jeudi 18 avril 2024
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Le Conseil national change ses règles

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La haute assemblée a voté son nouveau règlement intérieur, qui devrait modifier un certain nombre d’habitudes et de fonctionnements. L’élu qui a présidé la commission spéciale, Jacques Rit, décrypte les principaux changements.

Il ne fait que « compléter la loi sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil national votée au printemps 2015 [1] en constituant, en quelque sorte, ses “décrets d’application” », estime Jacques Rit. Le nouveau règlement intérieur de la haute assemblée monégasque a été adopté par ses 24 élus. Une formalité, selon le conseiller national, qui « pense pouvoir résolument affirmer » qu’il fait consensus. Jacques Rit a présidé pendant trois ans la commission spéciale dédiée à cette loi [2] et a été présent à chacune des réunions. « La méthode de travail systématiquement appliquée voulait que chaque article du règlement intérieur fasse l’objet de toutes les réflexions nécessaires, et que le débat d’opinion ne prenne fin qu’à l’émergence d’une position commune. » Pour preuve, il rappelle que « le règlement intérieur et la loi d’organisation et de fonctionnement du Conseil national, à laquelle il est intimement lié, ont été votés à l’unanimité moins une voix ». Une loi qu’il juge « innovante par plusieurs de ses articles ». Parmi les « principaux changements qu’il apporte », le conseiller national cite la création d’un organe d’assistance du bureau du Conseil national, composé du président de la commission des finances et de l’économie ainsi que d’un élu représentant la minorité, si elle en désigne un. Son rôle est défini par le dernier alinéa de l’article premier du règlement intérieur : « Les membres de l’organe d’assistance participent à toutes les réunions du bureau au cours desquelles ils agissent en qualité de conseil et d’observateur. Ils peuvent prendre la parole mais n’ont pas voix délibérative. » Cela donne plus de pluralité et de points de vue au bureau, uniquement composé d’un président et d’un vice-président — élus chaque année par l’assemblée parmi ses membres —, selon l’article 60 de la constitution monégasque.

 

Assistants

Autre point, la création de la notion d’empêchement définitif d’un élu. Les conseillers nationaux, réunis en commission plénière d’étude, par un vote à la majorité des deux-tiers des membres en exercice, vont « constater l’existence d’une situation particulière dans laquelle se trouve un élu ». Une situation qui « peut résulter d’une altération grave et durable de l’état de santé. Ou encore d’un jugement des tribunaux dans le cadre d’une affaire intéressant la justice », note Jacques Rit. Des cas qui peuvent amener à priver ce conseiller national du droit de siéger : « L’empêchement définitif [de siéger] peut aussi toucher le président ou le vice-président. » Jacques Rit revient aussi sur la création des assistants d’élus. « Chaque élu dispose à ce titre de 1/24ème de la somme affectée à cet usage. » Des sommes qui sont mutualisées lorsque les élus appartiennent à un même groupe politique. Et c’est bien la création de ces groupes politiques qui constitue l’une des mesures phares du texte. Ils doivent être « constitués juridiquement en associations » et « composés d’au moins deux élus ». « Les groupes politiques ne sont, à ce jour, aucunement définis au sein du Conseil national. C’est la mise en application prochaine du nouveau règlement intérieur qui va définir l’entité “groupe politique” et tout ce qui s’y rattache », confirme Jacques Rit (lire ci-contre). « Les groupes vont donc bien devoir se constituer, et non se reconstituer. La composition de Horizon Monaco (HM), dans le contexte actuel, s’en trouvera bien évidement modifiée. » D’autres changements importants, « comme la possibilité de création d’un cabinet de la présidence ou l’établissement des conditions de levée de l’immunité un élu, sont présents uniquement dans les articles de la loi », conclut Jacques Rit.

 

1] Loi n° 1415 du 22 juin 2015 modifiant la loi n° 771 du 25 juillet 1964.
2] Commission spéciale en charge de la modification de la loi électorale, ainsi que de la loi sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil national.

 

Une commission spéciale… permanente ?

Elle s’appelle “commission spéciale en charge de la modification de la loi électorale ainsi que de la loi sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil national”. Alors que le dernier article du règlement intérieur du Conseil national a été approuvé le 27 avril lors d’une historique séance publique, il a été décidé, « lors de la première commission plénière d’étude de la présidence Steiner, le 4 mai » de conserver cette commission. Certes, il faut encore que le tribunal suprême valide ce dernier article, ce qui lui donne une éphémère légitimité. La vraie raison de son existence, c’est que son travail législatif est loin d’être terminé. « Si cette commission est à l’origine de modifications substantielles concernant la loi n° 839 du 23 février 1968 sur les élections nationales et communales[1], ces modifications n’ont porté que sur des points concernant l’organisation des campagnes électorales et du scrutin, mais pas sur l’élément politiquement essentiel que constitue le mode de scrutin », estime Jacques Rit. La commission spéciale n’a consacré qu’une de ses réunions, en 2013, à ce « sujet fondamental ». C’est Jean-Charles Allavena qui a succédé à Jacques Rit à la présidence (voir son interview dans ce numéro).
1] Loi n° 1409 du 22 octobre 2014.

 

Une minorité, des minorités ?

Après les récents chamboulements au Conseil national, le règlement intérieur devrait clarifier « sans ambiguïté » qui est l’opposition. « Le règlement intérieur ne connaît pas le mot d’opposition, mais celui de minorité. […] Le terme opposition n’a pas été retenu au terme d’un long débat », nuance Jacques Rit. L’élu explique que la majorité du Conseil national « peut-être définie par un ou plusieurs groupes politiques ». Et de préciser : « L’appartenance d’un groupe politique ou d’un élu indépendant à la majorité se fera sous forme déclarative. C’est l’article 15 du règlement intérieur. » Si la majorité est une entité composé d’un ou plusieurs groupes qui s’en revendiquent, qu’est la minorité ? « En vertu du même article, alinéa 2 et 3, tout groupe politique ou élu isolé n’ayant pas déclaré son appartenance à la majorité sera considéré comme faisant partie de la minorité. » Si la définition de la majorité fait celle de la minorité, il faut distinguer les différentes sensibilités politiques au sein de cette minorité, entre Union monégasque (UM) — minorité historique sortie des urnes — et un ou plusieurs autres groupes politiques qui vont s’y retrouver. « Le groupe politique du président ne sera pas forcément issu de la majorité du Conseil national », précise Jacques Rit. Si un autre groupe rejoint UM sur les bancs de la minorité, peut-on alors parler de minorités au pluriel ? « Le texte définit la minorité comme globalité », explique Jacques Rit. « Le fait d’appartenir à la minorité n’est pas suffisant pour faire de cette dernière une fédération. L’hypothèse “d’une opposition supplémentaire différente de l’historique” est d’ores et déjà une réalité. »