mardi 16 avril 2024
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Stéphane Valeri : « Le maintien du pouvoir d’achat est un sujet majeur d’inquiétude pour tous »

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Le président du Conseil national, Stéphane Valeri, porte un regard globalement positif sur cette rentrée sociale 2022. Tout en estimant que, face à la hausse des prix, le gouvernement monégasque devrait augmenter les salaires des fonctionnaires, des agents de l’État, et des agents hospitaliers. Et qu’à Monaco, le bouclier énergétique doit être identique à celui de la France.

D’une manière générale, comment jugez-vous le climat social pour cette rentrée 2022 ?

Globalement, le climat social est plutôt bon en principauté, surtout si on le compare à d’autres pays en Europe. À Monaco, nous n’avons pas connu de grèves importantes ces derniers mois. Il n’y a pas eu de détérioration des relations entre partenaires sociaux, et le nouveau conseiller de gouvernement-ministre des affaires sociales et de la santé, Christophe Robino, y a contribué, en organisant de nombreuses rencontres de concertation entre les fédérations de syndicats de salariés et celles des entreprises. Pour autant, nous ne sommes pas épargnés par le risque de tensions potentielles, qui résulteraient de l’actualité internationale tendue sur le plan économique et social.

Quels sont les principaux sujets d’inquiétude ?

Monaco n’échappe pas aux conséquences internationales d’après-crise sanitaire de la Covid-19 et du conflit ukrainien. En effet, pour protéger les populations et soutenir les économies des pays, en soutenant les salariés et les entreprises, les gouvernements ont créé une forte masse monétaire sans contrepartie en termes de production, puisque l’économie avait fortement ralenti, à cause notamment des confinements successifs. Cela a inévitablement généré une forte inflation dont nous avons du mal à entrevoir le ralentissement à moyen terme. De plus, l’augmentation de la demande liée à la reprise économique post-Covid a accentué ce phénomène. Cet effet inflationniste a encore été amplifié par la guerre en Ukraine, avec des difficultés pour répondre à la demande en termes d’énergie, et donc l’augmentation des prix dans ce domaine, ainsi que ceux de certaines denrées alimentaires. Cette hausse des prix fait du maintien du pouvoir d’achat de la population un sujet majeur d’inquiétude pour tous, y compris en principauté.

« Les augmentations décidées, pour le moment, par le gouvernement, sans concertation avec le Conseil national à hauteur de 3,2 % pour la fonction publique d’État et de la commune et de 3,4 % pour la fonction publique hospitalière, ne sont pas suffisantes au regard des 5,8 % d’inflation constatée à fin août 2022 »

Avec la coupure totale de gaz russe qui menace l’Europe en matière d’approvisionnement énergétique d’ici l’automne 2022, pourrait-on se diriger vers une logique de sobriété, qui pourrait aussi finir par peser sur le moral de la population ?

Le prince souverain a toujours défendu les grands principes de défense de l’environnement, et donc de transition énergétique, afin de limiter notamment les émissions de gaz à effet de serre et le recours aux énergies fossiles, avec le pétrole, le gaz, et le charbon. Notre pays s’est engagé en faveur d’objectifs ambitieux en la matière. La diminution de la consommation énergétique n’est donc pas une problématique nouvelle en principauté. De nombreuses actions ont déjà été initiées, par exemple pour une meilleure isolation et une plus grande performance thermique des bâtiments, le développement de boucles thalasso-thermiques, permettant d’utiliser la mer comme ressource, ou bien encore d’importants investissements de l’État et de la Société Monégasque de l’Électricité et du Gaz (SMEG) en France, pour la production d’électricité photovoltaïque utilisant le rayonnement solaire. Et puis, de manière générale, on assiste à une prise de conscience que l’énergie est un bien précieux qu’il ne faut pas gaspiller. Sans faire baisser la qualité de vie, nous pouvons utiliser de manière plus rationnelle, par exemple, la climatisation ou le chauffage. C’est du bon sens collectif qui ne pèsera pas sur le moral de la population.

Que faire face à l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat ?

Tout d’abord, il faut relever que l’État ne peut pas agir de la même manière en ce qui concerne les actifs et retraités du secteur public, et ceux du secteur privé. Il peut, et doit selon moi, faire évoluer les traitements des fonctionnaires, des agents de l’État et des agents hospitaliers, autant pour les actifs que pour les retraités, conformément à l’augmentation des prix. Les augmentations décidées, pour le moment, par le gouvernement, sans concertation avec le Conseil national à hauteur de 3,2 % pour la fonction publique d’État et de la commune et de 3,4 % pour la fonction publique hospitalière, ne sont pas suffisantes au regard des 5,8 % d’inflation constatée à fin août 2022. Le Conseil national demandera donc un ajustement au plus près du niveau réel de l’inflation, lors des débats budgétaires à venir.

« Le gouvernement français a annoncé une augmentation du prix de l’électricité limitée à +4 % jusqu’à la fin de l’année 2022, sans rattrapage pour les ménages à partir de janvier 2023. Alors que le gouvernement à Monaco propose, pour le moment, une hausse de plus de 12 %, à partir de janvier 2023. L’effort financier de l’État doit donc être plus important pour contenir cette hausse »

Et les minima sociaux ?

La question des minima sociaux se pose de la même manière : allocation adulte handicapé, allocation nationale vieillesse, allocation pour privation d’emploi, allocation parent isolé, etc. Ils doivent être revus de la même manière. Et, là encore, le Conseil national le demandera au gouvernement.

Que faire pour le secteur privé ?

Pour le secteur privé, il appartient évidemment aux partenaires sociaux de négocier. L’État ne peut pas se substituer à eux, mais il peut encourager les employeurs à verser des primes aux salariés par une exonération de charges patronales. Cette mesure n’est actuellement prévue à Monaco que pour le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Nous demanderons son extension à tous les secteurs d’activité.

Stéphane Valeri
« Lorsque j’étais au gouvernement, j’ai porté en 2012 une loi voulue par le prince, de sauvegarde du régime de retraite des salariés, la Caisse autonome des retraites (CAR), qui, depuis, a démontré son efficacité. Cette loi permet des augmentations raisonnables de cotisations, tant des employeurs que des employés. » Stéphane Valeri. Président du Conseil national. © Photo Conseil National

Il y a aussi la question du bouclier énergétique ?

Dans un autre domaine essentiel pour le pouvoir d’achat, le bouclier énergétique doit être mis en place en principauté à la même hauteur que celui de la France. Le gouvernement français a annoncé une augmentation du prix de l’électricité limitée à +4 % jusqu’à la fin de l’année 2022, sans rattrapage pour les ménages à partir de janvier 2023. Alors que le gouvernement à Monaco propose, pour le moment, une hausse de plus de 12 %, à partir de janvier 2023. L’effort financier de l’État doit donc être plus important pour contenir cette hausse. Ce sujet sera lui aussi au cœur des débats du Conseil national avec le gouvernement, dans le cadre du budget rectificatif en octobre 2022.

Faut-il miser sur des primes, plutôt que sur des hausses de salaires ?

En dehors du salaire minimum, en économie libérale, l’État ne peut pas imposer d’augmentations de salaires dans le secteur privé. Pour autant, la Société des bains de mer (SBM) donne l’exemple, en indexant tous les trois mois les salaires sur l’inflation, ce qui est une bonne chose. On peut souhaiter que les autres employeurs, lorsqu’ils en ont la capacité, prennent en compte l’inflation pour préserver le pouvoir d’achat de leurs salariés, en agissant de préférence sur le salaire. C’est aussi l’intérêt des entreprises pour demeurer attractives et continuer d’attirer des milliers de nouveaux salariés qualifiés chaque année, indispensables au développement économique de la principauté.

« La question des minima sociaux se pose de la même manière : allocation adulte handicapé, allocation nationale vieillesse, allocation pour privation d’emploi, allocation parent isolé, etc. Ils doivent être revus »

Comment rester attractif sur le marché de l’emploi, alors que le salaire n’est plus un élément suffisant pour convaincre, et qu’en France une étude de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail montre que 43 % des salariés envisagent de quitter leur emploi dans les deux ans pour un travail qui a « plus de sens », avec un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée ?

Pour maintenir notre attractivité professionnelle, il faut prendre en compte tout ce qui contribue à l’amélioration de la qualité de vie des salariés. Cela passe par la construction de logements pour actifs à proximité de Monaco, par le développement des infrastructures d’accès à Monaco : parkings relais, possibilité de métro entre Nice et Monaco… Mais aussi par le renforcement des moyens de transports en commun existants, comme le train et le bus, tout en créant aussi des solutions alternatives et complémentaires, comme les navettes maritimes. Il faut également penser à l’organisation familiale, en anticipant les besoins de places en crèches, en France comme à Monaco.

En France, Emmanuel Macron souhaite progressivement décaler l’âge de départ légal à la retraite jusqu’à 65 ans à l’horizon des années 2030 : quelles évolutions Monaco pourrait engager à ce sujet ?

Lorsque j’étais au gouvernement, j’ai porté en 2012 une loi voulue par le prince, de sauvegarde du régime de retraite des salariés, la Caisse autonome des retraites (CAR), qui, depuis, a démontré son efficacité. Cette loi permet des augmentations raisonnables de cotisations, tant des employeurs que des employés, qui ont permis de rétablir l’équilibre du régime et qui n’ont pas encore toutes été utilisées. Cet équilibre est assuré pour de nombreuses années, à condition de maintenir une croissance régulière du nombre de nouveaux salariés cotisants à la CAR. Il n’est pas question à Monaco de changer les règles, qui permettent de partir à la retraite à partir de 60 ans. Ceci constitue un avantage indéniable pour les salariés de la principauté.

Alors que le contexte est difficile, notamment à cause de la guerre en Ukraine et de la crise sanitaire qui n’en finit pas, comment redonner confiance à la population ?

Dans notre pays, il suffit de tenir un discours de vérité, en rappelant la réussite du modèle économique et social monégasque, qui a une nouvelle fois fait ses preuves, en traversant beaucoup mieux que celui d’autres pays la crise du Covid-19. L’économie monégasque est à nouveau en croissance, comme le démontrent de nombreux indicateurs. Les acteurs économiques, comme les Monégasques et les résidents, ont confiance dans les atouts de la principauté. D’ailleurs, cela se manifeste aussi dans les finances publiques, puisque les recettes budgétaires de l’État sont en hausse. Cette confiance en la solidité et l’avenir de notre modèle monégasque, nous la partageons au Conseil national.