pete Docter et Kemp Powers

Âmes. Cette année, le « Pixar de Noël » a été diffusé sur Disney+ pour cause de pandémie de Covid-19. Comme dans le très bon Vice-Versa (Pete Docter, 2015), il est question d’un réjouissant univers allégorique. Joe Gardner, un professeur d’éducation musicale, qui incarne aussi le premier personnage noir dans une fiction Pixar, tombe dans une bouche d’égout. En transit, son âme attend son tour pour basculer dans l’au-delà. Mais il se révolte et glisse dans le « Grand Avant », le lieu où les âmes sont formées avant de rejoindre la Terre. Joe se fait alors passer pour un formateur, chargé de donner goûts et passions à chaque être. Il s’occupe de l’âme 22 qui n’affiche aucun intérêt pour la vie terrestre. Subtil, complexe et fin, Soul est un excellent Pixar, dont le seul défaut est de ne pas avoir pu bénéficier d’une sortie sur grand écran.

Soul de Pete Docter et Kemp Powers, avec les voix d’Omar Sy, Camille Cottin, Ramzy Bedia (USA, 2020, 1h40), 16,99 euros (DVD), 29,99 euros (Blu-ray, édition spéciale steelbook Fnac). Sortie le 9 avril 2021.

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Una Promessa

De Gianluca De Serio et Massimiliano De Serio

Champs. Dans le sud de l’Italie, Angela va travailler dans les champs, avec des travailleurs pour l’essentiel clandestins. Elle ne reviendra pas. Son mari Giuseppe décide alors de tout faire pour la retrouver et il en fait la promesse à son fils, Antò, 10 ans. Sur une trame simple, celle d’une disparition inspirée par un fait divers qui s’est déroulé en 2015, Gianluca De Serio et Massimiliano De Serio racontent par le détail une relation père-fils complexe. Devenu borgne suite à un accident, Giuseppe ne peut plus exercer son métier de casseur de pierres. Avec son fils, il doit aller travailler dans les mêmes champs qui ont vu Angela disparaître. Les frères De Serio misent sur un réalisme qui n’épargne rien, appuyé par la prestation convaincante de Salvatore Esposito, de la série Gomorra.

Una Promessa de Gianluca De Serio et Massimiliano De Serio, avec Salvatore Esposito, Samuele Carrino, Lica Lanera (ITA, 2020, 1h44), 16,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 21 avril 2021.

La Traversée. Une odyssée au cœur de l’Afrique

De Patrick de Saint-Exupéry

Génocide. Il était présent au Rwanda lors du génocide des Tutsi, entre avril et l’été 1994. Cette fois, le journaliste Patrick de Saint-Exupéry est parti au Congo, sur les traces de ceux qui ont participé à l’extermination des Tutsi. On se souvient que les articles de cet ex-grand reporter au Figaro et fondateur de la revue XXI, ont pesé, notamment lorsqu’il s’est agi d’examiner l’implication de l’État français comme appui politique et militaire du régime hutu, entre 1990 et 1994. Rien n’est simple, et il est difficile de comparer l’extermination de près de 800 000 Tutsi en trois mois et les assassinats dont ont été victimes des réfugiés hutu, en 1995 et 1996. Mais Patrick de Saint-Exupéry ne nie pas pour autant les crimes qui ont frappé les Hutu. Dans ce livre, il s’intéresse donc aux 200 000 Hutu qui ont rejoint le Congo. Et c’est passionnant.

La Traversée. Une odyssée au cœur de l’Afrique de Patrick de Saint-Exupéry (Les Arènes, « Reporters »), 336 pages, 22 euros.

Will

De Will Self

Héroïne. Indiscutablement, le romancier et journaliste anglo-américain Will Self ne laisse personne indifférent. Ses deux activités se complètent, l’une étant finalement nécessaire à l’autre. « Le journaliste a une audience ciblée, il sait à qui il parle. La fiction s’adresse à tout le monde, sans but précis. Chez moi, la fiction nourrit le journalisme et vice versa », expliquait Will Self à Télérama, en février 2015. Dans Will, il se raconte. Nous sommes dans les années quatre-vingt. Son modèle est William Burroughs (1914-1997). Will Self a une vingtaine d’années et il est toxicomane. Son addiction à l’héroïne lui coûte son poste de journaliste chez The Observer, alors qu’il suit la campagne de John Major, en 1997. Si aujourd’hui il se dit libéré de la drogue, Will Self décrit avec une précision clinique les périodes de manque et sa recherche perpétuelle et frénétique d’héroïne. Impressionnant.

Will de Will Self (éditions de l’Olivier), traduit de l’anglais par Francis Kerline, 320 pages, 22,50 euros.

Quand tu clubbais

de Crame

“Clubbing”. Privé de clubs depuis que la pandémie de Covid-19 a éclaté en mars 2020, le DJ et organisateur de soirées Crame [Arnaud Lassince — son vrai nom — NDLR], a décidé de raconter sa vision du “clubbing” des années 2010. En seulement 62 pages, joliment illustrées par Kavehrne, Crame détaille ce monde qu’il connaît si bien et la sociologie qui va avec. Organisateur de soirées ou DJ, Crame a occupé pendant de longues années une position d’observateur privilégiée. Il étudie à Sciences Po et n’a qu’une vingtaine d’années lorsqu’il imagine ses premières soirées, avec le collectif Mort aux jeunes. Puis, en 2011, avec trois amis il crée la House of Moda, une soirée qui va vite devenir incontournable, notamment auprès de la jeunesse LGBT. Alors que les clubs sont fermés depuis des mois sans qu’aucune date de réouverture ne fuite, il faut se plonger dans le livre de Crame. Pour ne pas oublier, et préparer le futur.

Quand tu clubbais de Crame, illustrations Kavehrne (Big Cartel), 62 pages, 12 euros. En vente sur https://kavehrne.bigcartel.com/product/quand-tu-clubbais-2.

Leonard Cohen sur un fil

de Philippe Girard

Brillante. Cette BD biographique consacrée à Leonard Cohen (1934-2016) ne tombe pas dans le piège de l’hagiographie. Le dessinateur québécois, Philippe Girard, prend ses distances, et décide volontairement de ne pas focaliser l’essentiel de sa BD sur les périodes les plus brillantes de la carrière de Leonard Cohen. Exit les moments de gloire, et bienvenue dans le monde des doutes qui accompagnent la carrière d’un artiste. Leonard Cohen sur un fil montre ainsi un homme qui n’était absolument pas programmé pour devenir une star planétaire. On côtoie également un Leonard Cohen victime de coups bas, comme la perte des droits de sa chanson Suzanne (1967), et le rôle pas toujours très clair d’agents qui rôdent autour de lui. Ce qui n’empêche pas cette BD brillante d’évoquer les rencontres de Leonard Cohen avec des personnalités marquantes, notamment avec Janis Joplin (1943-1970), Lou Reed (1942-2013), ou Phil Spector (1939-2021).

Leonard Cohen sur un fil de Philippe Girard (Casterman), 120 pages, 20 euros.

I Am the Eggman

de José Parrondo

Addictive. Un gros volume pour résumer plus de 300 planches diffusées sur les réseaux sociaux pendant l’année 2020, c’est ce que propose L’Association, pour nous permettre de plonger dans l’univers d’Eggman. José Parrondo assure la mise en scène de ce petit personnage en forme d’œuf, dans une série de vignettes toutes plus hilarantes les unes que les autres. L’ensemble est aussi minimaliste que possible, quasiment sans dialogues, et surfe avec efficacité sur un humour totalement absurde. I Am the Eggman se classe immédiatement dans la plus pure tradition du “strip”, avec seulement quatre cases en noir et blanc pour ménager une chute amusante ou interrogeante. On pense donc forcément aux Peanuts, doublé par un intéressant jeu avec les matières et la profondeur de champ. Addictive, cette BD mérite plusieurs lectures. Et on rit à chaque fois.

I Am the Eggman de José Parrondo, (L’Association), 304 pages, 18 euros.

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Monument Ordinaire

Mansfield.TYA

Mélancolie. Depuis Corpo Inferno (2015), on attendait impatiemment un nouvel album de Mansfield.TYA. Ce duo composé de la Nazairienne Rebeka Warrior [Julia Lanoë — son vrai nom — NDLR] et de la Nantaise Carla Pallone, est de retour et continue de nous séduire avec son Monument Ordinaire, pas si ordinaire que ça. En 12 titres, leur électro sombre et dansante emporte tout sur son passage, à commencer par Auf Wiedersehen et Tempête. À l’aise sur tous les terrains, Mansfield.TYA joue les hypnotiseurs, avec de jolies balades évanescente, comme Petite Italie. Ou encore avec Le parfum des vautours, un titre dans lequel ce duo lance des « Mon amour, mon ami(e), si je me souviens, quand tu es parti(e), j’étais en plein déclin, je voyais planer les vautours… ». La mélancolie n’est jamais loin. Fanxoa des Bérurier Noir et les rappeurs d’Odezenne sont au premier plan de certains morceaux, rendant ce disque aussi beau qu’indispensable.

Monument Ordinaire, Mansfield.TYA (Warriorecords), 11,99 euros (CD), 19,99 euros (vinyle).

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Carnage

Nick Cave et Warren Ellis

Surprise. La surprise du mois, c’est par ici. Même si Nick Cave l’avait annoncé au détour de sa newsletter, The Red Right Hand Files [disponible ici : www.theredhandfiles.com — NDLR], personne n’envisageait la sortie d’un nouveau disque. C’est pourtant ce que nous offrent Nick Cave et Warren Ellis, musicien et membre du groupe The Bad Seeds. Carnage est le premier album non instrumental de ce duo, sans le reste des Bad Seeds. Jusqu’ici Cave et Ellis avaient uniquement travaillé sur des bandes originales de films, comme The proposition (2005), L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (2007), ou La route (2009). En seulement huit titres, le Carnage est sublime. Marqué par le décès de son fils de 15 ans en juillet 2015, Nick Cave avait publié les très sombres Skeleton Tree (2016), puis Ghosteen (2019). Carnage reste dans la même veine. Superbes, Shattered Ground, Albuquerque et Balcony Man sont aussi tourmentés que profonds. Quant au titre Carnage, il offre 4’40 de beauté pure.

Carnage, Nick Cave et Warren Ellis (Goliath Records/Awal), 13,99 euros (CD), 25,99 euros (vinyle)

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Chemtrails over the Country Club

Lana del Rey

Déçus. Huitième album depuis l’éponyme Lana Del Rey A.K.A. Lizzy Grant (2010) pour la chanteuse et compositrice américaine, Lana Del Rey. Rock Candy Sweet, le neuvième, suivra en juin 2021. En attendant, on peut déguster les 11 morceaux de ce très beau Chemtrails over the Country Club, qui s’ouvre sur White Dress, un titre où Lana Del Rey joue parfaitement de sa voix, appuyée par un piano doux et aérien. On a aussi beaucoup aimé Tulsa Jesus Freak, lové dans un univers trip-hop cotonneux. Globalement peu présente dans ce disque, la figure de l’homme est délaissée au profit d’un vibrant Let Me Love You Like A Woman. D’ailleurs, les autres voix de cet album sont féminines, avec Zella Day et Weyes Blood sur For Free, et la chanteuse country Nikki Lane sur Breaking Up Slowly. Sombre et sensuelle sur Dark But Just A Game, Lana Del Rey chante et personnifie toujours aussi bien la mélancolie et les amours déçus.

Chemtrails over the Country Club, Lana Del Rey (Polydor/Universal), 15,99 euros (CD), 21,99 euros (vinyle).

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