vendredi 26 avril 2024
AccueilPolitiqueLogements domaniaux : le Conseil national craint une pénurie en 2026

Logements domaniaux : le Conseil national craint une pénurie en 2026

Publié le

Lors de l’examen du budget rectificatif 2022, le Conseil national a exprimé ses craintes face à des constructions de logements domaniaux qui auraient ralenti. Le spectre d’une pénurie en 2026 a été agité par les élus.

Faut-il craindre une nouvelle pénurie de logements en 2026 ? C’est autour de cette question qu’une partie des débats se sont cristallisés dans la soirée du 6 octobre 2022, entre les élus du Conseil national et le gouvernement monégasque. Les moyens déployés par l’État monégasque sont pourtant conséquents, puisque 28 % du budget consacré aux équipements, soit 208 millions d’euros, sont destinés au logement des Monégasques. Mais les élus se sont montrés inquiets, expliquant que certains chantiers accumulent les retards, pendant que d’autres ont été annulés. Le président Priorité Monaco (Primo !) de la commission du logement, Franck Lobono a consacré une bonne partie de son intervention à cette problématique. Il a rappelé quelques chiffres. Notamment « 100 » qui est le nombre moyen de nouvelles demandes de logements chaque année, ou encore « 3 », qui correspond au nombre d’années minimum qu’il faut à un promoteur privé pour construire un immeuble, après les demandes et l’obtention du permis, « quand rien ne vient entraver le programme », a estimé cet élu. Avant d’ajouter : « Enfin, et malheureusement dirais-je, « 5 à 7 », c’est le nombre d’années nécessaires lorsque le gouvernement décide de suivre lui-même un chantier, soit presque deux fois plus longtemps en raison de procédures trop lourdes et des services saturés ! ».

Les moyens déployés par l’État monégasque sont pourtant conséquents, puisque 28 % du budget consacré aux équipements, soit 208 millions d’euros, sont destinés au logement des Monégasques

« Tendance baissière »

Franck Lobono a jugé que « ces chiffres sont clairs. Nous devons les prendre pour références, sans dogmatisme, mais avec pragmatisme. Ce soir, je veux le dire avec la gravité qui s’impose, qui s’en détourneraient porteraient la responsabilité d’une nouvelle pénurie du logement dès 2026 ! ». Le président de la commission du logement a ensuite mis en avant deux projets, qui alimentent l’inquiétude des élus. Il s’agit d’Evos et de Grande-Bretagne, deux chantiers validés, puis annulés par le gouvernement. Quant au chantier du Bel Air, il a été repoussé « au mieux à fin 2026, alors qu’il était annoncé en 2023 », a indiqué Franck Lobono. Déplorant une « tendance baissière » donnée par le gouvernement au plan national pour le logement des Monégasques décidé par le prince Albert et rendu public le 11 mars 2019, le président de la commission du logement a lancé : « Le compte n’y est plus du tout, et il va falloir très rapidement inverser la courbe pour respecter les engagements pris devant les Monégasques. » Ce plan national prévoit la construction de plus de 1 800 appartements d’ici 2035, à un rythme annuel de livraisons d’en moyenne 122 appartements neufs par an. L’objectif était de permettre la mise à disposition de 122 logements à loyer modéré par an, pendant 15 ans, et ainsi d’anticiper et de répondre aux difficultés de logement pour les Monégasques dans leur pays. Dans son rapport, le président Primo ! de la commission des finances et de l’économie nationale, Balthazar Seydoux, a estimé qu’il n’était pas « acceptable de faire attendre plusieurs années des jeunes devant rester chez leurs parents jusqu’à 25 ou 30 ans ou des couples avec un enfant vivant dans un deux pièces ou avec deux enfants dans un trois pièces. Il est donc essentiel de maintenir un rythme de livraisons régulier et de s’assurer, dans la mesure du possible, de livrer des appartements dont la typologie correspond à la réalité des besoins. »

Le président de la commission du logement a mis en avant deux projets, qui alimentent l’inquiétude des élus. Il s’agit d’Evos et de Grande-Bretagne, deux chantiers validés, puis annulés par le gouvernement

« Abandon »

Cette inquiétude est récurrente dans les rangs du Conseil national. En décembre 2021, les élus avaient déploré que la livraison du Bel Air, situé au Jardin Exotique, soit retardée à 2026 ou 2027, alors qu’elle aurait dû intervenir en 2023-2024. En conséquence de quoi, ils avaient réclamé au gouvernement des « constructions intermédiaires », afin de compenser les 200 logements du Bel Air. À l’époque, le président du Conseil national, Stéphane Valeri, avait été très clair : « Il ne peut y avoir deux années sans livraison d’appartements domaniaux neufs. Ce n’est pas acceptable. » Face à ces annulations de chantiers qui provoquent l’absence de livraisons de logements en 2024, en 2025, et en 2026, les conseillers nationaux ont indiqué qu’ils ne voteraient le budget primitif 2022 que si le gouvernement leur présentait une série de solutions alternatives, afin de compenser le nombre d’appartements manquants. Le gouvernement a donc présenté une série de possibilités [à ce sujet, lire notre article Budget primitif 2022 : le logement sème la discorde, publié dans Monaco Hebdo n° 1223 — NDLR], permettant de bâtir une centaine d’appartements. En ajoutant ces logements aux projets Grande-Bretagne et Les Lierres/Nathalie, qui devaient fournir chacun 60 appartements d’ici 2025, le rythme serait maintenu. Seule l’année 2024 resterait sans livraison, ce qui serait acceptable pour les élus, sans être pour autant « la solution idéale ». Mais une série d’abandons et de difficultés diverses sont venus contrarier ces prévisions, comme l’a résumé Balthazar Seydoux : « Il y a eu l’abandon du projet Evos, au motif que sa situation et son orientation n’en permettent plus la construction, informations qui n’avaient pas été vérifiées par le gouvernement au moment de sa présentation au Conseil national. Il y a eu l’abandon du projet d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de logements domaniaux Grande Bretagne, pour cause d’une emprise foncière non maîtrisée, et parce qu’il serait surdimensionné par rapport au terrain. Alertés sur cette question, les élus avaient indiqué être prêts à examiner un projet de loi d’expropriation, qui n’a pas, à ce jour, été déposé par le gouvernement. Enfin, qu’il y a un risque de contentieux sur le projet Les Lierres/Nathalie, à nouveau sur la maîtrise de la propriété foncière qui pourrait générer un retard de plusieurs années. Au vu de ce constat, notre pays est désormais dans une situation encore moins favorable que celle dans laquelle les élus ont abordé l’examen du budget primitif 2022. »

« Des possibilités existent dans le pays, le gouvernement doit se montrer proactif. Pour les élus, il s’agit d’un enjeu majeur, qui sera déterminant pour le vote du budget primitif 2023 »

Balthazar Seydoux. Élu Primo !

« Possibilités »

Pour avancer rapidement, le Conseil national a soufflé quelques idées au gouvernement par l’intermédiaire de Balthazar Seydoux. Pour le projet Grande-Bretagne, cet élu a suggéré de se focaliser sur l’immeuble domanial, mais « sans annuler l’ensemble de l’opération et, si nécessaire, pour qu’elle puisse se faire, déposer un projet de loi d’expropriation dans les plus brefs délais ». Pour enfoncer le clou, Balthazar Seydoux a rappelé que « plus les décisions se font attendre, plus les retards sont importants, et que ce sont les Monégasques qui en pâtissent. Les élus insistent pour que leur soient présentés, au plus vite, des projets concrets, réalisables rapidement, afin de disposer de livraisons à partir de 2025, comme cela a été convenu lors du vote du budget primitif 2022. Des possibilités existent dans le pays, le gouvernement doit se montrer proactif. Pour les élus, il s’agit d’un enjeu majeur, qui sera déterminant pour le vote du budget primitif 2023. » La tonalité est la même chez les autres conseillers nationaux. Pour Franck Lobono, désormais, le temps est compté, et le gouvernement doit agir vite : « La construction des futurs immeubles qui accueilleront les Monégasques à partir de fin 2025, doit être décidée avant la fin décembre et que son mode de marché doit être choisi avec pour seules considérations les délais, la maîtrise et la qualité ! Sans cela, ce sera la pénurie assurée en 2026 ! ». Pour sa part, la présidente du Conseil national, Brigitte Boccone-Pagès, a elle aussi estimé que c’était désormais au gouvernement de « trouver les solutions » pour que le plan national pour le logement des Monégasques « ne disparaisse pas au prétexte de difficultés, le plus souvent juridiques ou administratives ».

Frank Lobono Conseil National
« Si des discussions doivent s’ouvrir [autour du logement des Monégasques — NDLR] lors de ce budget rectificatif 2022, des décisions définitives devront être prises lors du futur budget primitif en décembre 2022. D’ici là, sans précipitation, mais avec certitude et promptitude, des propositions devront être présentées par le gouvernement et étudiées avec le Conseil national. » Franck Lobono. Président de la commission du logement. © Photo Conseil National

« Opportunité »

Pour répondre au mécontentement des élus, le ministre d’État, Pierre Dartout, a pris à son tour la parole, en insistant sur ce qui a déjà été réalisé dans le cadre du plan national pour le logement : « À ce jour, le plan national pour le logement des Monégasques prévoit la livraison d’un solde net de 1 416 logements, ce qui fait très exactement 53 appartements de plus que les 1 363 prévus en 2019. […] Au total, 812 logements auront été attribués à l’issue de la période 2022-2024 et la quasi-totalité des demandes satisfaites dès 2023, comme l’a relevé le Conseil national [à ce sujet, lire notre encadré, par ailleurs — NDLR]. » Admettant l’existence de difficultés auxquelles son administration se heurte, le ministre d’État a expliqué que le gouvernement travaille actuellement à la recherche d’alternatives, afin de remplacer les chantiers qui ont dû être abandonnés. « Le gouvernement continue de prospecter de la manière la plus large possible pour saisir toute opportunité intéressante et rapidement livrable sur la période 2024 – 2026. Plusieurs possibilités ont été identifiées à ce jour, et des discussions sont en cours avec des promoteurs. Toutefois, Monsieur le rapporteur, votre Assemblée comprendra que, pour éviter les écueils dont elle-même a pu s’émouvoir, le gouvernement fasse encore preuve de discrétion à ce stade, attendant que toutes les conditions soient réunies pour pouvoir exposer ces opportunités », a assuré le ministre d’État. Il faudra patienter quelques semaines, jusqu’au mois de décembre 2022, afin que le voile soit levé sur ces nouvelles pistes : « Une annonce concrète pourra être effectuée lors de nos séances consacrées au budget primitif 2023 », a promis Pierre Dartout. Les élus attendent le mois de décembre 2022 avec impatience. Mais la thématique du logement des Monégasques est une nouvelle fois en train de s’affirmer comme un sujet phare de la campagne pour les élections nationales du 5 février 2023.

Logements domaniaux : ce qui a été livré, et ce qui va l’être d’ici 2026

Juin 2022
Pendant la commission d’attribution de logements domaniaux de juin 2022, 213 appartements ont été attribués, dont la tour de l’opération Testimonio II.
Début 2023
L’appel à candidatures en cours permettra l’attribution, début 2023, de plus de 300 logements entre la tour Testimonio II bis, le Palais Honoria, la surélévation des Mélèzes et les appartements de restitution.
Printemps 2023
Au printemps 2023, un nouvel appel à candidatures permettra l’attribution des blocs B et C de l’opération Grand Ida, avec 117 appartements, ainsi que de la Villa Carmelha, avec 25 logements et des appartements de restitution, soit environ 182 logements.
2024
2024 sera l’année de la livraison et de l’attribution du bloc A de l’opération Grand Ida, avec 52 appartements environ, plus une cinquantaine d’appartements de restitution.
2025-2026
En 2025, une commission d’attribution se déroulera pour proposer un « grand nombre » de logements de restitution, a assuré le ministre d’État, Pierre Dartout. Enfin, de nouvelles livraisons sont aussi prévues à la fin de l’année 2025, mais aussi de l’année 2026, au Larvotto et au Bel Air notamment.
Source : gouvernement monégasque.