Le conseiller de gouvernement aux affaires sociales et à la santé, Didier Gamerdinger, vient de dévoiler son plan national pour accompagner la vieillesse et la dépendance. Trois structures d’accueil seront construites d’ici 2040. Il faudra désormais avoir résidé 30 ans à Monaco, contre 5 auparavant, pour accéder aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes monégasques.
Le sujet revient sur la table depuis de nombreuses années. Lundi 17 juin, le conseiller de gouvernement aux affaires sociales et à la santé, Didier Gamerdinger, avait convié plusieurs acteurs publics pour expliciter son plan. Pour que la projection soit la plus juste, il a demandé à ses équipes de quantifier avec précision les futurs besoins, ainsi que le nombre d’attributaires. En 2019, 27,5 % de la population vivant à Monaco a plus de 65 ans, contre 14 % en France. Et la moyenne d’âge dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la principauté est de 87 ans. La dernière étude sur le sujet remonte à 2011. Celle-ci vient d’être réactualisée, avec une projection jusqu’en 2049. A ce jour, Monaco offre 342 places en institution : 70 lits à A Qietüdine, 88 lits au Cap Fleuri et 210 lits au Centre Rainier III. « Nous sommes au creux de nos capacités d’accueil. C’est une situation difficile », admet le conseiller. D’ici 2025, le Cap Fleuri pourra accueillir 206 personnes. Si on y ajoute les 80 places trouvées au sein de la fondation Hector Otto, on atteint 493 places. Cependant, selon les projections établies, ce n’est pas moins de 611 personnes qui auront besoin de ces services d’ici 2030, et même 1026 d’ici 2049.
400 places
Il devient donc urgent de prendre des décisions pour atteindre l’équilibre. « On aura la capacité de répondre aux besoins jusqu’en 2024-2026. Ensuite, il nous faudra un bâtiment supplémentaire de 120 places. Puis, à l’horizon 2040, c’est deux autres bâtiments de 120 places chacun dont on aura besoin. Par contre, c’est maintenant qu’il faut prendre une décision », insiste le conseiller-ministre. C’est la direction de la prospective qui a été chargée de trouver un premier terrain. Une possibilité a été identifiée du côté du boulevard du Larvotto. « 90 % du terrain appartient à l’État. Des négociations sont en cours pour acquérir les 10 % restant », indique Séverine Canis-Froidefond, directrice de la direction de la prospective de l’urbanisme et de la mobilité. Sur ce terrain répertorié pour le plan national logement, c’est une opération mixte qui devrait voir le jour, avec des lits hospitaliers et des logements domaniaux. « Nous avons trois bâtiments à construire. Ce qui fait 400 places à dégager », calcule Didier Gamerdinger. Les deux autres espaces n’ont pas été déterminés.
« Polémique »
Outre ces constructions, dont le coût global n’a pas été communiqué, et vu le nombre croissant de demandes, le gouvernement, en concertation avec le Conseil national, a pris une décision plus « polémique », comme le dit lui-même le conseiller-ministre. « Aujourd’hui, il faut cinq ans de résidence en principauté pour être accueilli en établissement pour personnes âgées dépendantes. » Mais depuis quelques années, l’État s’est rendu compte de la venue de « primo-arrivants ». Des jeunes retraités aisés qui décident de s’installer à Monaco pour leurs vieux jours. Mais aussi le phénomène des résidents étrangers actifs qui font venir leurs ascendants. « Des phénomènes relativement récents. » Des arrivées qui gonflent le nombre de potentiels attributaires, et qui n’ont pas été prévu dans le plan initial. « Cela nous a poussés à nous demander si, envers ces personnes-là, nous avions le même devoir de solidarité ? Et la réponse est non. » La règle a donc très vite été modifiée. La période nécessaire applicable passe dorénavant à 30 ans. Qu’adviendront alors ces personnes qui ont été autorisées à s’installer en principauté, mais qui seront indésirables au moment où ils seront les plus fragiles ? « On ne voulait pas les laisser sans solution. Nous avons signé plusieurs conventions avec des établissements accueillant ce public aux frontières de Monaco », explique le conseiller-ministre. En filigrane, on comprend facilement que ce sera donc à la France d’assumer la charge de l’installation de nouveaux résidents à Monaco. Cela provoquera-t-il un problème d’attractivité pour Monaco ? Car qui dit installation dans une institution française, dit perte de la carte de résident monégasque.
10 millions d’euros en 2049
Outre la dépendance, le plan du gouvernement prévoit tout un volet maintien à domicile. Il concerne 600 personnes à ce jour. D’ici 2049, ce chiffre devrait atteindre 769 personnes. Côté finance, le maintien à domicile a un coût de 3,2 millions d’euros. Cela devrait passer à 4,9 millions d’euros en 2030, et même dépasser 10,3 millions en 2049. Après 10 ans de statut quo, le montant des prestations d’autonomie vient d’être majoré de 10 %, passant de 22 à 24 euros de l’heure. Un surcoût de 150 000 à 200 000 euros pour l’État qui cofinance l’intervention de ces prestations. Six entreprises spécialisées dans l’aide à domicile ont été répertoriées à Monaco. Depuis quelques semaines, une ordonnance souveraine réglemente dorénavant l’accès au marché monégasque de celles qui veulent œuvrer dans ce domaine. Elles sont dans l’obligation de demander un agrément. « On veut relever le niveau de service », défend Didier Gamerdinger. C’est donc dans cette même optique qu’une procédure « de faits indésirables » a été introduite. « Les familles étaient un peu désorientées. Elles ne savaient pas à qui s’adresser en cas de problème », assure Alexandre Bordero, directeur de l’action sanitaire. Dorénavant, l’appel devra être passé au centre de coordination de gérontologie de Monaco (CCGM). Celui-ci saisira la direction de l’action sanitaire et sociale (DASA). Selon la gravité des faits, un médecin inspecteur pourra être sollicité. « On tient à ce qu’à chaque fois les gens soient reçus et entendus. On ne les laisse pas dans la nature », poursuit Alexandre Bordero. « Nous sommes là pour être prêt à intervenir en cas de dysfonctionnement », ajoute Didier Gamerdinger. A Monaco, le maintien à domicile fonctionne bien, grâce, notamment, aux nombreux services offerts par la mairie.
Préparer l’entrée dans le 4ème âge
Cela n’empêche pas les équipes du professeur Alain Pesce, en charge du service gérontologie du centre hospitalier Princesse Grace (CHPG), de regarder plus loin, pour mieux anticiper, et préparer l’entrée dans le quatrième âge. « La grande leçon, c’est qu’il faut s’y préparer plus tôt », souligne Gamerdinger. Trois grandes expérimentations dans le monde ont déjà eu lieu en Hollande, en Suède et en France. « Même si ce n’est pas simple du tout, car il faut attaquer le problème sous tous les fronts, ces programmes ont tous montré qu’il y avait une amélioration sur le déclin cognitif qui retardait la dépendance », abonde Alain Pesce. Les pré-fragilités apparaissent fréquemment dès le moment du départ à la retraite. Le professeur Pesce aimerait déployer à Monaco un programme de stimulation cognitive. « Cela sert à prévenir la fragilité cognitive et améliore la qualité de vie. » Des actions qui retarderaient, au final, le placement en institution.