vendredi 26 avril 2024
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Ordonnances Macron :
Des conséquences
« assez limitées » à Monaco

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La réforme du code du travail par ordonnances a été votée en France le 28 novembre 2017 à l’Assemblée nationale. Quelles sont les conséquences pour les salariés et les employeurs de la Principauté ? Et quelles sont les attentes des partenaires sociaux ? Monaco Hebdo fait le point.

Les membres de la direction du travail ont eu un été particulièrement studieux… Pendant des mois, ce service a eu les yeux braqués sur le voisin français. Et plus particulièrement sur les négociations, très mouvementées, autour des ordonnances Macron. Votées le 28 novembre 2017 à l’Assemblée nationale, celles-ci ont complètement chamboulé le code du travail français. C’est Didier Gamerdinger, conseiller-ministre des affaires sociales et de la santé qui a demandé à ses services de suivre de très près ce qui se tramait en France. Objectif : évaluer quelles pouvaient être les conséquences, essentiellement juridiques, de ces nouvelles ordonnances pour Monaco. « La particularité du droit monégasque fait que certaines dispositions prises en France sont applicables chez nous. L’Union des syndicats de Monaco (USM) et les autres partenaires sociaux se posaient donc des questions », explique Didier Gamerdinger. Les plus inquiets étaient en effet l’USM. Car pour ce syndicat, cette réforme qui représente « une atteinte grave aux droits des salariés en France », aurait forcément eu des « répercussions graves » à Monaco. « Généralement, les mauvaises réformes françaises, on en hérite quelque temps après à Monaco. On nous brandira la carte de la concurrence ! On nous dira qu’il faudra s’aligner sur la France. Or, on est déjà dans une jungle sociale, avec très peu de textes protecteurs pour les salariés à Monaco. Si on nous rajoute cette destruction de la hiérarchie des normes, ce sera la goutte d’eau… », pestait, il y a quelques mois, le secrétaire général de l’USM, Christophe Glasser. C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons, que ce syndicat a appelé à plusieurs reprises les salariés monégasques à manifester aux côtés des salariés français, à Nice.

Impact marginal

Après avoir passé au crible, une par une, les cinq ordonnances, les services de l’Etat ont réuni le 6 novembre tous les acteurs potentiellement concernés par cette réforme française. Autour de la table : la direction du travail, l’USM, la Fédération des salariés de Monaco (F2SM), la Fédération des entreprises monégasques (Fedem), la chambre patronale du bâtiment, l’association des industries hôtelières de la Principauté, et l’association monégasque des activités financières (Amaf). Au final, pas de grand bouleversement. Que ce soit pour la rupture du contrat de travail, la négociation collective, l’organisation du dialogue social, ou encore les risques professionnels, les services de l’Etat ont indiqué que l’impact des ordonnances à Monaco est « assez limité ». Raison principale : les législations des deux pays sur ces points précis sont très différentes. Aucune disposition modifiant le code du travail français ne peut donc avoir de répercussion sur les règles monégasques. « Le principe même de notre souveraineté est qu’aucune législation étrangère ne peut venir modifier les règles dans notre pays », rajoute un spécialiste du droit social. Seul un décret (entré en vigueur le 27 septembre) sur la revalorisation de l’indemnité légale de licenciement (appelée à Monaco “l’indemnité de congédiement”) a eu un effet direct et immédiat à Monaco.

Indemnité de licenciement

Explication : en Principauté, cette indemnité est due en cas de rupture d’un contrat à durée indéterminée (sauf pour faute grave) d’un salarié comptant au moins deux années d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur. Pour calculer son montant, la loi monégasque a un référentiel français. Le montant minimum ne peut, en effet, être inférieur à celui des indemnités de même nature versées aux salariés dans les mêmes professions, commerces ou industries de la région économique voisine. (Nice ou Alpes-Maritimes). Suite à ce nouveau décret, le mode de calcul en France et à Monaco a donc été modifié. Il est désormais fixé ainsi : un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans (au lieu de 1/5ème de mois par année d’ancienneté) ; et un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans (identique à l’ancien calcul de 1/5ème + 2/15èmes de mois par année au-delà de 10 ans). En revanche, alors qu’en France ce nouveau décret réduit à 8 mois, au lieu de 12 mois, la durée d’ancienneté nécessaire à l’obtention de cette indemnité, à Monaco, pas de changement. Cette durée reste à deux années d’ancienneté. Lors de cette réunion, Didier Gamerdinger a également affirmé que les salariés de la Principauté ne sont pas concernés par la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) décidée en France pour compenser la suppression des cotisations salariales maladie et chômage.

 

« Ce qui s’explique et ce qui est cohérent en France n’est donc pas transposable politiquement à Monaco »

Didier Gamerdinger. Conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé

 

« Pas transposable politiquement »

Reste à voir si ces ordonnances, qui donnent beaucoup plus de souplesse aux entreprises françaises, vont pousser les autorités monégasques à assouplir encore un peu plus l’organisation du travail à Monaco. La Fedem (voir notre interview par ailleurs) qui craint « un désavantage concurrentiel » pour les entreprises monégasques, demande notamment à ce que « le droit de la négociation dans son ensemble » soit révisé à Monaco. Et en particulier, que les accords d’entreprises soient privilégiés. Pour le moment, le gouvernement ne souhaite pas changer de philosophie : « Le modèle social et économique, les modalités d’organisation du travail ne sont pas les mêmes en France et à Monaco. Tout comme les préoccupations au niveau du chômage. À Monaco, celui-ci est extrêmement bas, alors qu’en France une bonne partie de la réforme est destinée à donner de la souplesse aux entreprises pour réduire ce chômage de masse. Ce qui s’explique et ce qui est cohérent en France n’est donc pas transposable politiquement à Monaco », conclut Didier Gamerdinger.