mercredi 24 avril 2024
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Jean Castellini : « Notre credo : pas de dette, pas de déficit »

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Jean Castellini assure ses fonctions de conseiller pour les finances depuis le 26 décembre. Portrait.

Aux vœux du gouvernement, Jean Castellini faisait sa première « sortie publique ». Mais c’est un homme bien connu en principauté qui occupe désormais le poste de conseiller pour les finances.
Jean Castellini, 44 ans, est un pur produit de l’enseignement monégasque, qui affirme lui-même que « le lycée Albert 1er, c’est (sa) deuxième maison. ». « Issu de la middle class, avec un père professeur d’anglais, ce n’est pas du tout un notable. Bosseur, touche-à-tout, c’est un exégète de Gustave Mahler à l’humour britannique », lance un proche. En 1985, le jeune Castellini décroche son bac avec une mention très bien. « Grâce au latin, sourit-il. C’était déjà mon biais littéraire dans un monde de scientifiques ». Le chemin est ensuite tout tracé pour celui qui a occupé les bancs d’école avec Guillaume Rose, Laurent Nouvion et Christophe Frassa. Prépa Masséna à Nice avant de prendre la direction de Jouy-en-Jausas pour HEC. Le programme international de Management l’amène alors à Vienne et Berkeley. C’est là qu’il est recruté en 1989 par BARRA, leader mondial de l’analyse de risque des portefeuilles d’investissement. Il est chargé de diffuser les méthodes du groupe sur le calcul de la volatilité. Basé à Londres, il se lasse bientôt de franchir la Tamise et la Manche chaque semaine pour rejoindre le continent. Ouvre un bureau BARRA à Francfort puis à Paris où il devient directeur général et responsable marketing stratégique au niveau de l’Europe continentale de la société.
En 1998, commence l’expérience Russell Investments, leader mondial du conseil en investissement pour les investisseurs institutionnels. L’occasion de développer les produits de multigestion, ce qui est nouveau à l’époque. « Nous proposions des solutions intégrées à nos clients. Très vite, la multigestion représente la majeure partie de l’activité de Russell en Europe par rapport à son activité de conseil historique », se remémore le nouveau conseiller.

Le retour à Monaco
Après 12 ans à Paris, en 2004, Jean Castellini décide avec son épouse Maxime de revenir à Monaco. Le déclic ? « Nous avons décidé en famille que nous voulions offrir le cadre de vie sûr et cosmopolite ouvert à l’international à nos enfants – il en a deux – que nous avions nous-mêmes connu », explique le nouveau conseiller, conscient, à cette époque qu’« il va falloir réapprendre Monaco. » Il monte alors sa boite de consultant Investment Research et trouve vite des clients institutionnels. Le président du conseil national de l’époque Stéphane Valeri et le conseiller pour les finances Franck Biancheri le missionnent, l’un pour les questions budgétaires et l’autre, pour la loi sur les activités financières.
Mi 2006, Jean Castellini rejoint le cabinet princier, placé sous la houlette de Jean-Luc Allavena. « Ce fut très formateur. J’ai appris comment travaillait le cabinet avec le gouvernement et rencontré de nombreux acteurs de la principauté. » Il est chargé du rapport Bain, sur la place financière, initié fin 2006. « Il n’y a rien de pire qu’un rapport qui atterrit au fond d’un tiroir. Le rapport Bain, lui, a été largement repris et partagé. C’était finalement l’attractivité de la place financière avant l’heure. Il s’agissait de diversifier la place, faire venir les financiers et faciliter leur démarche d’installation. Aujourd’hui, on trouve à Monaco des sociétés de gestion, des hedge funds, des prestataires de service de stature internationale, les big four en audit, des conseils juridiques spécialisés. Les étrangers peuvent travailler avec les méthodes et les acteurs qu’ils connaissent. C’est l’héritage de Bain, tout cela. » Tout en admettant que « les années crise sont passées par là. L’objectif de 160 milliards pour 2016 n’a pas été atteint… Mais il reste encore 4 ans… », ajoute, en souriant le conseiller.

Rapatrier des compétences
D’ailleurs, pour Jean Castellini, paradoxalement, la crise peut être une aubaine pour la place financière monégasque. « Partout ailleurs, les déficits budgétaires se creusent, les principales places européennes, reconnues pour leurs compétences en finance et en banque privée, connaissent des difficultés et licencient des gestionnaires compétents qui pourraient être intéressés de se relocaliser ici. Monaco pourrait ainsi voir rapatrier et des compétences et de nouveaux actifs. Sans compter que les clients de ces gestionnaires pourraient décider de venir résider eux aussi à Monaco. » De la concurrence pour les banquiers de la place ? « Ils savent que la concurrence est une bonne chose, qui tire tout le monde vers le haut. Il n’y a pas dans ce domaine de logique malthusienne où le gâteau à se partager ne va pas bouger (sourire)… Les nouveaux arrivants sont à même d’attirer une nouvelle clientèle. » Et les banquiers, il les connaît. Surtout après avoir été secrétaire général de la Commission de contrôle des activités financières de 2007 à 2009 puis président de la direction générale de la banque Safra de 2009 à 2012.
Pour le conseiller pour les finances, la transparence fiscale de Monaco, sorti depuis 2009 de la liste grise de l’OCDE, est aussi un avantage pour la place. « Je ne suis pas adepte des phrases toutes faites mais il faut faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait. Nous suivons une démarche claire et cohérente et nos progrès ont été reconnus par les instances comme le Gafi et l’OCDE. Nous avons signé 25 accords et une douzaine sont en cours que ce soit avec différents Etats ou d’autres pays qui en ont exprimé le désir. Pour moi, c’est une bonne chose. Nous sommes dans le cadre tout en maîtrisant notre destin. C’est mieux que de se retrouver à l’extérieur du club… »

« Je vois l’année 2013 très chahutée »
Pour autant, l’homme ne se fait aucune illusion. Il sait parfaitement que 2013 sera difficile. « Je vois l’année 2013 très chahutée. Un peu partout autour de nous, le chômage grimpe et les tensions sociales sont très fortes. C’est là où le modèle monégasque est privilégié. Il y a beaucoup d’incertitudes en Europe dans cette année électorale, par exemple en Italie et en Allemagne. Les marchés restent prudents. A Monaco, notre credo doit rester : pas de dette pas de déficit. »
Si son amour pour la culture a provoqué des espoirs chez les acteurs culturels de la Principauté — les musiciens de l’orchestre ont sauté de joie quand ils ont appris sa nomination —, Jean Castellini rappelle que sa mission première amènera à des arbitrages budgétaires. « Ce n’est pas parce que je suis un passionné de musique que je traiterai mieux l’un ou l’autre. Les arbitrages budgétaires se feront dans un souci d’équité. Mon jardin secret ne doit pas polluer ma mission première. » C’est pourquoi il démissionnera bientôt de son poste de président des Amis du Printemps des Arts.
D’ailleurs, le prince a fixé sa feuille de route. Aucune révolution n’est prévue pour maintenir l’équilibre des finances publiques. Jean Castellini est lui-même un libéral — « Ce n’est dans l’intérêt de personne que le système devienne dirigiste » — et si certains estiment qu’il est keynesien, lui rappelle : « Je ne suis pas sûr que cela veut dire encore grand chose en 2013 keynesien ou néo-keynesien. » Dans les services, certains espèrent toutefois un changement de méthode par rapport à son prédécesseur dans le cadre des arbitrages budgétaires. On la perçoit déjà : « Il faut savoir écouter avant de décider et de trancher », affirme le conseiller. Les services du département des finances, il les rencontrera en tout cas à partir de cette semaine, dans une phase d’écoute. Depuis sa prise de fonction le 26 décembre, Jean Castellini s’est mis à potasser les dossiers. En priorité, ceux d’équipement ou encore l’appel d’offres pour les commerces des Jardins d’Appolline. Entre temps, la nomination de Jean-Luc Biamonti à la présidence déléguée de la Société des bains de mer est également tombée. Mais il se bornera à ce commentaire : « C’est une société cotée en bourse. La tâche du président délégué est de trouver un équilibre entre le rôle social que joue la société et la profitabilité de l’entreprise. »
Sur sa gestion opérationnelle des dossiers, il ne reste plus qu’à patienter. En attendant, son ami Christophe Frassa, qui adhère parfaitement au casting, lui souhaite bon courage pour ses négociations avec les requins de Bercy…