Philippe Ortelli, président de la Fedem, a tenu à s’exprimer pour retracer le parcours et les motivations de la requête en annulation de la loi sur l’interdiction des licenciements et le télétravail obligatoire pendant la crise sanitaire. Collégialité de la décision, malgré la mise au ban de Corinne Bertani, motivation uniquement juridique, et non idéologique, du recours, et sentiment d’abandon des patrons en principauté sont les points sur lesquels Philippe Ortelli a souhaité revenir.
Une nouvelle pièce dans la machine. Philippe Ortelli, président de la Fédération des entreprises monégasques (Fedem), n’a pas souhaité en rester là. Visiblement mécontent des suites médiatiques (lire notamment Monaco Hebdo n° 1154) données à la requête en annulation déposée par la Fedem contre la loi n° 1488 rendant le télétravail obligatoire et interdisant les licenciements abusifs durant la crise sanitaire, il a tenu à « remettre les pendules à l’heure ». « Le bureau fédéral [de la Fedem – N.D.L.R.], par cinq personnes a bien décidé de faire la requête. C’est une décision du bureau fédéral de déposer une requête en annulation auprès du tribunal suprême, quoi que certaines personnes aient pu en dire. Concernant les deux derniers membres du bureau fédéral, eu égard à leur proximité avec le Conseil national, pour ne pas les mettre en conflit de loyauté, et comme nous avions déjà une large majorité positive pour la requête, nous ne les avons pas informés ». Parmi ces deux membres, Corinne Bertani, élue Priorité Monaco (Primo !) dont la fiche de présentation sur le site du Conseil national affiche qu’elle est secrétaire générale de la Fedem depuis 2009. Or, Philippe Ortelli affirme aujourd’hui « qu’elle n’est plus secrétaire générale depuis deux ans, mais conseillère, depuis mars 2019 », depuis qu’elle est élue au Conseil national. C’est pour la « protéger » dit-il, au vu de sa position que le président de la Fedem l’a volontairement écartée de la décision. Critiqué également pour sa croisade seul contre tous dans cette affaire, celui-ci insiste sur le caractère collégial de la décision. « La chambre patronale du bâtiment et l’association des industries hôtelières monégasques ont également écrit par courriel au ministre d’État au début du mois d’avril pour leur exprimer leur désapprobation sur les arrêtés ministériels qui précédaient la loi », impliquant ainsi deux autres organisations patronales dans la balance. Puis, insiste, aussi et surtout, sur le volet juridique : « Ce recours, il est d’abord et avant tout juridique. La Constitution monégasque, c’est ce qui nous relie tous pour vivre ensemble à Monaco. Si une loi, selon nous, n’est pas en accord avec la Constitution, c’est le rôle de la Fédération des entreprises monégasques de poser la question, pour savoir si cette loi est en phase avec les institutions de notre pays. […] C’est important pour l’avenir du pays, pour l’attractivité du pays ».
En faire un cas de jurisprudence ?
Le recours a surpris puisqu’il attaque une loi dont la durée d’application est relativement courte, puisque circonscrite dans la suspension des délais administratifs. C’est-à-dire pour l’instant jusqu’au 18 juin 2020, même si ces délais pourraient être prorogés. Derrière cette action intentée par la Fedem, il semble se nicher la volonté de créer un cas de jurisprudence, si le tribunal suprême tranche en leur faveur. « Au moins, on saura où on en est. » Selon Philippe Ortelli, « entreprendre, c’est embaucher et licencier, et c’est aussi prendre des risques ». Une liberté d’entreprendre entravée par l’impossibilité de licencier sans motif durant deux mois et demi. « Les chefs d’entreprise ont très mal pris cette loi. J’ai reçu plus d’une trentaine d’emails, comme je n’en ai jamais eus auparavant. Des petits patrons sont venus me voir dans la rue, et m’ont dit : « Vous avez eu raison d’y aller. Ce n’est pas possible qu’on nous traite comme ça ! » ». Il regrette une décision prise « sous le coup de l’émotion », et estime que les chefs d’entreprise sont « abandonnés » par le pouvoir. « Chefs d’entreprise, qu’est-ce qu’on a eu ? Le droit de demander un crédit à notre banque garanti par l’État. » De l’autre côté, il regrette que la loi sur la baisse des loyers commerciaux n’ait pas été votée. « Quand on voit que les gros propriétaires fonciers n’ont pas eu le droit à la loi qui était annoncée, mais seulement à des demandes amicales, c’est un signal désagréable qui est donné aux entrepreneurs monégasques. Vous méritez une loi ». Pourtant, une telle loi se serait prononcée sur un autre versant sacré du droit monégasque : le droit de propriété privée. Quoi qu’il en soit, c’est désormais au tribunal suprême de statuer sur la loi n° 1488.

Corinne Bertani ne compte pas quitter la Fedem
Dans un premier temps, la requête en annulation a pu surprendre, puisqu’elle confrontait la volonté du président de la Fedem, Philippe Ortelli, et celle de Corinne Bertani, élue Priorité Monaco (Primo !) au Conseil national, qui a voté en faveur de la loi sur les licenciements, et qui est aussi membre du bureau fédéral de la Fedem. Malgré un désaveu public, puisque volontairement écartée de la décision de la requête en annulation de la Fedem, Corinne Bertani, n’a pourtant pas l’intention de quitter le bureau fédéral de la Fedem. Elle souhaite continuer à y exprimer « une voix différente » et explique qu’elle « tirera les leçons de cet épisode ». A noter qu’elle n’est effectivement plus secrétaire générale de l’organisation patronale, depuis 2019, malgré ce qu’indique sa fiche de présentation sur le site du Conseil national. A noter également, qu’un autre membre du bureau fédéral, Jean-Franck Bussotti, a également été écarté de la décision, pour des raisons similaires à Corinne Bertani.