vendredi 29 mars 2024
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Inflation, pouvoir d’achat : « Nous allons continuer à demander au gouvernement qu’il aille plus loin »

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Alors que la flambée des prix continue de grever le pouvoir d’achat des ménages, les élus du Conseil national réclament des aides au gouvernement princier. « L’État doit agir, au moins là où il le peut », estime le président Priorité Monaco (Primo !) de la commission des finances et de l’économie nationale, Balthazar Seydoux, qui a répondu aux questions de Monaco Hebdo. Interview.

Le 27 juin 2022, le Conseil national a publié un communiqué pour interpeller le gouvernement sur l’inflation et le pouvoir d’achat : pourquoi avez-vous souhaité intervenir sur ce sujet, et quelles étaient vos demandes ?

L’augmentation des prix liée à l’inflation est un sujet qui concerne tout le monde, et surtout, qui impacte tout le monde. Avec un niveau d’inflation à + 5,8 % en glissement annuel à fin juin 2022, qui continue d’augmenter, c’est un réel problème pour de nombreux foyers qui, avec des revenus identiques, voient l’ensemble des prix monter. Selon nous, l’État doit agir, au moins là où il le peut, et notamment sur les traitements des fonctionnaires et agents de l’État et de la commune, des personnels du centre hospitalier princesse Grace (CHPG) et des retraités de l’ensemble de ces services. Nous demandons que les revalorisations de leurs revenus ne soient pas inférieures, sur l’année 2022, au niveau d’inflation constaté.

Avez-vous été entendus par l’exécutif ?

Oui, en partie. En début d’année 2022 et en juillet 2022, des revalorisations du traitement de l’ensemble des personnels que j’ai mentionnés précédemment ont été décidées. Néanmoins, avec un cumul de revalorisation de +3,2 % pour les agents du service public, et +3,4 % pour ceux de l’hôpital, nous sommes encore loin du compte. Nous allons donc continuer à demander au gouvernement qu’il aille plus loin.

« Avec un niveau d’inflation à + 5,8 % en glissement annuel à fin juin 2022, qui continue d’augmenter, c’est un réel problème pour de nombreux foyers qui, avec des revenus identiques, voient l’ensemble des prix monter »

Vous évoquez dans votre communiqué, une inflation prévue à plus de 5 % qui ne couvrirait pas les revalorisations du 1er janvier 2022 et du 1er juillet 2022 : sur quels éléments se basent ces prévisions ?

La référence que nous utilisons est la même que celle que retient le gouvernement, en l’occurrence les calculs et les prévisions de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) français. C’est une base commune dont l’usage fait consensus. À cet égard, l’INSEE a déjà calculé une inflation à +5,8 % sur l’année 2022 en juin, et prévoit une poursuite de cette progression d’ici à la fin de l’année 2022, pour s’approcher, sans doute, des 7 %.

Vous réclamez une hausse des rémunérations pour les fonctionnaires de l’état et de la commune, en activité et retraités, ainsi que des personnels de l’hôpital public : en espérez-vous autant du secteur privé ?

Par définition dans un pays libéral comme le nôtre, l’État n’a pas la main sur le secteur privé, et à Monaco, nous sommes attachés à la liberté d’entreprendre. Certaines entreprises ont déjà mis en œuvre des actions en faveur du pouvoir d’achat de leurs salariés, comme, par exemple, la Société des bains de mer (SBM). À ce stade, c’est aux entreprises d’évaluer leur éventuelle réaction face à l’inflation, notamment au regard de la structure des salaires qu’elles pratiquent, du maintien de l’attractivité des emplois qu’elles proposent, ou encore de leur propre rentabilité et capacité à proposer des initiatives en soutien au pouvoir d’achat de leurs salariés.

« Avec un cumul de revalorisation de +3,2 % pour les agents du service public, et +3,4 % pour ceux de l’hôpital, nous sommes encore loin du compte »

Les quelque 50 000 pendulaires de la principauté sont soumis à la hausse des prix des carburants et des transports : l’État doit-il leur accorder un coup de pouce ?

Si vous suivez les débats du Conseil national, vous savez que nous défendons des solutions de transport collectif et que nous avons pour objectif de diminuer la part de véhicules individuels qui transitent chaque jour entre les Alpes-Maritimes et Monaco. L’État alloue en ce sens des subventions pour le transport par rail et par autobus. Pour les véhicules, Monaco investit dans la construction de parkings-relais à nos frontières. Pour les élus, il faut aller plus loin. Et c’est notamment la raison pour laquelle nous nous sommes battus pour que le gouvernement lance une expérimentation de gratuité des bus de ville en octobre et novembre prochains. De plus, nous défendons toujours l’idée d’une navette maritime à l’attention des salariés pendulaires et étudions toutes les options de transport disponibles. Quant au coup de pouce décidé par l’État français, il bénéficiera automatiquement aux salariés monégasques qui résident en France.

Cette inflation et cette baisse du pouvoir d’achat pourraient-elles creuser et/ou accélérer un peu plus le manque d’attractivité de la principauté dans certains secteurs d’activité ?

Il est évident que le phénomène inflationniste impacte négativement des secteurs qui étaient déjà en tension. Je pense notamment au secteur hospitalier, de l’hôtellerie, et de la restauration ou encore du bâtiment. Je ne parlerais pas de « manque d’attractivité », puisque, rappelons-le, la principauté compte un nombre total de salariés plus important que la totalité de sa population résidente. De plus, à emploi équivalent, les salaires sont plus élevés à Monaco, en raison notamment des charges plus faibles qui pèsent sur ceux-ci, par rapport à celles de la région voisine. Rappelons que les remboursements maladie et les retraites, à carrière égale, sont également plus intéressants à Monaco. Pour autant, il faut continuer de rester attractif, et faire venir chez nous les meilleures compétences dans tous les domaines. Bien évidemment, de bons salaires sont aussi un facteur d’attractivité pour nos entreprises.

« Le phénomène inflationniste impacte négativement des secteurs qui étaient déjà en tension. Je pense notamment au secteur hospitalier, de l’hôtellerie, et de la restauration ou encore du bâtiment »

Certains syndicats ont appelé à augmenter les salaires pour faire face à la hausse des prix : l’USM réclame notamment un salaire minimum interprofessionnel monégasque (SMIM) à 2 250 euros : êtes-vous favorable à une telle mesure ?

Avant toute chose, il faut rappeler que le salaire minimum net en principauté est bien supérieur à son équivalent français. Ensuite, comme je le mentionnais précédemment, la structure des entreprises monégasques est très variable, et il faut bien évaluer les effets pour l’ensemble des acteurs concernés. Ceci étant dit, sur le principe, nous sommes favorables aux initiatives en faveur du pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés.

Les pays voisins ont annoncé une série de mesures pour doper le pouvoir d’achat des foyers les plus modestes : la principauté doit-elle s’en inspirer ?

Là encore, il faut rappeler les spécificités monégasques. En effet, il ne nous appartient pas de nous substituer ou d’ajouter aux mesures mises en place dans les pays voisins, et donc, notre action se limite à la population résidente de Monaco. À cet égard, j’ai déjà évoqué notre volonté de voir progresser l’ensemble des traitements sur lesquels l’État peut agir directement, et notre accueil favorable de toute initiative prise, en ce sens, par les entreprises installées en principauté.

Pensez-vous à d’autres mesures et si oui, lesquelles ?

À ce stade, il ne nous semble pas indispensable d’envisager des mesures complémentaires, mais nous ne sommes pas fermés à l’idée d’étudier d’éventuelles nouvelles initiatives, si l’inflation continue de progresser.