vendredi 29 mars 2024
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Béatrice Fresko-Rolfo – Jacques Rit : « Les intentions sont là »

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Les deux élus Horizon Monaco, Béatrice Fresko-Rolfo et Jacques Rit, expliquent à Monaco Hebdo comment ils vont travailler pendant cette mandature 2018-2023. Et évoquent les grands sujets du moment, dont l’évolution du dialogue Conseil national-gouvernement. Interview à deux voix.

Que s’est-il passé au sein de votre formation politique, depuis l’échec à l’élection nationale de février 2018 ?

Béatrice Fresko-Rolfo : Je ne considère pas ceci comme un échec. Nous avions constitué une belle équipe et un très bon programme, même s’il n’a pas reçu l’approbation de la majorité des Monégasques. On a fait de notre mieux, devant un Stéphane Valeri qui était déjà préparé, déjà en marche. Bien évidemment, notre score, 26,1 %, n’est pas bon. Mais il faut relativiser. Il y avait trois listes.

Et alors ?

Jacques Rit : En ajoutant nos voix à celles d’Union Monégasque (UM), on arrive à 42,3 %. De plus, on ne parle ici que des Monégasques qui se sont exprimés, même si la participation a atteint 70,3 %. Il y a donc matière à réfléchir autour du mode de scrutin. Personnellement, c’est un sujet sur lequel je travaille depuis 2003.

Votre position ?

J. R. : Le mode de scrutin actuel n’est plus adapté au Monaco de 2018. Je pense qu’il faudrait réduire la taille des listes à 14, 16 ou 18 candidats. Élire une liste en mode bloqué. Et attribuer les sièges restants à la proportionnelle. J’ai pu présenter cette idée à mes collègues de la précédente législature, et j’ai reçu un avis plutôt positif d’à peu près tout le monde.

Que s’est-il passé au sein de votre formation politique depuis l’échec à l’élection nationale de février 2018 ?

B. F.-R. : Le groupe politique HM n’existe plus, puisque sa durée de vie s’est limitée à la mandature 2013-2018. Il a été officiellement dissous. Horizon Monaco (HM), qui s’est présentée aux élections de 2018, est une liste composée de candidats. Ce n’est pas une association.

Mais HM était soutenu par Rassemblement & Enjeux (R&E) ?

B. F.-R. : R&E est une structure associative qui avait des candidats dans la liste HM, avec qui nous sommes en contact. Mais nous sommes toujours restés en contact avec les autres candidats.

Que se passe-il chez R&E ?

B. F.-R. : On attend la prochaine assemblée générale, qui devrait se dérouler fin 2018, début 2019. Une volonté de restructuration existe au sein de l’association.

Jacques Rit, vous allez rejoindre R&E ?

J. R. : Non, j’ai toujours été indépendant et j’entends bien le rester. Ce qui n’exclut nullement d’avoir une large communauté d’idées avec un mouvement politique.

Avec seulement deux élus, quelle sera votre stratégie politique jusqu’en 2023 ?

B. F.-R. : Nous sommes présents dans presque toutes les commissions. Donc nous sommes très actifs.

Comment jugez-vous la qualité des relations avec la majorité Primo ! ?

B. F.-R. : Elles sont bonnes. Notre objectif, c’est de travailler, pas de contrer chaque proposition que fait ou fera la majorité Primo !. Nous sommes une minorité constructive. Mais quand je ne suis pas d’accord, je le dis. Par exemple, j’ai expliqué pourquoi je voterai contre la proposition de loi n° 239 (1). Je m’en suis expliqué avec Stéphane Valeri.

J. R. : Un exemple qui montre que nous conservons notre liberté de penser : j’ai voté cette proposition de loi n° 239, même si j’ai émis des réserves.

Et avec le président du Conseil national, Stéphane Valeri ?

J. R. : Il nous considère comme une minorité, pas comme une opposition.

Pourquoi vous n’occupez pas une présidence de commission comme l’élu UM, Jean-Louis Grinda ?

B. F.-R. : Parce que Primo ! a décidé de la donner à Jean-Louis Grinda. Ce choix a été fait par rapport au sujet : Primo ! voulait créer une commission sur le suivi du fonds de réserve constitutionnel et pour la modernisation des comptes publics. Nous avons donc négocié autre chose.

Et vous avez obtenu quoi ?

B. F.-R. : Nous avons obtenu une place au Conseil de l’Europe, ce qui me permet d’avoir une continuité dans le travail que j’ai débuté en faveur du droit des femmes. Je fait partie des réunions tripartites pour la SBM et de la commission d’attribution des logements domaniaux. Jacques Rit a obtenu une place pour les concessions.

Et avec l’élu UM, Jean-Louis Grinda, vous menez un travail spécifique ?

B. F.-R. : Nous n’avons pas de relation particulière avec Jean-Louis Grinda. Ce n’est pas parce que lui aussi est une minorité que nous effectuons un travail commun. Ce qui n’empêche pas d’échanger nos points de vue.

Comment jugez-vous le dialogue avec le gouvernement ?

J. R. : Il y a indiscutablement une recherche du compromis qui est plus poussé qu’auparavant. Les intentions sont là. Mais il est trop tôt pour savoir s’il s’agit d’une volonté durable, ou bien d’un simple écran de fumée.

Le gouvernement a-t-il suffisamment avancé sur la question de la qualité de vie ?

B. F.-R. : On nous a promis deux arrêtés ministériels pour encadrer les chantiers d’ici la fin du mois d’octobre 2018. Mais on attend toujours la mise en place d’un véritable phasage des chantiers. Le soucis majeur étant que nous avons une série de chantiers en cours. Donc, même si le gouvernement est sincère quand il dit qu’il veut améliorer les choses, il lui est impossible de stopper les chantiers qui ont été lancés. Il faudra donc du temps avant de constater une véritable amélioration.

Primo ! réclamait la création d’une brigade de la circulation et le ministre d’Etat, Serge Telle, a accepté de recruter 10 fonctionnaires : vous êtes satisfait ?

J. R. : Le gouvernement a accepté de recruter 10 fonctionnaires de police supplémentaires. Ce qui permettra à tout agent de la sûreté publique de participer à l’équipe de régulation-circulation que l’on voit postée aux points névralgiques de Monaco, le matin et le soir. Le gouvernement a expliqué qu’il ne pouvait pas créer une entité hybride qui serait cette brigade de la circulation, dans laquelle les agents ne seraient pas assermentés. Une sorte de sûreté publique Canada Dry.

La SNCF est trop souvent défaillante pour assurer le transport des salariés qui viennent chaque jour travailler à Monaco ?

B. F.-R. : C’est vrai que le service proposé par la SNCF subit des aléas. Mais autour des gares, en France, il manque des parkings. Du coup, les salariés sont obligés de se garer loin de la gare, puis de marcher pour aller prendre leur train. Au final, ils finissent par venir directement en voiture à Monaco. Il faut donc travailler avec les communes concernées pour que des parkings soient aménagés. Je rappelle qu’il s’agit de communes à qui Monaco fournit un bassin d’emplois.

J. R. : La principauté a pour vocation d’embaucher sans cesse de nouveaux salariés, mais notre territoire n’est pas vraiment extensible. C’est un peu comme si votre médecin vous conseillait de grossir de 10 kg chaque année, et que votre tailleur vous interdise de changer de taille de costume…

Concernant les négociations avec l’Union européenne (UE), que pensez-vous de la méthode apportée par la nouvelle majorité ?

J. R. : En 2013, le président du Conseil national, Laurent Nouvion, avait demandé à ce que les élus soient informés régulièrement et puissent débattre sur ce sujet avec l’exécutif. Depuis, le conseiller-ministre pour les relations extérieures, Gilles Tonelli, nous informe régulièrement et de manière très pédagogique. De plus, le groupe représentant le Conseil national s’est enrichi récemment de la présence de Thomas Brezzo, qui est à la fois élu et avocat. Et en tant que membre d’une profession réglementée, il est très attentif à ce dossier.

Votre position sur ce dossier des négociations Monaco-UE ?

J. R. : L’Europe n’est certes pas une maladie. Mais il existe une similitude : quand on est malade, on choisit une option de traitement, ce qui revient à prendre en compte les éventuels effets secondaires de ce traitement. Le cas échéant, on peut même refuser tout traitement. Mais je ne suis pas convaincu que Monaco puisse vivre correctement en s’isolant. Je suis donc favorable à cette négociation.

La SBM vient d’accumuler 167 millions de pertes : êtes-vous inquiet ?

B. F.-R. : Les grands travaux de la SBM sont en train de prendre fin. La direction a évoqué devant nous les recettes supplémentaires, notamment des revenus locatifs, que devraient générer ces nouveaux actifs. Pour relancer les jeux, le directeur monégasque de ce secteur, Pascal Camia, a mis en place de nouveaux outils. Donc tout cela devrait se mettre en place. Attendons de voir. Mais j’aimerais ne pas avoir à redire ça l’année prochaine.

Mais le chiffre d’affaires du secteur des jeux continue de baisser et pèse moins que le secteur hôtelier (2) ?

B. F.-R. : Il y a un véritable malaise chez les salariés des jeux. Il y a un taux d’absentéisme qui m’inquiète. Car le secteur des jeux reste un bassin d’emplois important pour les Monégasques. Ce ne sont pas des métiers faciles, donc ce choix doit aussi être mûrement réfléchi. J’espère que Pascal Camia et Jean-Luc Biamonti parviendront à redresser la barre. Ils ont encore ma confiance. En revanche, pour l’emploi des Monégasques, il faudra aussi développer les débouchés vers d’autres secteurs que les jeux, comme l’hôtellerie ou la restauration.

Des professionnels estiment que les sept bâtiments en chantier du One Monte-Carlo tout près du casino sont trop proches les uns des autres pour assurer une véritable intimité aux futurs locataires ?

B. F.-R. : C’est très étonnant. On avait soulevé ce problème quand les plans nous ont été présentés. Aujourd’hui, on constate que ce problème se confirme.

J. R. : C’est peut-être l’usage le plus extrême de la surdensification ! De toute façon, c’est trop tard, maintenant ces immeubles sont construits. Les jeux étaient le fioul de la SBM. Le temps passe, les cultures évoluent et aujourd’hui, les jeux ne parviennent plus à apporter une aisance financière à la SBM. En revanche, le secteur immobilier va générer des bénéfices qui permettront d’investir dans la relance du secteur des jeux.

Monaco Telecom affirme proposer de bons services et des tarifs acceptables, mais ce n’est pas l’avis des élus ?

B. F.-R. : Il y a des moments pendant lesquels il est compliqué de téléphoner. Notamment pendant le Grand Prix ou pendant le Monaco Yacht Show. Le principal point d’achoppement concerne les tarifs, qui sont encore beaucoup trop élevés par rapport à la France, par exemple.

Pendant les discussions publiques sur le budget rectificatif 2018, vous avez proposé la création d’un observatoire des genres qui est restée sans réponse de la part du gouvernement ?

B. F.-R. : En 2016, j’ai demandé qu’un fonctionnaire soit dédié aux droits des femmes. Ce fonctionnaire devait être l’interface entre l’Etat et ses services, les entreprises pour rétablir une égalité salariale et une égalité d’accès aux hauts postes de direction. Un an après l’éclosion du mouvement mondial #metoo, Monaco ne doit pas rester à la traine sur le droit des femmes. Comme cette demande est restée sans réponse, j’ai proposé la création de cet observatoire des genres.

La mission de cet observatoire des genres ?

B. F.-R. : Cet observatoire regrouperait des membres de la fonction publique, du secteur privé, du conseil économique et social (CES), mais aussi un représentant de l’institut monégasque de la statistique et des études économiques (IMSEE), d’élus… Il pourrait émettre des propositions pour éviter les discriminations liées au genre ou à l’orientation sexuelle.

Comment analysez-vous le vote du budget rectificatif 2018, pendant lequel 9 élus ont voté contre ?

J. R. : La majorité, sans utiliser des moyens démesurés, a pu montrer ses muscles. Quant à Jean-Louis Grinda, il reste fidèle à sa volonté de ne voter aucun budget tant que toutes les dépenses n’y seront pas inscrites.

Dans quel état d’esprit abordez-vous le vote en décembre du budget prévisionnel 2019 ?

B. F.-R. : Nous avons récemment eu les informations concernant ce budget. Le Conseil national a posé un peu plus d’une soixantaine de questions par l’intermédiaire de la commission des finances, dont nous faisons partie. Nous attendons les réponses. Certaines questions sont très importantes. Les réponses apportées pourraient donc être déterminantes.