vendredi 19 avril 2024
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Télétravail : stop ou encore ?

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Ardemment défendu par le Conseil national au moment du confinement, le télétravail a été remis en cause, mardi 6 octobre 2020, lors de la première séance publique dédiée au budget rectificatif.

En cause : son impact indirect, et non anticipé, sur le commerce local.

Le télétravail est sans conteste le grand gagnant de cette crise sanitaire. Utilisé avec parcimonie avant l’épidémie de Covid-19, il a littéralement explosé au moment du confinement, permettant à de nombreuses entreprises et salariés de poursuivre leur activité à distance. À Monaco, « jusqu’à 10 300 salariés » ont pu en bénéficier, a rappelé le ministre d’État, Pierre Dartout, lors de son intervention mardi 6 octobre 2020. Bien conscient de l’apport du télétravail en période de crise sanitaire, le gouvernement a d’ailleurs acté sa prolongation « dans sa version souple jusqu’en décembre 2020 ». Le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, Didier Gamerdinger, a justifié cette décision lors de la première séance publique dédiée au budget rectificatif : « Le télétravail a très rapidement permis d’offrir une solution efficace pour plusieurs secteurs d’activité. Il a permis de maintenir l’emploi et le revenu des salariés. Il prend aussi en compte la difficulté de manque de place à laquelle sont confrontés les employeurs… C’est donc extrêmement important ».

« Effets pervers »

Oui, mais voilà. Peu après 23h30 mardi, l’élu Priorité Monaco (Primo !), José Badia, a jeté un pavé dans la mare en évoquant l’impact du télétravail sur l’économie locale. Notamment pour les commerces de la principauté qui se trouvent, du fait de cette mesure, privés d’une partie des salariés et donc de potentiels clients. Si le conseiller national a d’abord reconnu les avantages du télétravail en particulier dans le secteur bancaire, « qui a su adapter son quotidien au télétravail avec rapidité et efficacité », il a ensuite lancé une réflexion sur l’avenir de cette pratique en principauté. Craignant que le télétravail se démocratise davantage, José Badia a alerté l’assemblée sur ses effets pervers : « Je voudrais rappeler l’importance d’une présence physique des travailleurs en principauté. On constate en effet à l’heure actuelle combien l’absence d’actifs pénalise les entités de proximité de tous ordres. C’est pourquoi nous devons tous demeurer vigilants face aux conséquences économiques d’un télétravail si celui-ci devait être d’une ampleur qui n’est pas maîtrisée ». Un constat partagé par l’ensemble des conseillers nationaux à l’image de Christophe Robino (Primo !). « Le Covid a fait que les employeurs les plus sceptiques vis-à-vis du télétravail sont aujourd’hui convaincus de son intérêt. Et le dommage collatéral, c’est qu’effectivement, en particulier pour les commerces de bouche, la quantité de consommateurs s’en est vue d’autant diminuer ». De son côté, le président du Conseil national, Stéphane Valeri, a dénoncé « le passage brutal de 1 000 à 10 000 télétravailleurs », responsable selon lui d’« effets pervers », et a exhorté le gouvernement à remédier à « cette situation qui n’est pas normale ».

Le gouvernement pour un « télétravail mesuré »

En réponse, le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, Didier Gamerdinger a reconnu être extrêmement vigilant. « Avec le recul, il nous a été signalé certains inconvénients. Les inconvénients tenant au fait que les salariés n’étant plus présents physiquement, ils ne consomment plus en principauté », a déclaré le membre du gouvernement. Avant d’évoquer les secteurs les plus touchés : « Cela s’est particulièrement ressenti dans le secteur de la petite restauration ou vente à emporter sur le quartier de Fontvieille notamment, dans des activités d’artisanat comme les salons de coiffure et dans les commerces de proximité ». Face à ce constat, Didier Gamerdinger a prévenu que le gouvernement allait continuer à « mettre en balance l’intérêt de ce télétravail et la nécessité de garder un tissu économique vivant avec une présence des salariés ». Le conseiller-ministre s’est notamment prononcé en faveur d’« un télétravail pesé, mesuré avec un temps à domicile et un temps dans l’entreprise, et certainement pas 100 % chez soi », rappelant au passage que de nombreux salariés et employeurs souhaitaient un minimum de présence sur leur lieu de travail. Une proposition qui tend à rassurer la représentation nationale, favorable à l’instauration d’une présence physique minimale des salariés, nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise d’une part et aux commerces locaux d’autre part. « Il faudra reprendre un rythme de croissance du télétravail qui soit à peu près conforme à l’augmentation du nombre de salariés », a demandé Stéphane Valeri. Avant d’indiquer que « la loi sera, telle qu’elle est prévue, appliquée à partir de janvier (2021) avec une présence physique obligatoire dans les bureaux de la principauté, au minimum deux jours par semaine ». Une disposition légale confirmée par Christophe Robino : « La loi oblige à ce qu’une partie du temps de travail soit effectuée dans l’entreprise, ne serait-ce que pour que les contrats ne soient pas requalifiés et qu’il s’agisse bien de contrat d’employés et d’entreprises monégasques ».

Les Italiens auront droit au télétravail

L’élu Primo ! a par ailleurs interpellé le gouvernement sur la situation des travailleurs italiens. Jusqu’à présent non éligibles au droit au télétravail, les salariés italiens pourront bientôt en bénéficier a fait savoir le conseiller-ministre aux affaires sociales et à la santé, mardi soir. « À la suite de démarches engagées par le gouvernement princier et d’un nouveau déplacement que j’ai effectué à Rome, le dossier a progressé et je suis en mesure de vous indiquer que le gouvernement a été rendu destinataire d’une réponse officielle du gouvernement italien, donnant son accord à la mise en œuvre du télétravail pour les salariés transalpins », a indiqué Didier Gamerdinger. « J’ai bon espoir que nous puissions finaliser la discussion et la négociation ouvrant ainsi à nos salariés italiens la possibilité de télétravailler », a poursuivi le ministre sans donner davantage de précision concernant les délais. Cet accord répond en tout cas aussi « aux attentes des élus locaux italiens qui avaient réfléchi à un centre de télétravail pour fluidifier et faciliter l’exercice de ce mode professionnel pour les salariés résidant en Italie et travaillant à Monaco ». Le télétravail a donc encore de l’avenir en principauté. Et ce d’autant plus que, comme l’a souligné le président du Conseil national, « 100 000 actifs salariés seront nécessaires dans les prochaines décennies pour équilibrer les régimes de retraite de la principauté ». Pour rappel, au 30 juin 2020, Monaco comptait environ 50 000 salariés. Dans un pays où le territoire n’est pas extensible, le numérique, et le télétravail en particulier, représente donc une solution de choix car « nous ne pourrons pas accueillir physiquement 100 000 travailleurs chaque jour ». « Sur le long terme, le télétravail est indispensable », a insisté Stéphane Valeri. Reste désormais à l’encadrer et à fixer des limites pour ne pas fragiliser l’économie locale.