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Culture Sélection d’avril 2021

Publié le

Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et albums.

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Here Alone

de Rob Blackhurst

“Survival”. Bien sûr, le scénario est ultra-classique : un mystérieux virus a ravagé la planète, transformant une partie de la population en zombies affamés et violents. Dans ce “survival”, présenté pour sa première sortie en 2016 au Tribeca Film Festival, mais qui n’arrive qu’en 2021 au format Blu-ray, on suit le mode de vie déployé par Ann (Lucy Walters) pour tenter de survivre. Peu à peu, par une série de retours en arrière, on comprend ce que sont devenus son mari, Jason (Shane West) et sa petite fille. Mais lorsque Ann rencontre un homme blessé, Chris (Adam David Thompson), et sa belle-fille adolescente, Olivia (Gina Piersanti), le doute subsiste : peut-elle vraiment leur faire confiance ? À l’économie, sans multiplier les effets, Rob Blackhurst parvient à maintenir une forte pression, dans un film à petit budget, mais néanmoins à haute tension.

Here Alone de Rob Blackhurst, avec Shane West, Lucy Walters, Adam David Thompson (USA, 2016, 1h29), 16,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray).

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L’Enfer sous terre

De J.P. Watts

Tunnel. Entre juillet et novembre 1916, en pleine guerre des tranchées, 20 000 soldats britanniques sont décimés lors de la bataille de la Somme. Dans un premier temps, sans solution, l’état-major britannique échafaude un plan ingénieux pour déstabiliser l’armée allemande : creuser un tunnel sous l’ennemi allemand, afin d’aller y installer une charge explosive suffisamment puissante pour changer le cours de ce terrible affrontement. Du coup, une équipe de démineurs est désignée pour accomplir cette périlleuse mission. Ils n’ont que quatre semaines pour réussir, et J. P. Watts nous plonge dans leur quotidien. Très académique, L’Enfer sous terre n’innove pas, mais reste plaisant, grâce, notamment, à des acteurs convaincants.

L’Enfer sous terre de J.P. Watts, avec Sam Hazeldine, Tom Goodman-Hill, Elliot James Langridge (USA, 2021, 1h28), 14,99 euros (DVD), 16,99 euros (Blu-ray).

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The Night

de Kourosh Ahari

Normandie. Après un dîner très arrosé chez des amis, un couple avec un bébé est victime d’une panne de GPS. Du coup, ils finissent par s’égarer. Harassés de fatigue, ils décident de passer la nuit dans le premier refuge qu’ils trouvent. Ce sera à l’hôtel Normandie, et la nuit ne sera pas de tout repos. Le réalisateur irano-américain Kourosh Ahari connaît ses classiques, et notamment Shining (1980) de Stanley Kubrick. Il confronte Babak (Shahad Hosseini, Une Separation, 2011) et Neda (Niousha Noor, vue dans la série Here and Now en 2018) à leurs propres démons. Les possesseurs de home cinéma profiteront de l’immersion sonore imaginée en 5.1 par Kourosh Ahari pour faire sursauter. À noter la bonne performance de George Maguire, récemment vu dans l’excellente série 13 Reasons Why (2017), aussi inquiétant que possible dans le rôle du réceptionniste pas net.

The Night de Kourosh Ahari, avec Shahab Hosseini, George Maguire, Gia Mora (USA, 2021, 1h45), 14,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 20 mai 2021.

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Incitement

De Yaron Zilberman

Complexité. Yaron Zilberman filme Yigal Amir, le meurtrier du premier ministre israélien Yitzhak Rabin (1922-1995) pendant l’année qui a précédé cet assassinat, qui s’est déroulé le 4 novembre 1995. Le sujet est sensible, ce qui n’a pas empêché ce réalisateur de chercher à comprendre, et à mettre à jour, les mécanismes qui transforment un homme en assassin. Yigal Amir, un juif religieux extrémiste condamné à perpétuité, est montré sous un jour très humain. Incitement pointe un déclencheur : celui de l’incitation à la violence, tout en lorgnant vers certains politiques d’aujourd’hui, dont le premier ministre Benyamin Nétanyahou, coupables, selon Zilberman, d’avoir instauré un climat de violence, susceptible d’avoir participé à la radicalisation de Yigal Amir. Le film n’écarte pas sa responsabilité individuelle pour autant, rendant ainsi à ce personnage toute sa complexité.

Incitement, de Yaron Zilberman, avec Yehuda Nahari, Amitay Yaish Benuosilio, Anat Ravnizky, (ISR, 2019, 2h03), 19,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 20 mai 2021.

Le Silence

de Don DeLillo

Panne. Né le 20 novembre 1936, le romancier américain Don DeLillo n’a pas fini de nous surprendre. À 84 ans, il publie Le Silence, un livre qui s’interroge sur notre société, coincée entre nouvelles technologies et solitude. Il y a 50 ans sortait son premier roman, Americana (1971). Malgré les décennies qui passent, Don DeLillo n’a rien perdu de sa force d’écriture. Dans Le Silence, son 17ème roman qu’il a écrit avant la crise sanitaire liée au Covid-19, il pose une question simple : que se passerait-il si tous nos objets connectés tombaient simultanément en panne ? Don DeLillo raconte alors la réaction de cinq personnages, suite à cette perte de pouvoir. Des êtres habituellement ultra-connectés qui sont aussi, et surtout, extrêmement seuls.

Le Silence, de Don DeLillo (Actes Sud), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sabrina Duncan, 112 pages, 11,50 euros.

Le courage de la nuance

de Jean Birnbaum

Manichéens. Le livre du journaliste Jean Birnbaum est salutaire. Alors que les réseaux sociaux et les chaînes d’informations en continu offrent parfois de belles tribunes aux invectives les plus dures, le directeur du Monde des livres depuis 2011 signe un essai dans lequel il dénonce la « polarisation idéologique » qui « annule d’emblée la possibilité d’une position plus nuancée ». Les arguments sont toujours plus manichéens, toujours plus simplistes, et toujours plus radicaux. Il faut donc rejoindre un camp, et résister, coûte que coûte à celles et ceux qui pensent autrement, quitte à se limiter à une argumentation à courte vue. Pour étayer son propos, Jean Birnbaum évoque des intellectuels qui ont évité cet écueil, notamment Georges Bernanos (1888-1948), George Orwell (1903-1950), Raymond Aron (1905-1983), Hannah Arendt (1906-1975), Germaine Tillion (1907-2008) Albert Camus (1913-1960), ou encore Roland Barthes (1915-1980).

Le courage de la nuance, de Jean Birnbaum (Seuil), 144 pages, 14 euros.

Un Roumain à Paris

de Dumitru Tsepeneag

Dissident. Le romancier Dumitru Tsepeneag a été déchu de sa nationalité par le dictateur communiste Nicolae Ceausescu (1918-1989), et contraint à un exil qui l’a conduit à se réfugier en France. Pour la première fois, il publie en langue française une large partie de son journal. Il évoque notamment ses premiers contacts avec Paris, entre 1970 et 1973, mais aussi un voyage aux Etats-Unis en 1974, et des notes qui remontent à la période 1977-1978. Il évoque son affrontement avec les autorités roumaines. Un affrontement artistique dans un premier temps, avant de devenir politique, qui se soldera par donc le retrait de sa nationalité roumaine en 1975. Considéré comme l’un des fers de lance, parmi les jeunes écrivains roumains, du courant « onirique », Tsepeneag raconte, dans Un Roumain à Paris, cette période clé, à travers son point de vue de dissident.

Un Roumain à Paris, de Dumitru Tsepeneag, traduit du roumain par Virgil Tanase, (P.O.L), 640 pages, 25,90 euros, 19 (format numérique).

La voie de Calliopée

d’Alexandre de Moté & Paul Burckel

Idole. Avec La voie de Calliopée, Alexandre de Moté & Paul Burckel signent une BD à la fois horriblement drôle et riche en réflexions diverses et variées. Agaric est un jeune sculpteur très déçu. En effet, l’immense idole qu’il vient de terminer a écrasé son assistant et pas lui. Cela prouve donc que les dieux ne veulent pas encore de lui. En parallèle, son roi lui ordonne de sculpter une idole de pierre… capable de flotter sur l’eau. Pour l’encourager à réussir l’impossible, le roi offre à Agaric cinq assistants, et surtout, Calliopée, qui devient son épouse. Entre guerre de pouvoir et émancipation des femmes, cette BD est aussi portée par une réflexion sur le monde de l’art, et même, du travail.

La voie de Calliopée d’Alexandre de Moté & Paul Burckel (6 Pieds Sous Terre, collection Plantigrade), 120 pages, 18 euros.

Moi, menteur

d’Antonio, Altarriba & Keko

“Storytelling”. Le polar imaginé par le scénariste Antonio Altarriba ne fait pas de quartier. Dans cette BD féroce qui se déroule en Espagne, on suit Adrián Cuadrado, le conseiller en communication du Parti Démocratique Populaire. Sa vie est consacrée à inventer et à mentir, bref à créer du “storytelling”. La vérité s’efface derrière ses mensonges. Tout est bon pour remettre au goût du jour la formation politique très conservatrice dont il défend les couleurs. La vie privée d’Adrián Cuadrado est, elle aussi, hantée par le mensonge. Pas à l’aise dans sa vie de famille, il a une maîtresse. Jusqu’au jour où la découverte de trois têtes de conseillers municipaux coupées, et stockées dans des bonbonnes en cristal, vient changer la donne. Après Moi, assassin (2014) et Moi, fou (2018), le scénariste Antonio Altarriba clôt brillamment sa « trilogie du Moi », avec ce récit aussi froid que passionnant.

Moi, menteur, d’Antonio Altarriba & Keko (Denoël Graphic), traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco, 168 pages, 21,90 euros.

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Sortilèges

Potochkine

Mystique. Potochkine nous lance ses Sortilèges, et on est très vite ensorcelé par l’écoute de ce troisième album. En mai 2019, nous avions déjà été séduits par le précédent disque, Mythes, qui succédait brillamment à un premier album éponyme sorti en 2018. Composé de Polly Paulette et de Hugo Ernst Smp, ce duo originaire du Var, a publié un énergique premier single, Pogo, assez vite suivi d’un second titre quasi-mystique, Possédée. La voix aussi hypnotique qu’obsédante de Polly Paulette, épaulée par un sens du rythme imparable, font merveille. Sur Eros, on retrouve une impeccable contribution du metteur en scène Ferdinand Barbet. En 2019, l’album Mythes avait d’ailleurs servi de bande son pour trois pièces de théâtre signées Barbet, et présentées à la Comédie de Reims : Les Bacchantes, Narcisse et Salopards. Ces Sortilèges sont parfaitement délicieux.

Sortilèges, Potochkine (Potochkine), 7 euros (sur les plateformes numériques, dont Bancamp : https://potochkine.bandcamp.com), 10 euros (CD), 10 euros (cassette, édition limitée et album numérique).

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Rone and Friends

Rone

Elégante. Rone est décidément en pleine forme. Après Room With a View sorti en mars 2020 et un César récolté pour la bande originale du film La Nuit Venue (2019) de Frédéric Farrucci, Erwan Castex, dit Rone, est déjà de retour, avec un disque de copains. En effet, dans son Rone & Friends, on retrouve Melissa Laveaux, Camélia Jordana, Yael Naim, Flavien Berger, le groupe Odézenne, ou encore Dominique A. Pour conjurer cette période de crise sanitaire, Rone a investi en mars 2021 un théâtre du Châtelet vidé de son public pour un enregistrement réalisé en compagnie de seize de ses compagnons d’album [cette performance a été capturée par les équipes d’Arte et elle est visible ici : https://www.arte.tv/fr/arte-concert/]. Magique, cette captation permet de recréer l’ambiance unique de ce disque d’une douce beauté, portée par l’électro de Rone, toujours aussi élégante. La performance de Yael Naim sur Breathe In est à couper le souffle.

Rone and Friends, Rone (InFiné), 19,99 euros (vinyle recyclé), 13,99 euros (CD).

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Menneskekollektivet

Lost Girls

Libre. Le duo composé des Norvégiennes Jenny Hval et Håvard Volden livre son premier album, et c’est sans doute la meilleure nouvelle du moment. Bien loin de ses débuts avec le groupe de métal gothique Shellyz Raven à la fin des années 1990, Jenny Hval reste un passionnant électron libre. Entre projets personnels et collectifs, que ce soit avec Rockettothesky ou Nude on Sand, sa trajectoire est aussi riche que créative. Son association avec Håvard Volden débouche sur un disque libre, qui ne craint pas les plus de 12 minutes de Menneskekollektivet qui ouvre cet album en grande pompe. Dans la foulée, Losing Something, un titre plus aérien et doux, est enchaîné avec le très dansant et sensuel Carried by Invisible Bodies. Au final, Menneskekollektivet est une invitation à lâcher prise, et à tout simplement fermer les yeux pour se laisser aller au son de la dance proposée par ce talentueux duo.

Menneskekollektivet, Lost Girls (Rough Trade / Smalltown Supersound), 23 euros (vinyle).

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