jeudi 18 avril 2024
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Serge Telle : « Il faut éviter que ça ronronne »

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Serge Telle est ministre d’Etat de la Principauté depuis le 1er février 2016. Un peu plus d’un an après son arrivée, il a reçu Monaco Hebdo pour un premier bilan. Interview.

Un an après votre arrivée à la tête du gouvernement monégasque, quel sentiment prédomine ?

La très grande satisfaction d’être ici. Parce que c’est beau et lumineux. Le lieu est exceptionnel et les conditions de vie aussi. La proximité de la montagne, la mer, les balades au bord de l’eau et la qualité de vie à Monaco, font de la Principauté un lieu privilégié. En Principauté, les communautés vivent de façon apaisée. On redécouvre ici l’unité du monde à travers la différence des gens. Tout le monde est différent et pourtant, tout le monde vit ensemble. À Monaco, l’unité du “vivre ensemble” est très, très forte.

Vous avez été ambassadeur de France à Monaco jusqu’en 2008, ce n’est donc pas une découverte…

Je le savais déjà, mais c’est très agréable de redécouvrir tout ça. En un an, j’ai pu mieux comprendre ce que sont les problématiques monégasques. Qu’est-ce que cela signifie que d’être monégasque ? Il y a aussi, bien sûr, cet attachement des Monégasques pour le Prince, qui est un lien. Il y a aussi le sentiment d’être une famille autour du Prince et des institutions. Mais être monégasque, c’est aussi des contraintes.

Lesquelles ?

Souvent, quand on est monégasque, on ne choisit pas où on habite. Il y a donc d’un côté une logique extraordinairement protectrice et de l’autre, il y a des difficultés. La question du logement reste une priorité du gouvernement. L’objectif, c’est de parvenir à fluidifier ce marché pour permettre aux Monégasques de vivre comme ils l’entendent, où ils l’entendent.

Quel bilan après un an d’exercice ?

Beaucoup de lois ont été votées avec le Conseil national. Ce qui représente beaucoup de travail. On a pris des décisions immédiates et importantes. Pour la future extension en mer, on a finalisé le projet de loi qui a permis de commencer les travaux en novembre 2016. Ce projet qui sera livré dans 10 ans, en 2027, est un pari sur l’avenir, qui permet à Monaco de s’inscrire dans la durée.

Comment avance le chantier de l’extension en mer ?

Il avance bien, selon le calendrier fixé, qui est respecté par les opérateurs.

Comment garantir que ce chantier respectera à 100 % l’environnement, ce qui semble impossible à croire ?

On a créé un comité d’experts internationaux pour limiter l’impact environnemental et écologique des travaux liés à cette extension en mer. On travaille aussi sur l’impact qu’aura ce chantier sur le quotidien des gens. Je reçois régulièrement ce comité.

Qui compose ce comité ?

Il y a des écologues marins, comme Sylvain Pioch, des spécialistes sur les aménagements portuaires et leur impact sur la biodiversité comme David de Monbrison, des géoscientifiques de l’université de Delft, aux Pays-Bas (1)… Ils sont mobilisés en permanence pour contrôler l’impact écologique. Il s’agit d’être exemplaire et de préserver du mieux possible la réserve marine qui est juste à côté de cette extension en mer. Et ce, quels que soient par ailleurs les besoins de Monaco d’étendre son territoire.

Dix ans de chantier pour l’extension en mer, c’est très long ?

Ce sont, en partie, les multiples précautions que l’on prend pour protéger du mieux possible l’environnement qui expliquent la durée de cet énorme chantier. Et cela coûte aussi plus cher.

D’autres dossiers vous ont marqué sur l’année écoulée ?

La sécurité. Parce que c’est l’une des grandes priorités du gouvernement. On va donc donner des moyens humains supplémentaires. Les équipements seront aussi renforcés. Les liens de la sûreté publique avec nos homologues français seront également renforcés.

Quel est l’objectif ?

Il faut que le sentiment de sécurité qui prévaut ici à Monaco puisse continuer à exister et qu’il soit même plus fort encore. Ceci alors que l’environnement international se dégrade très vite. Et je ne parle pas ici seulement de la France, mais d’une façon générale.

Personne n’est à l’abri ?

Monaco n’est pas une île. Mais Monaco agit pour traverser cette période délicate qui peut être longue. On s’équipe donc pour gérer tout ça dans la durée, sur cinq ans, dix ans… Je salue d’ailleurs le travail du département de l’Intérieur et du directeur de la sûreté publique qui affichent des résultats exceptionnels avec leurs équipes. Ce qui explique les lois passées sur les interceptions administratives et sur le contrôle de ces interceptions.

Serge Telle
« Ce sont, en partie, les multiples précautions que l’on prend pour protéger du mieux possible l’environnement qui expliquent la durée de cet énorme chantier [de l’extension en mer]. Et cela coûte aussi plus cher. » Serge Telle. Ministre d’Etat. © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication
À quoi sont dûes les oppositions et les résistances autour de vous ?

C’est le jeu normal de la démocratie. Mais il n’y a pas beaucoup de réticences. Même si, bien sûr, on peut avoir des avis différents sur des sujets précis. J’ai pour principe intellectuel de ne pas penser que ce que je dis ou ce que je pense est intangible. Je peux accepter que l’on soit d’un avis différent du mien. En tant que grand lecteur de Michel de Montaigne (1533-1592), je suis toujours prêt à écouter les points de vue qui diffèrent du mien.

Mais avouez que c’est parfois musclé avec les élus du Conseil national !

Même si les débats sont parfois virils, ils sont toujours respectueux, que ce soit du côté du Conseil national, comme du gouvernement. L’objectif, c’est toujours de rechercher la meilleure solution pour tous, afin de préserver le modèle monégasque. Mais je n’ai jamais vécu les oppositions éventuelles comme des oppositions à ma personne. Il est sain que nous ne soyons pas tous tout le temps du même avis. Il faut éviter que ça ronronne. Ces débats sont au contraire très stimulants. Le Conseil national apporte des éléments de réflexion au gouvernement, ce qui est tout à fait normal et judicieux.

Et au sein de votre gouvernement, comment gérez-vous les oppositions éventuelles ?

Elles sont gérées dans les règles du conseil du gouvernement, qui se déroule le mercredi.

Et ça marche ?

Le résultat est qu’il y a une solidarité gouvernementale qui s’exerce sur tous les dossiers. Cette solidarité nous lie tous les uns aux autres de façon efficace dans la réalisation de ce que nous avons à faire. Je ne vois rien dans notre fonctionnement qui me pose des problèmes personnels. Les débats sont parfois trop longs, mais ils sont toujours utiles.

Quels sont les dossiers prioritaires pour 2017 ?

Il y a toute une partie de mon travail qui est absolument invisible et qui concerne l’optimisation du fonctionnement de l’administration. Il s’agit d’améliorer ses performances pour gagner encore en efficacité par rapport aux usagers. Plusieurs chantiers, invisibles eux aussi, sont en cours.

Un exemple ?

Le numérique. Car la digitalisation touche aussi le fonctionnement du service public. On se dote donc des bons outils, capables aussi de communiquer entre eux. On poursuit également la mise en place de la transversalité dans le fonctionnement de l’administration : c’est d’ailleurs dans ce sens qu’un secrétariat général du gouvernement a été créé.

C’est donc une évolution nécessaire ?

Oui, car les dossiers sont de plus en plus complexes et touchent désormais souvent plusieurs départements de l’Etat. On va renforcer l’inspection générale de l’administration, essentiellement dans son rôle d’audit du fonctionnement des services. Enfin, on va avancer sur la mise en place d’une comptabilité analytique, ce qui nous permettra d’avoir les bons outils de contrôle et de gestion de l’exécution budgétaire. Tout cela est absolument invisible, mais cela fait partie du travail quotidien d’un ministre d’Etat à Monaco.

Quelles sont les autres priorités pour 2017 ?

On a besoin de desserrer l’étau des contraintes qui pèsent sur le logement domanial et sur le logement des Monégasques. Voilà pourquoi l’Etat préempte des terrains ou des bâtiments dès qu’il le peut. Autre priorité : la mobilité. J’ai déjà beaucoup parlé de notre investissement dans l’aéroport de Nice, le port de Vintimille ou le transport ferroviaire avec la SNCF.

Il y a aussi le dossier de la future usine d’incinération ?

On a présenté l’ensemble de la problématique de ce dossier au Conseil national en 2016. On souhaite avoir en Principauté la meilleure technologie possible pour le traitement de nos déchets. Monaco doit être pionnier sur la création d’une usine de valorisation des déchets en ville. On doit être à la pointe de ce qu’il se fait de mieux au niveau mondial. On étudie plusieurs scénarios. L’une des pistes consiste à ne plus prendre en Principauté une partie des déchets qui viennent des communes limitrophes.

La décision est donc arrêtée : la future usine d’incinération sera reconstruite là où elle se trouve, dans le quartier de Fontvieille ?

Non, la décision n’est pas complètement arrêtée. Mais on va plutôt dans cette direction.

Mais des élus, notamment le groupe politique Union Monégasque, trouvent illogique de construire une usine d’incinération des déchets à Monaco, à proximité d’une école (2) !

Si on reconstruit l’usine d’incinération à Monaco, les fumées qui sortiront de cette usine seront équivalentes à l’air que l’on respire dans les Alpes-de-Haute-Provence. On travaille vraiment sur quelque chose qui sera une première mondiale. Nous sommes en train de finaliser le cahier des charges et on présentera tout ça au Conseil national dans les mois qui viennent.

Externaliser le traitement des déchets permettrait à l’Etat de récupérer de précieux m2 ?

J’avais cette idée lorsque je suis arrivé. Mais on a pris du retard sur ce dossier, parce qu’avec l’accord du Prince Albert, j’ai souhaité qu’on étudie la possibilité de reconstruire l’usine là où elle se trouve. On discute actuellement avec la France et avec la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française (Carf) pour mettre en place un petit centre commun de valorisation des déchets organiques quelque part dans la région. Ce qui nous permettrait d’externaliser une partie de nos déchets. Mais il faut absolument garder une usine de traitement des déchets en Principauté.

C’est pour des questions de souveraineté ?

Absolument pas. Car on a 130 conventions signées avec la France qui expriment la souveraineté monégasque dans beaucoup de domaines. Mais tant qu’on ne sera pas totalement assuré que nos déchets seront bien traités en toutes circonstances, on ne prendra pas le risque de tout externaliser. On ne peut pas prendre le risque d’avoir des poubelles qui s’empilent dans les rues de la Principauté. C’est donc un sujet très délicat qui alimente nos débats avec la France. Mais je pense qu’on sera obligé de conserver une usine à Monaco.

L’appel d’offres sera lancé quand ?

D’ici deux ou trois ans. Des audits réalisés sur notre usine de traitement montrent qu’elle a tranquillement une dizaine d’années de vie devant elle. Du coup, on n’a pas le couteau sous la gorge. Mais les travaux seront longs. Il faut donc avoir fait le travail en amont pour pouvoir garantir la santé publique et l’indépendance de Monaco dans le traitement de ses déchets.

2017 sera l’année où vous aller modifier la composition de votre gouvernement ?

C’est le Prince Albert qui décide si un remaniement ministériel doit avoir lieu ou non. Mais il n’y a pas de besoin immédiat qui justifierait un remaniement pour des raisons d’efficacité du fonctionnement du gouvernement. Je suis très satisfait du travail réalisé dans les différents départements par les conseillers-ministres.

L’Etat enchaîne les budgets en excédents : quelles sont les priorités d’investissements ?

Nos investissements doivent pouvoir garantir la vraie souveraineté de Monaco. Ces investissements doivent nous permettre d’avoir des revenus, quelles que soient les circonstances. Donc notre priorité, c’est de réaliser des investissements de bon père de famille.

C’est-à-dire ?

On a investi à proximité de Monaco, à l’aéroport de Nice et dans le port de Vintimille, et on continuera cette logique d’investissement. En parallèle, on réalise aussi des investissements plus financiers, qui devraient nous permettre de passer à travers les éventuelles crises financières ou monétaires. Même si cela n’est pas simple. Par exemple, on ne sait pas quel impact aura le Brexit sur les bourses. Tout comme l’élection présidentielle en France.

La présidentielle est très incertaine en France : en quoi le résultat de cette élection peut affecter Monaco ?

On en parlera le 6 mai, lorsqu’on aura le résultat. Mais on a déjà vécu tout un tas d’alternance droite-gauche en France. Or, un gouvernement français de gauche ou de droite ne pose aucun problème dans le fonctionnement de la Principauté.

Et en cas de victoire de la candidate du Front National, Marine Le Pen ?

Une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle serait probablement beaucoup plus problématique. L’arrivée du Front National (FN) à la présidence de la France serait compliquée, et pas seulement pour Monaco. Pour la France, revenir au franc, sortir de la zone euro et quitter l’Europe… Cela aurait un impact pour la Principauté, bien sûr. Mais cela poserait tellement de problèmes, pour tellement de pays… Monaco ferait face. Mais je vois mal la France quitter l’Union européenne (UE) et revenir au franc. Je ne travaille pas sur cette hypothèse là.

Serge Telle
« Les élus mettaient fortement en cause le management de la SBM. Ça leur appartient. Et il appartient au gouvernement de redire la confiance que l’on porte au management de cette entreprise. » Serge Telle. Ministre d’Etat. © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

À Monaco, les élections nationales de février 2018 approchent au Conseil national : le financement des campagnes électorales est-il assez encadré ?

Le financement des partis politiques est contrôlé et encadré et il faut continuer dans cette voie. J’espère que le débat sera sain et respectueux des intérêts de Monaco. J’espère aussi que l’on évitera ce qui est aujourd’hui l’un des grands travers de nos démocraties, et que les sociologues appellent la désubstantialisation du langage.

Qu’est-ce que la désubstantialisation du langage ?

Certains hommes politiques ont tendance à dire aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre, plutôt que de leur dire la vérité sur un certain nombre de sujets pour provoquer la réflexion et l’adhésion. L’idée c’est de parler pour plaire et pas pour faire réfléchir ou permettre aux autres de s’émanciper. Résultat, aujourd’hui, on a parfois du mal à savoir qui est le démagogue et qui est le démocrate.

Vous pensez notamment à Donald Trump ?

Donald Trump dit des contre-vérités avec tellement d’autorité et de sincérité lors de ses conférences de presse, qu’une partie de l’opinion publique finit par y croire. C’est un jeu mortifère pour nos démocraties. Le très beau texte d’Alexis de Tocqueville (1805-1859) De la démocratie en Amérique (1835 et 1840), montre que la démocratie peut se perdre dans cette évolution-là, en ôtant aux gens la possibilité de penser. « Que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? », disait Tocqueville dans cet essai. Comment un aristocrate du XIXème siècle peut-il nous parler de la démocratie d’aujourd’hui ?

En décembre, vous aviez annoncé devant les élus du Conseil national la fin des jeux de table en Principauté, ce qui a été très mal perçu ?

J’ai annoncé la fin d’une certaine façon de jouer. Le métier de croupier change, et ce n’est jamais facile de changer. Mais la Société des Bains de Mer (SBM) a pris des mesures remarquables pour faire de Monaco LA place forte des jeux en Europe.

C’est vraiment réaliste comme objectif ?

C’est un objectif essentiel pour la SBM et pour la Principauté. On doit continuer à être un lieu d’excellence en ce qui concerne les jeux de table. La manière de jouer change et les croupiers s’adaptent.

Vous regrettez de vous être exprimé aussi directement devant le Conseil national ?

Est-ce qu’il fallait le dire aussi clairement ? C’est toute la question du courage en politique. Oui, je dis que la façon de jouer avait changé et qu’il faut que l’on s’adapte. Aujourd’hui, la SBM ne gagne plus de l’argent de la même façon. Cette entreprise enregistre des pertes liées à un certain nombre d’investissements. Mais dans deux ans, dans cinq ans, dans 10 ans, ces investissements permettront de générer des revenus supplémentaires.

Vous êtes d’accord avec l’élu Union Monégasque, Bernard Pasquier, qui a estimé en séance publique que c’était désormais les revenus de l’immobilier qui payaient les salaires des croupiers ?

Je ne veux pas commenter les prises de position des élus. Ce qui est sûr, c’est que la SBM s’adapte. Le dialogue social mis en place avec le secteur des jeux par le directeur des jeux, Pascal Camia, et le président-délégué de la SBM, Jean-Luc Biamonti, est essentiel.

Vous avez insisté et manifesté à plusieurs reprises un très fort soutien à la direction de la SBM : c’est parce qu’elle est fragilisée ?

Non, c’est une réaction qui répondait aux interrogations du Conseil national. Car les élus mettaient fortement en cause le management de la SBM. Ça leur appartient. Et il appartient au gouvernement de redire la confiance que l’on porte au management de cette entreprise. Le management de la SBM prend en compte l’évolution de la façon de jouer en Europe. Donc le gouvernement réitère sa confiance au management de la SBM.

À Monaco, le secteur industriel va être irrémédiablement remplacé par le secteur des nouvelles technologies ?

Non. C’est l’une des raisons pour lesquelles Monaco est engagé dans la négociation d’un accord d’association avec l’Union européenne (UE). L’objectif est de permettre aux industries installées en Principauté d’exporter sur le marché européen. Donc l’industrie monégasque et ses emplois ne vont pas disparaître. Le gouvernement fait en sorte de préserver ce secteur d’activité.

Le Prince Albert a insisté sur la lutte anti-corruption : quels sont vos principaux axes de travail sur ce sujet ?

Nos axes sont ceux fixés par le Prince Albert. Il a souhaité que la Principauté soit absolument vertueuse dans ce domaine, donc le gouvernement met en place cette ligne de force des engagements du Prince.

En novembre 2016, plusieurs Belges ont été interpellés à Bruxelles, soupçonnés d’avoir payé des fonctionnaires monégasques pour obtenir un statut fiscal avantageux : cela salit l’image de Monaco et de son institution judiciaire ?

Il s’agit de comportements individuels qui sont sanctionnés. Mais la bonne nouvelle, c’est que nous sommes capables de détecter ces mauvais comportements et de prendre les mesures qui s’imposent. Ce sont des comportements humains. Ce n’est pas l’institution qui est en cause.

Comment jugez-vous la stratégie développée au centre hospitalier Princesse Grace et les travaux en cours ?

Il a été décidé de reconstruire un hôpital sur l’hôpital et je crois que ce choix est justifié par ce que l’on souhaite faire. Il s’agit de préserver 440 lits et d’avoir les meilleurs plateaux techniques de la région. Ces travaux vont durer 7 ou 8 ans et pendant ce temps, le centre hospitalier Princesse Grace (CHPG) doit continuer à fonctionner.

Les professions réglementées de la Principauté sont toujours inquiètes par rapport aux négociations entre Monaco et l’UE ?

Une réunion spécifique a été organisée le 7 février dernier avec eux, des élus du Conseil national, le conseil économique et social (CES) et la fédération des entreprises monégasque (Fedem). L’objectif était d’éviter que l’on puisse dire des choses différentes au Conseil national et au gouvernement. On a parlé d’Europe tous ensemble. Soit il y aura un bon accord avec l’UE, soit il n’y aura pas d’accord du tout. Donc ce sera forcément un bon accord et il concernera aussi les professions réglementées.

Un accord avec l’UE remettrait à plat ce principe de l’imposition des Français en Principauté ?

Non. Ce n’est pas sur la feuille de match… C’est sûr, il n’y aura pas d’effet sur la fiscalité des Français installés à Monaco.

L’Etat monégasque a signé des partenariats avec l’ASM et l’ASM Basket : pour l’instant, c’est un pari payant ?

C’est exceptionnel pour une ville-Etat comme Monaco d’avoir une équipe de football première de son championnat de Ligue 1 (L1) et une équipe de basket leader de son championnat. Le 21 février, j’étais à Manchester, à l’Etihad Stadium, avec le Prince Albert pour assister au huitième de finale aller de Ligue des Champions entre Manchester City et l’AS Monaco. L’ASM a fait la une de tous les journaux anglais grâce au spectacle donné par l’équipe de Jardim et de Vasyliev. C’est une grande satisfaction pour le chef de gouvernement que je suis. Même si le résultat (5-3 pour Manchester City) n’est pas celui que l’on espérait.

Vous ne regrettez donc pas le partenariat signé avec l’AS Monaco et avec l’AS Monaco Basket, malgré l’incertitude liée à l’aléa sportif ?

Je ne regrette pas ces partenariats. C’est beaucoup moins coûteux qu’une campagne de communication traditionnelle et c’est bien plus efficace. Monaco dépasse largement les 2 km2 de ses frontières grâce au sport, le football surtout, mais aussi le basket, puisque Monaco a encore remporté cette saison la Leaders Cup.

Comment parvenir à concilier développement économique et écologie ?

Ce sera compatible ou ça ne sera pas. Cette vision du progrès est en train de se heurter aux limites du vivant. Donc développement et écologie seront nécessairement réconciliés. C’est aussi un enjeu pour la Principauté. Le Prince Albert incarne une conscience morale sur un certain nombre de sujets, comme les océans ou la biodiversité par exemple. Il n’y a désormais plus de différence entre l’homme d’un côté et la nature de l’autre. Si on ne fait pas attention à la planète, c’est la place de l’homme dans le vivant qui sera menacée.

 

(1) Ce comité de suivi environnemental est composé de 7 experts : Denis Allemand, directeur du Centre scientifique de Monaco (CSM) ; David de Monbrison, spécialiste des aménagements portuaires et leurs impacts sur la biodiversité ; Giulio Relini, membre du conseil scientifique de l’Institut océanographique et spécialiste en récifs artificiels, biocénose benthique, espèces allochtones, cirripèdes ; Samir Nassif, spécialiste en génie civil et travaux maritimes ; Sylvain Pioch, écologue marin travaillant sur les mesures compensatoires et l’écoconception ; Marcel Stive, professeur de génie côtier et de génie hydraulique et François Simard, ancien directeur adjoint du musée océanographique, directeur-adjoint du programme marin et polaire de l’International Union for Conservation of Nature (IUCN).
(2) Dans une interview publiée dans Monaco Hebdo n° 1003, l’élu Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda, président de la commission environnement et cadre de vie du Conseil national, a estimé qu’en « externalisant le traitement des déchets, nous nous donnons la chance de récupérer des milliers de m2 dont nous avons un grand besoin, réalisant ainsi un gain financier, auquel il faut ajouter une économie de 100 millions d’euros, qui est le coût estimé actuel de la nouvelle usine. Enfin, poursuivre l’incinération de déchets à 50 mètres d’un nouveau collège et à 300 mètres du nouvel hôpital ne me semble pas une idée défendable. »