mardi 16 avril 2024
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Albert II : « Cette période de crise sanitaire est un signal d’alarme »

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Crise sanitaire et Covid-19, environnement, remaniement ministériel, déficit public, grands travaux, droits des femmes, AS Monaco… Dans une longue interview accordée à Monaco Hebdo, le prince Albert II s’est exprimé sur les sujets qui font l’actualité de la principauté.

Comment vivez-vous cette crise sanitaire qui dure depuis un an déjà ?

Je pense que c’est l’une des périodes les plus difficiles que le monde ait connue, sans doute depuis le deuxième conflit mondial. Nous vivons une période incroyable. C’est un moment de grand questionnement, de grands doutes, de grandes incertitudes sur le présent, bien sûr, mais aussi sur l’avenir à court, moyen et long terme. Dans cette période trouble, évidemment, beaucoup de différentes notions émergent. Les théories les plus invraisemblables font leur apparition. Mais je crois que c’est une période pendant laquelle il faut que l’on se pose les bonnes questions.

Lesquelles ?

Il faut revenir à des notions essentielles, à des notions liées à l’importance de la famille, aux amis, aux liens sociaux que nous avons, et à l’importance de ce que nous aimons et voulons faire. Cette crise sanitaire est aussi une occasion de se recentrer sur tout cela, sur les choses importantes. Mais aussi sur l’impact que nous avons sur notre planète. C’est le moment de réfléchir à ce que pourraient être les meilleures solutions pour rétablir ce lien entre l’homme et la nature. Entre la santé de la planète et la santé humaine, entre la santé animale et la santé humaine.

Prince Albert II de Monaco interview
©Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« Je pense que c’est l’une des périodes les plus difficiles que le monde ait connue, sans doute depuis le deuxième conflit mondial. Nous vivons une période incroyable »

Comment voyez-vous l’après-Covid ?

Lorsque cette crise sera terminée, nous aurons une formidable opportunité pour repartir sur de bonnes bases. Cette période de crise sanitaire, et de crise économique et sociale qui en découle, est un signal d’alarme. Fort de ce signal d’alarme, il faut que nous en prenions toute la mesure, et que nous mettions en place un mode de développement, non seulement plus juste et plus équitable, mais aussi beaucoup plus durable. Un mode de développement qui nous permette de rétablir ce lien entre l’homme et la nature. Et avec tout ce que la nature peut et doit nous apporter. Cela doit nous aider à mieux vivre, et surtout à survivre, sur cette planète.

Prince Albert II de Monaco interview
« S’il n’y a pas une reprise d’activité plus importante dans les mois à venir, il y aura d’autres choses à envisager. Mais nous espérons tous une sortie de cette crise avant la fin de l’année 2021. » Le prince Albert II. ©Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« S’il devait y avoir un confinement en France, nous serions bien obligés de suivre. Mais c’est vraiment la dernière option qui sera sur la table »

Avec un taux d’incidence qui a désormais dépassé 400 (1) pour les contaminations au Covid-19, considérez-vous que la situation est dans le rouge à Monaco ?

On n’est pas tout à fait passé au niveau rouge. Mais, malheureusement, c’est un taux d’incidence élevé qui s’établit à quelque chose comme 436. C’est un niveau préoccupant. Toutefois, ce niveau est moindre que dans le département des Alpes-Maritimes et que dans la métropole niçoise. Pour expliquer cela, il faut souligner les mesures prises par le gouvernement, à savoir le maintien du couvre-feu à 19 heures, la quasi-obligation, lorsque cela est possible, d’aller vers le télétravail, la suspension des activités culturelles et sportives dans les lieux clos, une meilleure distanciation et une nouvelle jauge du nombre de personnes par mètre carré… Il faudra un peu de temps pour en mesurer les effets. Mais on espère fortement que ces mesures, en plus de la vaccination, qui continue de se dérouler dans un rythme tout à fait acceptable, vont nous amener vers un meilleur taux d’incidence. Il faudra quand même faire attention et rester vigilant et mobilisé, parce que dans quelques jours nous aurons le début des vacances de février. Or, c’est pendant ces périodes de congés que les moments sont propices à un plus grand brassage de population, qui favorise la circulation du virus.

Mais dans la mesure où les déplacements restent limités, les brassages de population sont aussi limités ?

On voit bien que, même s’il y a des couvre-feux, il y a des gens qui le respectent plus ou moins. Pas en principauté, mais on le voit ailleurs. A Monaco, le couvre-feu est assez bien respecté. Mais je veux insister sur la responsabilité de chacun. Chacun doit être plus responsable, en respectant les gestes barrières bien sûr, y compris dans la sphère privée. Car plus de la moitié des contaminations se font lors de moments de convivialité, en famille, ou entre amis. Ces gestes barrières ne sont pas là uniquement pour protéger les autres, c’est aussi pour se protéger soi-même. Tant que la quasi-totalité de la population de Monaco n’est pas vaccinée, et même si la vaccination se poursuit à un rythme soutenu, il faudra continuer à avoir ces gestes barrières. Peut-être même qu’il faudra les continuer pendant plus longtemps encore, parce que, si on se déplace dans des pays qui n’ont pas eu de vaccination, il faudra aussi se protéger.

L’hypothèse d’un nouveau confinement prend de l’épaisseur ?

Un reconfinement n’est pas un scénario que nous retenons, pour l’instant. Bien entendu, s’il devait y avoir un confinement en France, nous serions bien obligés de suivre. Mais c’est vraiment la dernière option qui sera sur la table.

« Tant que la quasi-totalité de la population de Monaco n’est pas vaccinée, et même si la vaccination se poursuit à un rythme soutenu, il faudra continuer à avoir ces gestes barrières. Peut-être même qu’il faudra les continuer pendant plus longtemps encore »

Avec la crise sanitaire qui s’installe, où en sont les négociations pour un accord d’association entre Monaco et l’Union européenne (UE) ?

Depuis le début de la crise sanitaire, les négociations avec l’UE pour cet accord d’association ont subi un ralentissement. Mais on ne peut pas dire qu’elles se sont interrompues, puisqu’il y a eu trois sessions en 2020. Ces sessions ont essentiellement été consacrées à l’examen de textes techniques relevant de l’acquis communautaire. Pour cette année 2021, cinq sessions sont programmées.

Un calendrier précis est prévu ?

Il n’y a pas de calendrier de négociation pré-établi. Nous avons toujours indiqué à l’UE que, pour nous, l’objectif est d’obtenir le meilleur accord possible, en prenant le temps qu’il faudra. En conséquence, la substance est prioritaire devant le calendrier. Nous ne sommes pas pressés. L’UE a d’autres dossiers plus urgents et plus importants, ce qui est tout à fait compréhensible. L’essentiel, c’est que les négociations continuent. L’appui de la France est toujours présent. Si accord il doit y avoir, il faut qu’il tienne compte des spécificités de la principauté, et aussi que l’UE se sente confortable avec cet accord.

La feuille de route donnée à votre ministre d’Etat, Pierre Dartout, le 1er septembre 2020 est-elle dans le strict prolongement de celle de son prédécesseur ?

La feuille de route confiée à Pierre Dartout est en grande partie similaire à celle de son prédécesseur. Elle est principalement, mais pas uniquement, différente du fait de la situation qui sort de l’ordinaire, avec la pandémie de Covid-19. Nous sommes confrontés à des défis, non seulement sanitaires, mais également économiques et sociaux, qui nécessitent une gestion de crise que nous n’avons jamais connue dans les années récentes. Je suis satisfait des actions et des mesures engagées par le gouvernement, en collaboration avec le Conseil national. Gouvernement et Conseil national discutent régulièrement de la crise sanitaire dans le cadre d’une commission mixte de suivi qui fonctionne très bien. Pour faire face, des programmes de soutiens économiques ont été apportés à l’ensemble des acteurs de notre économie. C’est tout à fait inédit et lourd. Mais il fallait mettre ça en place. Pour que les meilleures solutions et les meilleures réponses puissent être apportées à ces problèmes qui sortent tout à fait du cadre normal.

« Depuis le début de la crise sanitaire, les négociations avec l’UE pour cet accord d’association ont subi un ralentissement. Mais on ne peut pas dire qu’elles se sont interrompues, puisqu’il y a eu trois sessions en 2020 »

Un remaniement est-il envisagé au sein du gouvernement ?

Si remaniement il devait y avoir, je l’annoncerais en temps et en heure voulue. Les médias seront informés de façon prioritaire. Mais je pense qu’il est difficile d’envisager un remaniement dans cette période de gestion de crise quasiment journalière. Chaque jour, on essaie de s’adapter, en donnant les meilleures réponses possibles. Donc, pour l’instant, un remaniement n’est pas d’actualité.

Alors que la crise sanitaire se poursuit, comment Monaco peut-il redresser ses finances ?

Bien que le second budget rectificatif 2020 et le budget primitif 2021 soient en déficit, ce déficit est maîtrisé. A ce jour, l’état des finances publiques n’est pas préoccupant. Ce déficit ne sera pas une dette pour les générations futures. Il sera supporté par le fonds de réserve constitutionnel, comme c’est traditionnellement le cas. Cela répond d’ailleurs à la vocation de ce fonds de réserve, puisque son rôle c’est d’être une réserve financière en cas de situation exceptionnelle. Malgré la crise sanitaire, les recettes se maintiennent à un niveau élevé. Le gouvernement anticipe et réfléchit à la manière de générer de nouvelles recettes, notamment en pérennisant les principaux secteurs de notre économie. Mais aussi en favorisant l’innovation et l’émergence de nouvelles activités. La transition numérique, qui a été lancée avant cette crise sanitaire, en est l’exemple parfait. L’un des enseignements de cette crise du Covid-19, c’est d’avoir renforcé la place du numérique dans tous nos secteurs d’activités. Que ce soit les secteurs économiques, la santé, l’éducation, et même la culture. La période post-Covid devrait accélérer cette transition numérique.

Monaco devra aussi faire des économies ?

Parallèlement, et sans remettre en cause notre modèle social, ni les dépenses d’équipements qui constituent un investissement pour l’avenir, une attention toute particulière va être apportée au contrôle des dépenses. Plus globalement, la relance de la principauté se fera selon trois axes.

Lesquels ?

La relance de la principauté passera par de nouvelles recettes, par le développement d’activités innovantes complémentaires de notre économie, et enfin par une meilleure analyse et une meilleure appréhension des dépenses budgétaires. Mais je ne vous cache pas que si la crise se prolonge au-delà de l’année 2021, il faudra peut-être prendre d’autres mesures. En attendant, je reste optimiste pour les finances de la principauté.

De quelle façon l’économie monégasque est-elle impactée par la crise sanitaire et quelles en sont les principales conséquences ?

Tous les secteurs d’activité sont touchés par la crise sanitaire. Bien entendu, c’est principalement le secteur de l’hôtellerie, de la restauration, des loisirs, de l’évènementiel, ainsi que certains commerces qui sont les plus touchés et qui connaissent les plus grandes difficultés. Les différentes aides que l’Etat a pu proposer se concentrent à l’heure actuelle surtout sur ces secteurs. Je salue le travail remarquable effectué par la commission d’accompagnement de la relance économique (Care), composée de membres du gouvernement, du Conseil national et de professionnels des différents secteurs d’activités concernés. Cette commission travaille de façon tout à fait remarquable. Depuis le début de la crise, et c’est assez surprenant, les chiffres montrent que les principaux contributeurs au budget de l’Etat, que sont le secteur de l’immobilier, du BTP, les activités financières, les assurances, les activités tertiaires, et les activités de commerces en gros, ont maintenu un niveau tout à fait acceptable de leurs chiffres d’affaires. Donc je pense qu’on peut être relativement optimiste. Bien sûr, s’il n’y a pas une reprise d’activité plus importante dans les mois à venir, il y aura d’autres choses à envisager. Mais nous espérons tous une sortie de cette crise avant la fin de l’année 2021.

En France, la loi Copé-Zimmermann imposant 40 % de femmes dans les conseils d’administration fête ses 10 ans : seriez-vous favorable à une loi similaire en principauté ?

C’est une question tout à fait importante. Je m’attache à ce que cet équilibre entre hommes et femmes soit respecté en principauté. Mais, compte tenu de nos spécificités, je ne pense pas qu’une loi imposant des quotas soit la meilleure façon d’assurer cette parité à Monaco. Les quotas apportent bien sûr une réponse chiffrée à cette question. Mais, pour moi, c’est aussi une question d’opportunités, une question de mettre l’égalité là où elle doit être, et non pas là où elle pourrait être. Donc, à la coercition je préfère la valeur positive de l’exemple et la notion de pacte de bonne conduite.

Prince Albert II de Monaco interview
©Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« Il est difficile d’envisager un remaniement dans cette période de gestion de crise quasiment journalière. Chaque jour, on essaie de s’adapter, en donnant les meilleures réponses possibles. Donc, pour l’instant, un remaniement n’est pas d’actualité »

Et ça marche ?

Dans la fonction publique, 57 % des cadres A sont des femmes. Dans la diplomatie, par exemple, dans notre département des relations extérieures, il y a plus de femmes que d’hommes : nous avons 16 ambassadeurs, et il y a 10 femmes pour 6 hommes. Enfin, au sein des institutions élues, le Conseil national compte un tiers de femmes, avec une femme vice-présidente. Quant à la mairie, le conseil communal est à parité. Ces chiffres montrent donc qu’un équilibre peut être trouvé de façon naturelle, si la volonté et l’état d’esprit y sont.

Comment améliorer la situation globale de la représentation des femmes en principauté ?

Il y a bien sûr une marge de progression possible pour que les femmes soient davantage représentées dans certains secteurs, et notamment dans les conseils d’administration. Actuellement, il y a 31 % de femmes qui sont dans des conseils d’administration, dans des entités publiques ou privées dépendant de l’Etat. Ce n’est pas encore parfait, mais c’est encourageant. Ce mouvement est plus qu’en marche. Bien sûr, il ne peut pas se mettre en place du jour au lendemain. Mais si on accompagne cela et qu’on encourage cela, plutôt que par une loi qui oblige, on y arrivera. Et puis, je suis rassuré. Car lorsqu’on regarde la démographie, on voit que cela fait des décennies que nous avons plus de femmes que d’hommes chez les Monégasques.

Alors que la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 se poursuit, quels sont les sujets environnementaux sur lesquels il faut avancer en priorité ?

Cette crise sanitaire nous rappelle notre dépendance à la nature, ainsi que la relation forte entre la santé de la planète et la santé du monde. Cette crise doit nous inciter à redoubler d’efforts. Bien sûr, les sujets liés à l’environnement sont multiples. Les urgences sont multiples, car les déséquilibres sont nombreux. Mais je pense que les changements climatiques sont la priorité. On le voit bien, nous ne pouvons plus nous permettre d’émettre dans l’atmosphère des millions et des millions de tonnes de CO2. Ce n’est plus possible. La science nous montre que cela a des effets dévastateurs. D’abord sur la santé humaine, mais aussi sur les écosystèmes, qu’ils soient terrestres ou marins. Ensuite, il y a aussi la surexploitation des ressources marines et terrestres, et la disparition d’espèces qui mettent la biodiversité en grand danger. Après, bien sûr, qu’il faut préserver les espèces menacées, bien sûr qu’il faut développer les aires marines protégées, bien sûr qu’il faut lutter contre la pollution plastique sur terre ou en mer, bien sûr qu’il faut protéger et restaurer les écosystèmes fragilisés, bien sûr qu’il faut contribuer à faire avancer la connaissance scientifique et à favoriser le développement des énergies renouvelables… Tout cela, la principauté le sait, ma fondation le sait.

Prince Albert II de Monaco interview
« Pour l’instant, la vente de l’AS Monaco n’est pas d’actualité. L’actionnaire principal du club, M. Dmitri Rybolovlev, continue d’apporter un soutien financier constant. Il n’a pas renoncé à ses obligations. Il est toujours dans le même état d’esprit, qui est de soutenir l’AS Monaco. » Le prince Albert II. ©Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Votre fondation a été très active ?

Ma fondation fonctionne depuis juin 2006, donc depuis bientôt 15 ans. Pourtant, presque 600 projets plus tard, on est toujours confronté aux mêmes problèmes. Même si, grâce à des partenariats extraordinaires, nous avons pu apporter une petite contribution à l’amélioration de certaines zones, et à répondre à certaines urgences. On essaie toujours de faire comprendre qu’il est possible de concilier développement économique et préservation de l’environnement. De gros progrès ont été faits. La prise de conscience est beaucoup plus forte maintenant qu’auparavant de la part de la société civile, et de la part aussi des dirigeants. Mais il y a encore beaucoup de choses à améliorer.

Prince Albert II de Monaco interview
©Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« La relance de la principauté passera par de nouvelles recettes, par le développement d’activités innovantes complémentaires de notre économie, et enfin par une meilleure analyse et une meilleure appréhension des dépenses budgétaires »

Comment avancer sur les questions environnementales en 2021 ?

Il faut profiter des différents rendez-vous prévus en 2021 : la conférence de Glasgow de 2021 sur les changements climatiques, la COP26, qui se déroulera du 1er au 16 novembre 2021, la conférence sur la biodiversité qui sera maintenue, je l’espère, à Kunming, en Chine, du 17 au 30 mai 2021, ou encore le congrès de l’union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à Marseille, du 3 au 11 septembre 2021… Tous ces grands rendez-vous doivent nous inciter à prendre des mesures vraiment concrètes pour attaquer toutes ces urgences. Mais je le répète, l’urgence principale, c’est celle des changements climatiques.

Sur ce sujet-là, l’arrivée de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis, c’est une bonne nouvelle ?

Bien sûr. Joe Biden a très rapidement nommé l’ancien secrétaire d’Etat, John Kerry, comme envoyé spécial pour le climat. John Kerry est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, avec qui nous avons déjà travaillé avec ma fondation sur des questions liées aux océans. Il a d’ailleurs récemment tenu une grande conférence sur les océans aux Etats-Unis et au Chili, puis dans d’autres lieux. Ce sont des signes forts. Le fait que le président Biden ait tout de suite voulu que les Etats-Unis rejoignent l’accord de Paris, c’est un signal qui ne trompe pas. Ces questions environnementales sont parmi les priorités de Joe Biden. On a besoin du leadership des grands pays en général, et des Etats-Unis en particulier. Comment voulez-vous inciter les autres pays à continuer leurs efforts, si les pays principaux, qui sont aussi les principaux pollueurs, ne s’engagent pas dans les objectifs liés à cet accord de Paris ?

A son niveau, Monaco s’est aussi donné des objectifs environnementaux forts ?

La principauté fait de gros efforts en ce qui concerne la mobilité propre. Nous visons aussi le 0 déchet plastiques en 2030, mais aussi la généralisation de la mise en œuvre de bâtiments selon une norme que nous allons promouvoir en principauté : la norme bâtiments durables méditerranéens de Monaco (BD2M). Cette norme favorise les bonnes pratiques pour tendre vers des constructions et des rénovations éco-durables. Avec une réduction de l’impact des matériaux, une réduction des consommations d’eau, une réduction de la dépense énergétique, etc.

« Si la crise se prolonge au-delà de l’année 2021, il faudra peut-être prendre d’autres mesures. En attendant, je reste optimiste pour les finances de la principauté »

Concernant le projet immobilier de l’esplanade des Pêcheurs, suite à vos accords avec le promoteur, M. Antonio Caroli, un nouveau projet a-t-il été établi ?

Le nouveau projet qui m’a été présenté par M. Caroli et qui a été présenté après au ministre d’Etat et au gouvernement, prend en compte toutes les observations qui avaient été formulées. Ce nouveau projet répond, je pense, de bonne façon à toutes les interrogations et à toutes les inquiétudes qui étaient nées du projet précédent. Le ministre d’Etat et une partie du gouvernement ont déjà reçu M. Caroli. Les discussions avancent. Elles se poursuivent avec le gouvernement sur un certain nombre de points, notamment sur les contreparties devant revenir à l’Etat. C’est d’ailleurs ce que j’avais demandé au ministre d’Etat. C’était dans la feuille de route que j’avais laissée au ministre d’Etat, de trouver un accord, que tout le monde se mette d’accord pour qu’un protocole soit rapidement signé entre l’Etat et la société Caroli Immo, pour avancer sur ce projet. Lorsque cet accord sera signé, bien sûr, ça permettra la présentation du projet au Conseil national. Et puis, après, le processus continuera, jusqu’à la délivrance d’un permis de construire. Nous n’en sommes pas encore là, mais j’ai bon espoir que nous arriverons à la fin du printemps 2021 à ce que ce projet soit présenté au Conseil national. J’ai indiqué au ministre d’Etat l’importance que j’accordais à ce projet, et qu’il avait le mandat d’arriver à un accord, et de signer ce protocole d’accord. Dans ce nouveau projet, il y a toujours un musée, il y a les espaces suffisants pour les exigences du parc média pour le Grand Prix, il y a les circulations sécuritaires autour de l’immeuble, et il y aura un petit immeuble qui prend la place de l’ancien projet de musée des princes. Cet immeuble sera donc consacré à de l’immobilier ou peut-être à du domanial. C’est un projet équilibré. C’est un projet qui a tenu compte de toutes les remarques faites précédemment, et notamment de ne pas trop impacter la vue sur et depuis le fort Antoine, ce qui avait représenté certaines inquiétudes.

« Le nouveau projet [pour l’esplanade des Pêcheurs] prend en compte toutes les observations qui avaient été formulées. Ce nouveau projet répond, je pense, de bonne façon à toutes les interrogations »

Comment jugez-vous la moitié de saison de l’AS Monaco ?

L’AS Monaco est sur une bonne série de victoires. Ce sont des résultats encourageants. On commence à voir une bonne dynamique. L’équipe type s’est bien dessinée, maintenant. Le système de jeu est bien en place. Je crois que l’entraîneur, Niko Kovac, y est pour beaucoup, aussi. Je trouve qu’il y a un bon équilibre entre les lignes. Il y a encore quelques petites approximations en défense, mais je pense que ça va pouvoir se corriger. On peut légitimement espérer une saison satisfaisante, et peut-être même plus.

En juillet 2020, le vice-président de l’AS Monaco, Oleg Petrov, a dit viser une place qualificative pour la Ligue des Champions 2021-2022 : ça vous semble réalisable ?

J’évite toujours de donner publiquement des pronostics trop hâtifs. Bien sûr, si on continue sur cette dynamique, pourquoi pas ? Mais les saisons sont longues, même si nous n’avons pas de matches de Coupe d’Europe cette saison. Et il faut toujours faire attention aux blessures. Or, nous avons certains joueurs un peu fragiles, qui nous ont déjà montré dans les saisons passées qu’ils se blessent malheureusement assez souvent. Il faut faire attention à ça. Mais, bien évidemment, l’objectif, c’est de rejoindre à plus ou moins courte échéance l’Europe.

Et la « grande Europe » de préférence, avec la Ligue des Champions ?

Bien sûr. Mais si c’est la Ligue Europa, c’est bien aussi. A partir du moment où on joue une Coupe d’Europe, je serai content.

L’AS Monaco pourrait être vendue et intéresse toujours des groupements d’acheteurs internationaux ?

Pour l’instant, la vente de l’AS Monaco n’est pas d’actualité. L’actionnaire principal du club, M. Dmitri Rybolovlev, continue d’apporter un soutien financier constant. Il n’a pas renoncé à ses obligations. Il est toujours dans le même état d’esprit, qui est de soutenir l’AS Monaco. Pour le moment, il n’y a pas de changement de prévu.

A vos yeux, quel est le projet le plus important de votre règne pour les 10 ans à venir ?

Nous avons des projets d’équipements qui sont très importants : l’extension en mer, le nouvel hôpital, la possible construction du téléphérique qui partirait du Jardin Exotique pour rejoindre Fontvieille, la rénovation du centre commercial de Fontvieille… Il y a aussi le programme de construction de logements domaniaux pour les Monégasques qui va se poursuivre, avec plusieurs milliers de logements qui seront livrés d’ici 12 ans maintenant.

Prince Albert II de Monaco interview
« Comment voulez-vous inciter les autres pays à continuer leurs efforts, si les pays principaux, qui sont aussi les principaux pollueurs, ne s’engagent pas dans les objectifs liés à cet accord de Paris ? » Le prince Albert II. ©Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« Cette idée de métro entre Nice et Monaco est alléchante et intéressante. Elle pourrait vraiment apporter une belle solution à tous nos problèmes de circulation et d’accès à la principauté. Nous sommes tout à fait ouverts à la création d’un tour de table »

Il y a aussi cet hypothétique projet d’un métro entre Nice et Monaco ?

Pour le moment, il n’y a rien de concret. Je n’ai vu aucun plan, ni aucune étude pour l’instant. Cette idée de métro entre Nice et Monaco est alléchante et intéressante. Elle pourrait vraiment apporter une belle solution à tous nos problèmes de circulation et d’accès à la principauté, surtout aux heures de pointes. Nous sommes tout à fait ouverts à la création d’un tour de table. Mais l’enjeu le plus important pour nous, et pour la planète entière, c’est la préservation de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques. Si on parvient à des avancées significatives dans ce domaine-là, ça sera très important pour nous tous. Comme tous les pays, la principauté a son rôle à jouer. Et j’entends bien que Monaco joue ce rôle d’apporteur de solutions, même à son petit niveau.

1) Le taux d’incidence correspond au nombre de cas positifs enregistrés sur les 7 derniers jours, rapporté à 100 000 habitants.

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