jeudi 28 mars 2024
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Eric Elena : « Les Monégasques se sont trompés sur Laurent Nouvion »

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L’élu Renaissance, Eric Elena, estime que le président Horizon Monaco du Conseil national, Laurent Nouvion, n’est plus « légitime » à ce poste, et que ses troupes vont le « lâcher ». Il évoque aussi la priorité nationale à la Société des bains de mer. Et annonce qu’une proposition de loi autorisant l’avortement sera déposée fin novembre.

 

Quel bilan tirez-vous de ces dernières séances budgétaires ?

Ce qui est évident c’est qu’il y a une scission, un gros désaccord, au sein de la majorité Horizon Monaco (HM). Dans une récente interview accordée à L’Observateur de Monaco, les membres d’Union Monégasque (UM) avaient qualifié le président Laurent Nouvion de « girouette ». Lors de ces séances budgétaires, il en a montré pleinement la définition. Il y a eu un retournement de veste radical.

 

C’est-à-dire ?

On sait très bien que durant les semaines qui ont précédé le budget, le président avait montré sa volonté de voter contre le budget pour mettre la pression sur le gouvernement. Il a encouragé sa majorité à se montrer très critique envers l’éxécutif. Le rapport de Marc Burini en témoigne. Au dernier moment, il a abandonné ses troupes en votant en faveur de ce budget. Aujourd’hui, Laurent Nouvion n’est plus légitime. Ce n’est plus un rassembleur. Ce qui est pourtant le rôle d’un président du Conseil national.

 

La majorité HM est fracturée ?

Jusqu’à présent, la majorité laissait apparaître une forme d’union. Mais de l’intérieur, on voyait bien qu’il y avait des tensions. Aujourd’hui, la cassure est manifeste. Regardez le vote : 12 élus ont voté pour le budget, 10 se sont abstenus — 11 si l’élu de la minorité Jean-Louis Grinda avait été présent —, et Jacques Rit a voté contre. Ses bras-droits, Christophe Steiner et Marc Burini, n’ont pas voté de la même manière que Laurent Nouvion. C’est pourtant son noyau dur. C’est symptomatique.

 

Le vote favorable de Jean-Michel Cucchi vous a étonné ?

Oui… Je pense que 10 minutes avant le début de la séance, il était certain de s’abstenir ou de voter contre ce budget. Au final, il a décidé de voter en faveur. On ne sait pas trop pourquoi… Ce qui est certain, c’est que l’Union pour la Principauté (UP) va lâcher Laurent Nouvion et que Rassemblement & Enjeux (R&E) va se retrouver tout seul.

 

L’échiquier politique va se redessiner ?

On est encore à deux ans et demi des prochaines élections, c’est donc difficile de le savoir précisément. Tout le monde va lâcher, tôt ou tard, Laurent Nouvion. Il n’est plus crédible. Je pense qu’il y aura également de plus en plus d’élus indépendants.

 

Et l’élu de la majorité HM, Jean-Charles Allavena ?

Il ne sera certainement pas aux côtés de Laurent Nouvion en 2018.

 

quels sont vos rapports avec Laurent Nouvion ?

En deux ans et demi de mandat, je n’ai eu qu’un seul tête-à-tête avec lui, pendant une heure. Alors que j’ai été membre du Rassemblement Pour Monaco (RPM) toute ma vie… C’est qu’il avait clairement une volonté de nous écarter. Ce qui est complètement stupide et incohérent. Cela ne s’est jamais vu non plus que, deux ans et demi avant l’élection, un président du Conseil national annonce déjà qu’il est candidat à sa succession. C’est une incohérence. Il a eu peur de quoi ?

 

Certains reprochent à Nouvion un exercice trop autoritaire et solitaire du pouvoir ?

On peut dire ça, oui. Les Monégasques se sont trompés sur Laurent Nouvion. Il n’est pas là pour défendre les Monégasques. Il est là pour défendre ses ambitions personnelles. Il a toujours ambitionné d’être président du Conseil national. Il y est parvenu, mais les Monégasques ne sont pas crédules. Il s’exprime très bien, même s’il y a sans doute 10 ans de travail de communication derrière. Mais les Monégasques attendent des résultats. Qu’on les protègent et qu’on les défendent.

 

Pourquoi vous être abstenu pour ce budget rectificatif 2015 ?

Je me suis surtout abstenu parce que j’estime que la priorité nationale a été bafouée. Mais d’un point de vue strictement technique, il est difficile de se prononcer contre ce budget. Il est excédentaire. Et il faut le reconnaître : Monaco va bien.

 

Un rapprochement avec l’opposition UM serait possible ?

Nous sommes en dialogue. J’ai de bons rapports avec les trois élus UM. On se respecte beaucoup. Il y a des affinités humaines et politiques, même si sur certains sujets nous sommes en désaccord. Comme sur les sujets européens par exemple.

 

Il y a suffisamment d’affinités pour créer une alliance Renaissance-UM ?

Pour le moment, absolument pas. Nous allons voir qui va présenter le meilleur projet correspondant à nos idées pour les futures échéances électorales. Ce qui est certain, c’est que Renaissance sera présent en 2018.

 

Le Conseil national peut avoir un rôle véritable dans le respect de la priorité nationale ?

Si l’on regarde la priorité nationale au casino depuis deux ans et demi, il y a eu 12 nominations de cadres accordées à des non-Monégasques, rien que dans le secteur des jeux.

 

Et c’est révélateur de quoi ?

Auparavant, les présidents du Conseil national prenaient leur téléphone, tapaient du point sur la table et faisaient un rappel à l’ordre aux personnes qui ne respectaient pas ce droit constitutionnel. Je parle de l’époque de Jean-Louis Campora ou de Jean-Charles Rey par exemple qui, eux, s’imposaient. Je rappelle qu’un président du Conseil national est le numéro 3 de Monaco.

 

Laurent Nouvion et la majorité HM ont tout de même lancé la cellule de veille de la priorité nationale !

Mais les résultats sont catastrophiques. Et je ne parle pas que de la Société des Bains de Mer (SBM). Dans mon explication de vote, j’ai aussi évoqué la fonction publique. Des Monégasques viennent me voir pour me dire : « On a encore mis un non-Monégasque à ma place ». Or, la priorité nationale est pourtant inscrite dans la loi.

 

Vous parlez dans votre explication de vote d’un bilan « tristement déplorable » pour cette cellule de veille : quel est le problème ?

C’est le système même de cette cellule de veille qui ne fonctionne pas. Pour être clair, quand Albert Croési appelle Agnès Puons (directrice des ressources humaines à la SBM, N.D.L.R.) pour un rappel à l’ordre, elle doit rigoler… Car il n’a aucun poids. Ce n’est pas un élu. Alors que si c’est le président du Conseil national qui s’interfère, l’impact est évidemment tout autre. Le rôle du président du Conseil national est aussi de mettre la pression sur le gouvernement sur toutes ces questions. Laurent Nouvion a dit qu’il ne souhaitait pas s’interférer dans la gestion de la SBM… Certes. Mais en agissant ainsi, il l’abandonne.

 

Laurent Nouvion a tout de même rappelé qu’il a été le premier à avoir protesté contre la nomination du Britannique John Galvani au poste de directeur des jeux, alors que vous, à l’époque, vous n’aviez pas dit un mot !

A cette époque, nous étions dans une situation très délicate. Jamais le climat social n’avait été aussi délétère au casino. Je pense que l’on était à la limite de l’implosion. J’ai vu des employés partir en pleurant des salons, tellement la pression était forte. Tellement on leur manquaient de respect. Et ce n’étaient pas des gamins. Il s’agissait de salariés qui avaient la quarantaine. Ce constat déplorable était unanime. Bien sûr que j’aurais préféré un Monégasque à ce poste. Mais je voulais voir ce que John Galvani allait pouvoir nous amener. Il devait venir avec un plan de relance pour les jeux, un solide carnet d’adresses et une vision.

 

Et quel est bilan aujourd’hui ?

Deux ans après sa nomination, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de plan jeux, que le carnet d’adresses est vide et qu’au contraire, il partira avec un carnet d’adresses plein qu’on lui aura fourni. On s’aperçoit aussi qu’il a une vision complètement démesurée.

 

C’est-à-dire ?

Monaco c’est Monaco. Ce n’est pas Londres et sa métropole de près de 9 millions d’habitants. Il n’a pas vraiment cerné ce qu’est le casino de Monte-Carlo. Je crois d’ailleurs qu’il s’agit de la pire année au niveau des jeux depuis 20 ans. En moyenne, tous jeux confondus, on gagnait environ 25 millions d’euros sur le mois d’août. Cette année, on a gagné seulement 1,5 million. La seule chose que Galvani a amené, c’est la zizanie entre les secteurs des jeux.

 

Vous avez parlé de « scandale » à propos de la nomination d’un non-Monégasque au poste d’inspecteur aux jeux européens, mais Albert Croesi a sous-entendu que si vous avez évoqué ce cas particulier en séance publique, c’est aussi parce que vous convoitiez ce poste…

Je faisais effectivement partie de la douzaine de personnes qui souhaitaient ce poste. Mais, même si ce n’était pas le cas, je me serais élevé aussi fort.

 

Vous estimez que la personne qui a été nommée n’était pas légitime à ce poste ?

La personne qui a été nommée est un ami personnel. C’est un excellent employé qui fera un excellent inspecteur de jeux. Mais il faut savoir aussi qu’il y avait une douzaine de Monégasques aussi compétents. Et ce ne sont pas des employés de la jeune génération. Ce sont des salariés qui sont rentrés aux jeux européens il y a 20 ou 25 ans, à une époque où les conditions de travail étaient plus dures. Ils avaient donc l’espoir légitime de pouvoir accéder en fin de carrière à ce type de postes qui sont censés être réservés aux Monégasques en priorité. Avec ce genre de décision, on démotive tout le monde. Il est normal qu’ils crient au scandale.

 

Ce n’est pas un peu indécent de parler de « scandale », alors que les employés de jeux sont tout de même dans une situation très privilégiée ?

Nous savons évidemment que nous sommes dans une situation privilégiée. La SBM, je l’aime. Je lui dois tout. J’ai conscience de la chance que j’ai… Mais il faut aussi rappeler certaines réalités : notre territoire ne fait que 2 km2. Si on ne protège pas les Monégasques au niveau des emplois et des logements, nous ne pourrons plus rester sur le territoire. Les employés de jeux n’ont qu’un seul et unique employeur à Monaco : c’est la SBM. Il n’y a rien d’autre. Si un Monégasque se présente au casino de Menton ou de SanRemo, on ne lui ouvre même pas la porte. On ne peut pas travailler dans un casino étranger. Tout ceci doit donc être pris en compte. Voilà pourquoi ce sont des postes que l’on doit garder pour les Monégasques. C’est une question de survie pour eux.

 

On ne vous entend que sur la priorité nationale, la SBM et le sport… Pourquoi ?

J’ai des compétences limitées, aucun diplôme… Je ne m’en cache pas. J’ai mon avis sur de nombreux sujets, mais j’estime ne pas être assez compétent et légitime pour les crier haut et fort. Sur l’hôpital par exemple, il me semble normal que les élus-médecins qui maîtrisent parfaitement ce sujet donnent leur analyse. Au niveau financier, il y a Marc Burini, Pierre Svara ou encore Thierry Crovetto, qui sont très doués. Chacun son domaine d’expertise.

 

Vous parlez très peu pendant les séances publiques ?

On me le reproche aussi, c’est vrai. Mais regardez autour de moi, dans l’hémicycle. Je ne suis pas le seul… Simplement, cela se remarque sans doute plus, car je suis le seul élu Renaissance.