vendredi 29 mars 2024
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Thierry Poyet : « Il y a toujours quelques grincheux… »

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Thierry Poyet, le président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses (Cisad), espère présenter deux textes lors de la session d’automne : l’art dentaire et le second volet sur le handicap. Interview.

 

Où en sont les textes étudiés par votre commission ?

Lors de la dernière session de printemps, la CISAD a présenté deux textes : le télétravail et la vente en ligne de médicaments pour les pharmaciens. À la session d’automne, je fais mon possible pour que la commission présente une nouvelle fois deux textes : l’art dentaire et le second volet sur le handicap, avec l’accessibilité. Nous avons aussi débuté le travail sur le projet de loi concernant la réforme de la médecine du travail, ainsi que sur une proposition de loi concernant le travail de nuit.

Comment se déroulent vos travaux ?

Je tiens à souligner l’assiduité de mes collègues. Je suis très content de cette forte mobilisation des élus pour les réunions de la commission. Les élus sont motivés et impliqués, les permanents travaillent beaucoup et tout se passe à présent de façon positive.

Tout n’est sans doute pas idyllique ?

Il y a certes toujours quelques grincheux ou absents permanents, mais cela n’a que très peu d’importance. La nouvelle majorité et la minorité issues des urnes travaillent au service du pays, au dessus des trajectoires personnelles et des esprits de clan.

Que prévoit le texte sur l’art dentaire ?

Ce texte définit l’ordre des dentistes, car cette profession dépend à ce jour de l’ordre des médecins. Ce texte définit donc les règles pour devenir dentiste, et tout ce qui touche à la discipline ou les modalités pratiques pour la gestion d’un cabinet. Ce texte affirme aussi la priorité nationale donnée à cette profession, avec un accès privilégié pour avoir un cabinet dentaire aux nationaux. Nous venons de transmettre les propositions d’amendements de la commission au gouvernement. Nous attendons leurs commentaires avant de préparer le rapport. Nous espérons que cela sera rapide.

Il y a donc aussi un texte sur l’accessibilité, qui est le second volet de la loi sur le handicap ?

Petit rappel : lors de l’étude de la loi sur le handicap, la commission s’était inquiétée du dispositif prévu sur l’accessibilité, ne le trouvant pas très abouti, de nombreuses questions restant en suspens… Le gouvernement avait accepté la proposition de suppression de toute cette partie par les élus, en échange du dépôt d’un nouveau projet de loi, dans l’année qui suivait. C’est dans ces conditions que le premier volet a été voté.

Et que s’est-il passé depuis ?

Depuis, le gouvernement a tenu parole. Il a tenu l’engagement du délai et ce nouveau texte est beaucoup plus équilibré que le précédent. Il fait la différence entre les lieux d’habitation, les lieux recevant du public, les bureaux et les espaces temporaires pour les manifestations, le tout entre le statut public et privé.

Thierry Poyet
« Laurent Nouvion a clamé qu’il retrouvait sa liberté de parole le 27 avril dernier et qu’il allait travailler avec tous les élus. Peut-être attend-il l’officialisation de ce nouveau HM pour nous faire part de ses idées… » Thierry Poyet. Président de la CISAD. © Photo EdWrightImages Conseil national

Qu’est-ce qui ressort des débats au sein de votre commission ?

La commission s’est interrogée sur le dispositif prévu pour tout ce qui touche au service public. Et je pense que nous allons renforcer l’accessibilité de tous les lieux qui accueillent le service public. C’est un message fort que Monaco doit afficher ! Même si, il faut bien le reconnaître, de nombreuses choses ont déjà été faites, sans attendre le vote de cette loi.

Où en est ce texte ?

Nous avons procédé à des consultations et nous venons d’envoyer les questions de la commission au gouvernement. Il faudra attendre les réponses du gouvernement pour commencer à travailler sur les amendements. Il faut, là aussi, que cela aille vite.

Il y a aussi le projet de loi sur la réforme de la médecine du travail ?

Nous venons d’ouvrir les discussions autour de ce texte qui est très attendu par les acteurs économiques. Cette réforme permet de redessiner les moyens de la médecine du travail, pour développer de nouvelles missions : une surveillance accrue des professions à risques et plus de prévention pour l’ensemble des salariés. Il est vrai qu’avec les progrès de la médecine et les messages réguliers pour la prévention que nous voyons régulièrement, le rôle de la médecine du travail n’est plus aussi indispensable qu’il ne l’était auparavant…

Quelles sont les principaux objectifs de ce texte ?

Plus de suivi pour les personnes qui travaillent dans des conditions pénibles ou à risques, et plus d’attention pour les personnes qui risquent de se retrouver « hors jeu », malheureusement.

Les discussions avancent ?

Les consultations vont avoir lieu dans les prochaines semaines, avec les représentants des salariés, avec la Fédération des Entreprises monégasques (FEDEM), le département des Affaires Sociales et plus particulièrement les personnes directement concernées par ce dossier.

Ce texte sera voté bientôt ?

Ce serait très ambitieux d’espérer voter ce texte lors de la session d’automne car nous avons perdu beaucoup de temps dans notre travail législatif. Mais à présent, l’accélération de notre production ne doit pas se faire au détriment de la qualité du travail. Nous avançons de façon pragmatique, mais ambitieuse.

Le gros dossier, c’est la réforme du statut des fonctionnaires ?

En effet, l’autre sujet qui est à l’étude à la CISAD depuis longtemps, c’est la modernisation de la fonction publique. C’est le titre du projet de loi. Or, la commission a très vite trouvé un net décalage entre le texte et le titre du projet de loi.

Quelles orientations poursuit votre commission sur ce sujet sensible ?

Il me semble indispensable de réaffirmer, aujourd’hui encore, la volonté des membres de la commission : nous avons toujours affirmé le principe de la priorité nationale pour devenir fonctionnaire. Le poste doit être réservé aux seuls Monégasques. Pour autant, la fonction publique étant composée d’agents de l’Etat et des fonctionnaires, il nous semblait plus logique que l’ensemble des règles qui régissent la fonction publique soient inscrites dans le même texte, par soucis de cohérence et pour une meilleure lisibilité.

Vraiment ?

Oui, car 80 %, 85 % et peut-être même 90 % des règles sont communes aux fonctionnaires et aux agents de l’Etat, à l’exception du recrutement et du renouvellement du contrat ou de quelques dispositions spécifiques, comme les commissions paritaires.

Tout le monde n’est pas d’accord sur ce point ?

Notre interlocuteur institutionnel a exprimé son refus d’associer les deux corps dans le même texte, en arguant que rien n’obligeait le gouvernement à passer par la loi pour cela. Certes, rien ne l’obligeait, mais le faire était un geste d’ouverture et de transparence dans la gestion des collaborateurs. C’était aussi, à mon avis, faire part de considération auprès des agents de l’Etat. Mais voilà…

Vous allez faire quoi, alors ?

D’ici la fin de l’année, je vais prendre mon bâton de pèlerin et je vais essayer de convaincre mes collègues de reprendre l’étude du texte et de voter le texte pour les fonctionnaires. En espérant que le gouvernement écoutera notre demande et acceptera ensuite de déposer un nouveau texte pour les agents de l’Etat.

Quelle est la première urgence dans ce dossier complexe ?

Notre priorité, c’est d’en arriver au vote de la première partie concernant uniquement les fonctionnaires, et donc uniquement les Monégasques. Mais nous n’oublions pas qu’il y a aussi des Monégasques qui sont contractuels de l’administration.

Où en est la proposition de loi du groupe Renaissance sur le travail de nuit ?

C’est une proposition de loi à vocation sociale, qui souhaite donner une compensation aux salariés qui travaillent dans des conditions pénibles. Le sujet est très intéressant, il y a beaucoup à faire, mais le sujet est aussi délicat, car il pourrait aussi pénaliser les employeurs. Il faudra donc trouver un juste milieu…

Le travail sur ce texte en est où ?

Notre commission s’est réunie une seule fois pour étudier ce texte. L’élu Renaissance Eric Elena nous a expliqué les objectifs qui étaient recherchés. J’espère que nous pourrons continuer l’étude prochainement, en fonction de la charge de travail et de nos disponibilités. Le texte initial pose les bases du travail, c’est important de le signaler. Ne pas en commencer l’étude aurait été la perduration d’un système de dénigrement et de rejet systématique du travail de la minorité.

Depuis début septembre Horizon Monaco (HM) est le premier groupe politique à être officialisé : est-ce que la nouvelle majorité du Conseil national va faire de même ?

La question est intéressante. Permettez-moi de vous livrer mon sentiment sur la question : qu’est-ce qu’un groupe politique ? N’existe-t-il que par ses statuts ? Quelles sont les idées défendues par le nouveau HM soumis à copyright ? Le désormais ex-président Laurent Nouvion a clamé qu’il retrouvait sa liberté de parole le 27 avril dernier et qu’il allait travailler avec tous les élus. Peut-être attend-il l’officialisation de ce nouveau HM pour nous faire part de ses idées…

Vous n’êtes pas convaincu par la démarche de HM ?

Avec quelques uns de mes collègues, nous faisons partis des premiers acteurs de Valeurs & Enjeux (V&E). V&E existait par ses idées, ses propositions, son action, et le Rassemblement pour Monaco (RPM) par sa ligne claire et son expérience. Que penser de ce nouveau concept qui consiste à créer une écurie pour une ambition personnelle ? Croyez-vous que tout cela intéresse les Monégasques ?

Vous ne croyez donc pas dans la légitimité d’un groupe politique ?

L’ex-président a revendiqué la paternité de HM parce que le nom du mouvement lui appartenait. Le nom d’un groupe, un de plus à la longue liste… Mais pour quoi faire ? Je crois plus en l’action, aux résultats de notre engagement dans la mandature qui se terminera dans moins de 18 mois. Avec mes collègues de la nouvelle majorité, avec toutes les personnes qui ont acceptées de travailler avec nous pour le bien de Monaco, nous sommes totalement impliqués dans nos commissions, sur tous les sujets qui sont à l’étude. Le reste n’a que peu d’importance à mes yeux.

Vraiment ?

Je n’ai pas souhaité me présenter aux élections nationales pour briller ou faire la une des journaux, mais parce que je pensais qu’il y avait des choses à faire pour participer à la construction du Monaco de demain, que ce soit dans le cadre du développement économique ou pour enrichir le modèle social de la Principauté. Je travaille, c’est tout ce que je dois au pays.