vendredi 29 mars 2024
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Retraites des fonctionnaires?:
« Il y a un problème »

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James Charrier
James Charrier © Photo Monaco Hebdo.

Alors que le département des finances peaufine son projet de budget rectificatif 2012, la commission supérieure des comptes vient de rendre son verdict sur la rigueur budgétaire du gouvernement. Interview de son président James Charrier.

Monaco Hebdo?: En période de crise, Monaco a limité la casse en termes de recettes. Mais l’on observe tout de même une baisse des recettes fiscales. Comment les optimiser??
James Charrier?: Ce serait trop simple s’il y avait une méthode miracle… Pour Monaco, la recette fiscale la plus importante, c’est la TVA. Or si l’action de la Principauté est importante en la matière, elle n’est pas déterminante. Monaco applique la même législation que la France, les taux sont imposés au gouvernement monégasque. Depuis les années 60, cette relation fiscale est formalisée dans le compte de partage. La marge de manœuvre est limitée. Comme c’est le cas pour les droits de douane.

M.H.?: La renégociation du compte de partage est d’ailleurs l’un des prochains rendez-vous pour la France et Monaco. Craignez-vous des exigences du gouvernement français socialiste??
J.C.?: La formule forfaitaire, qui a prévalu pendant des années et qui était relativement favorable à la Principauté, a été corrigée par une meilleure approche des flux réels. Actuellement, nous avons une formule qui fonctionne normalement. Je ne pense pas que le nouveau gouvernement français ait quelque chose à redire. De manière générale, j’espère que les relations franco-monégasques ne seront pas altérées avec ce nouveau gouvernement.

M.H.?: Depuis l’an passé, le gouvernement a tout de même décidé d’optimiser la perception des recettes d’Impôt sur les bénéfices (ISB) et désormais de TVA. Il faut selon vous encore intensifier les contrôles chez les acteurs économiques de la place??
J.C.?: Monaco peut agir sur deux choses?: l’assiette de l’impôt et son recouvrement. Il faut donc contrôler que l’assiette déclarée est bonne et mener une action rigoureuse en termes de perception. Le fisc monégasque s’y emploie. Mais on peut toujours avoir un contrôle encore plus attentif.

M.H.?: Cette recherche d’optimisation de l’impôt et la quête de l’équilibre budgétaire, c’est nouveau pour Monaco. Cette démarche est venue avec la crise. C’est conjoncturel selon vous ou la tolérance que l’on pouvait constater à l’égard des commerçants et de certaines banques est finie??
J.C.?: Pour l’Etat, il s’agit désormais de dépenser moins pour dépenser mieux. Mais aussi d’encaisser plus. Cela s’explique par le fait que le climat économique a changé. Nous ne sommes plus dans une époque de prospérité et de grande aisance. La rigueur — qui n’est pas l’austérité — est une chose essentielle.

M.H.?: Dans le rapport de la commission supérieure des comptes, entre les lignes, vous dénoncez certains frais dispendieux s’agissant des dépenses d’entretien ou de manière générale du train de vie de l’Etat. Vous préconisez un gel des crédits pour le recrutement dans la fonction publique??
J.C.?: L’Etat doit en effet faire encore un effort sur certaines dépenses, qu’elles soient liées à la fonction publique, à l’entretien ou aux subventions accordées aux tiers. Il ne peut plus recruter autant d’agents et de fonctionnaires. Le gel des crédits est une méthode que l’on peut utiliser dans des délais brefs. Le gouvernement doit mesurer ses besoins réels en personnel et répartir les fonctionnaires en fonction de ses besoins. Il doit également limiter l’augmentation des rémunérations et prohiber les avancements trop systématiques avant les départs à la retraite comme il le pratique aujourd’hui. Quand on a de l’argent, on peut se permettre d’être généreux. La situation a changé.

M.H.?: Quel est le risque??
J.C.?: Aujourd’hui, les recettes couvrent les dépenses ordinaires. Mais si l’augmentation de ces dépenses de fonctionnement continue et que les recettes ne progressent pas, on arrivera à une situation où les dépenses ordinaires ne seront plus couvertes. Bientôt, le déficit budgétaire ne sera plus dû à la politique d’investissement de la Principauté mais à ce qu’on appelle le train de vie de l’Etat.

M.H.?: Jean-Joseph Pastor, l’ancien doyen du conseil national, affirmait qu’en 40 ans de mandat, il n’avait pas vu une opération d’équipement ne pas exploser son budget. A quoi sont dus ces dépassements d’enveloppes budgétaires et comment y remédier??
J.C.?: Ces opérations d’équipement coûtent déjà très cher et il est vrai que très souvent, on se retrouve avec des variations anormalement élevées entre le prix initial et la réalisation finale. Ces dépassements sont dus au fait que, en cours de route, les programmes ont subi des modifications importantes. Or normalement, c’est au départ qu’on décide ce qu’il faut faire et l’enveloppe budgétaire afférente. Pas pendant l’opération…

M.H.?: Jugez-vous qu’il y a des opérations superflues ou peu pertinentes?? On pense par exemple au marché de la Condamine dont les travaux devaient coûter plus de 15 millions d’euros. Au final, la modernisation du marché devrait coûter moins de 2 millions…
J.C.?: Le cas du marché de la Condamine est typique. Ce marché avait déjà fait l’objet de dépenses relativement importantes dans les années 90. C’est une bonne chose d’être revenu sur un projet trop coûteux.
M.H.?: Pensez-vous qu’il faudrait multiplier les procédures de mise en concurrence?? Voire se doter d’un vrai code des marchés publics??
J.C.?: Il y a dans bien des cas un déficit de mise en concurrence. Mais les règles existent. Un code serait utile mais cela ne représente toutefois pas une urgence.

M.H.?: Quelles sont les urgences selon vous??
J.C.?: Il faut revenir à une situation d’équilibre. Un endettement porterait atteinte à l’indépendance et à la souveraineté de la Principauté. Monaco aujourd’hui n’a pas de dette publique, pas d’emprunt car les réserves du fonds de réserve constitutionnel lui permettent de couvrir son déficit. En outre, aujourd’hui, le FRC finance la Tour Odéon, la ZAC Saint-Antoine… Cette situation doit être régularisée.

M.H.?: On parle actuellement de la réforme du système de retraite des salariés. Dans votre rapport, vous vous inquiétez aussi de celle des fonctionnaires…
J.C.?: L’Etat doit considérer qu’il y a un problème. Depuis des années, la commission s’inquiète de la progression constante du nombre de retraités de la fonction publique étatique et des dépenses qui y sont liées. Au 31 décembre 2005, on comptait 1?522 retraités pour 3?343 actifs. Au 31 décembre 2010, on recensait 1?768 retraités pour 3?500 fonctionnaires en activité. La part des pensions augmente dangereusement. Ce qui représente pour l’Etat une part importante pour les budgets à venir et ce qu’on appelle la dette viagère.

M.H.?: Quelles mesures doit alors prendre le gouvernement??
J.C.?: Il n’y a pas de mesures spectaculaires à édicter. En revanche, il faut geler impérativement les effectifs. Par ailleurs, l’Etat doit cesser d’encourager les départs à la retraite anticipée. L’allongement de la vie humaine change complètement les données.

M.H.?: Pour son budget 2012, le gouvernement avait pris une mesure qui a fait du bruit?: baisser de manière drastique le budget culturel de la Principauté, cette diminution étant compensée par un sponsoring des banques aux établissements culturels. Pensez-vous que cette solution doit être pérennisée??
J.C.?: Les activités culturelles profitent à de très nombreux secteurs. Il est logique de les sponsoriser?; la démarche n’est pas mauvaise à condition de connaître les contreparties et que les intéressés soient d’accord. Le procédé n’est d’ailleurs pas nouveau. Dans le passé, le rallye organisé par l’Automobile Club, qui reçoit désormais une subvention de l’Etat, était financé complètement par la Société des bains de mer…

M.H.?: Dans le budget, on compte également une provision de près de 50 millions d’euros pour le futur centre hospitalier princesse Grace. Ce type de financement est-il idoine selon vous??
J.C.?: La provision est une notion étrangère au droit budgétaire. On a introduit au fil du temps cette donnée. Concrètement, il s’agit de créer un compte affecté à une dépense qui ne sera utilisée que plus tard. Cela avait été déjà testé pour la construction de la digue du large. C’est un système qui permet d’étaler le financement. C’est un peu en marge des procédures budgétaires mais la méthode peut trouver une justification…