samedi 20 avril 2024
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Antoine Bellando de Castro : « Il serait scandaleux que cette majorité explose »

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A seulement 27 ans, Antoine Bellando de Castro est le nouveau président de Rassemblement & Enjeux. Interview.

 

Votre parcours ?

Je suis né le 28 février 1988. Après une maîtrise en sciences de la terre et de l’environnement, je suis devenu gérant de Saeming Sports, une entreprise qui travaille dans l’import-export d’équipements sportifs.

 

A quand remonte votre intérêt pour la politique ?

Depuis mon adolescence, je m’intéresse à la politique. Pendant la campagne pour les élections nationales de 2008, j’ai commencé à participer sur le forum internet ouvert par le groupe politique Valeurs & Enjeux (V&E).

 

Vous êtes issu d’une famille qui s’est toujours impliquée dans la vie politique ?

C’est exact. Il y a bien sûr eu Théophile Bellando de Castro (1820-1903) qui a composé l’hymne national de la Principauté en 1841, ou encore Charles Bellando (1878-1960), qui a présidé le Conseil national de 1944 à 1950. C’est vrai que tous ces parcours individuels jouent sur mon placement sur l’échiquier politique monégasque.

 

En quoi ?

Par mon éducation familiale et par les valeurs qui m’ont été transmises, comme un attachement viscéral au strict respect des équilibres institutionnels établis. Sur le plan économique, je suis libéral, mais pragmatique. J’ai pleinement conscience qu’à Monaco l’interventionnisme de l’Etat est nécessaire, voire indispensable, notamment pour le développement immobilier de la Principauté. Même chose concernant l’accueil d’entreprises en Principauté : le filtre de l’Etat est un frein. Mais c’est un garde-fou nécessaire qui permet de vérifier le pedigree des patrons qui souhaitent s’installer à Monaco.

 

Votre première carte d’un groupe politique, c’était quand ?

J’ai toujours apprécié les valeurs de Rassemblement pour Monaco (RPM). Toutefois, lors de la dernière législature du RPM, avant 2003, je n’ai pas totalement adhéré à un certain nombre de positionnements pris par ce groupe politique. Des positions qui ont d’ailleurs conduit le RPM à perdre de son influence. De ce fait, la fusion entre le RPM et V&E en janvier 2008 a modéré certaines de ces positions. Ce qui m’a permis de me retrouver pleinement dans les valeurs politique de ce nouveau parti, à savoir Rassemblement & Enjeux (R&E).

 

Du coup, vous vous êtes encarté ?

Non, je suis resté sympathisant, tout en suivant de près l’activité des trois élus de la minorité, Laurent Nouvion, Christophe Steiner et Marc Burini. Je me suis encarté pendant la campagne de 2012, car j’ai été séduit par l’idée de la création d’une liste d’union nationale autour de R&E. J’ai toujours pensé que la victoire d’une majorité plurielle au Conseil national était la meilleure des solutions pour Monaco.

 

Pourquoi avoir été candidat à la présidence de R&E ?

C’est une décision réfléchie depuis environ un an. Cette décision a été proposée et discutée par les membres du comité politique de R&E. Presque tout le bureau exécutif, des membres du comité politique, ainsi que les élus, étaient favorables à ce que je prenne la présidence.

 

Qu’est-ce qui vous a convaincu d’accepter cette présidence ?

En novembre 2014, j’ai accepté la vice-présidence de R&E, ce qui m’a permis de voir comment fonctionnait la partie exécutive du mouvement. J’ai donc pensé que j’étais capable de mettre en œuvre la bonne stratégie pour ne pas reproduire certaines erreurs mineures.

 

Lesquelles ?

Même si c’était quelque chose de voulu, R&E a adopté une communication rare ces dernières années, considérant que le groupe politique majoritaire ne devait pas accaparer la parole au détriment de ses partenaires du pacte majoritaire de la majorité Horizon Monaco (HM). Cette discrétion du mouvement, qui découle de la discipline de groupe adoptée par R&E, doit désormais s’assouplir, je pense.

 

Pourquoi cette volonté de rajeunir le comité politique de R&E (voir notre encadré) ?

Le comité politique a pour rôle d’être l’aiguillon des élus R&E au sein de la majorité Horizon Monaco (HM). Pour pouvoir émettre des avis pertinents, on se doit de refléter la société monégasque dans son ensemble, sans tourner le dos à sa jeunesse. Il est rare que des jeunes viennent démarcher un mouvement politique. Et c’est pourtant ce qu’il s’est passé chez nous.

 

Comment expliquer cela ?

Certains, comme Morgan Borgia, suivaient l’activité de R&E depuis sa création. Morgan a participé à plusieurs comités politiques en tant qu’invité, avant de se mettre en retrait. Anthony Hermenier est venu nous voir spontanément tout simplement parce qu’il adhère aux valeurs portées par R&E lors de ses différentes campagnes : préservation du fonds de réserve constitutionnel monégasque, conserver les débouchés dans la fonction publique pour les Monégasques, faciliter le lancement d’une entreprise…

 

Cette équipe rajeunie s’est fixée quels objectifs ?

On veut être une force de proposition sur des points qui n’ont pas été intégrés dans le pacte signé en 2013 par la majorité HM. Notamment sur le processus de création d’entreprise.

 

En tant que nouveau président, quelles seront vos premières décisions ?

Même si ça peut paraitre paradoxal, je vais d’abord chercher à assurer une totale continuité de l’action de mon prédécesseur à la tête de R&E, Alain Ficini. En plus du comité politique, R&E a activé depuis un an des groupes de travail thématiques qui se réunissent périodiquement. Ces groupes traitant notamment du développement urbanistique par quartier, de l’urbanisme commercial ou encore de l’administration. De nombreuses autres thématiques devraient prochainement enrichir nos travaux.

 

Lors de votre assemblée générale le 2 février, il n’y avait que trois élus R&E, Laurent Nouvion, Alain Ficini et Béatrice Fresko et seulement deux élus de la majorité HM, Claude Boisson (Synergie Monégasque) et Jacques Rit (indépendant) ?

Certains élus avaient prévenu de leur absence et s’étaient fait excuser, notamment Christian Barilaro. Il a d’ailleurs été réélu au comité politique. Mais il faut avouer en toute franchise qu’il y a bien eu quelques défections d’élus de notre famille politique.

 

Lesquels ?

Je ne me permettrais pas de de dresser la liste de ceux qui ont prévenu et de ceux qui ne l’ont pas fait. Peut-être certains ont-ils eu des impératifs de dernière minute ? Maintenant, c’est aux militants de juger de l’absence massive de leurs élus à un événement clé de la vie de leur mouvement. Car le comité politique et le bureau exécutif ne sont réélus que tous les trois ans. Et s’il y a bien une assemblée générale à laquelle on doit assister lorsqu’on appartient à une famille politique, c’est celle là !

 

Quelle est la position occupée par l’ex-président de R&E, Jean-Charles Allavena ?

J’ai personnellement invité Jean-Charles Allavena à renouer le dialogue avec R&E en novembre dernier pour nous faire part de ses éventuelles doléances. Ayant décliné cette invitation, et s’étant éloigné de nos positions sans dialogues internes préalables, nous considérons qu’il ne fait plus partie de notre groupe politique. Au fond, je pense qu’il ne se considère plus comme R&E. Et la réciproque est vraie.

 

C’était un problème de fond ?

Non. C’est un problème de forme qui a conduit à son départ de la présidence de R&E. Depuis, des problèmes de fond ont accentué sa mise à la marge de notre famille politique, ce que nous regrettons. Il garde toutefois sa liberté de parole dans la majorité HM. Car R&E n’a rien à imposer à la majorité HM. Et de notre point de vue, Jean-Charles Allavena peut très bien siéger comme un élu indépendant au sein de HM.

 

En fait, aucun avis divergent n’est accepté chez R&E ?

Dans une majorité plurielle, on attend une véritable discipline de groupe. Bien sûr, le débat interne au mouvement est plus qu’encouragé. Et on peut tolérer des divergences entre les composantes de la majorité. L’important, c’est d’arriver à une unanimité dans ce qui constitue les grandes lignes du pacte conclu avec les Monégasques. C’est ça qui fait la philosophie et la richesse d’une majorité plurielle.

 

Mais l’UP a clairement pris ses distances avec HM ?

De notre côté et au niveau du groupe politique R&E, le dialogue n’a jamais été rompu avec l’UP. On remarque que depuis quelques temps leur communication de groupe est de plus en plus indépendante. Ce que R&E s’était interdit de faire jusqu’à présent. Mais c’est leur droit le plus strict. Car la gestion de leur communication partisane leur appartient. Nous remarquons cependant que certains sujets sont traités par l’UP de façon contraire à l’esprit du pacte majoritaire scellé en 2012. R&E a aussi renouvelé son comité politique pour taper du poing sur la table et pointer du doigt les éventuelles dérives de ses partenaires.

 

Un exemple ?

Je déplore le communiqué du comité directeur de l’UP, d’une virulence rare à l’encontre de la directrice générale de la Société des bains de mer (SBM). Je remarque néanmoins que les élus UP n’en sont pas signataires. R&E s’est toujours interdit de s’immiscer dans la gestion directe d’une entreprise d’Etat. Notre seul interlocuteur pour la SBM, c’est le gouvernement, et lui seul. Ce communiqué est donc un dérapage du comité directeur de l’UP.

 

Donc sur le dossier SBM, vous êtes d’accord avec l’opposition Union Monégasque (UM) ?

Chez R&E, nos principes nous amènent à croire que la normalisation de la situation financière de la SBM est essentielle pour lui permettre d’assurer son rôle social durablement. Et nous ne voulons pas que le politique s’ingère dans sa gestion. Si cette vision d’une SBM dépolitisée est partagée, nous nous en félicitons. Notre pragmatisme nous amène donc parfois à être en convergence de vue avec UM, comme d’autres composantes politiques.

 

On va donc vers une recomposition de la majorité HM ?

Il appartient aux élus et aux instances dirigeantes de la majorité HM, dans lesquelles ne sont pas représentés les dirigeants des groupes politiques qui la compose, de décider si des ajustements sont nécessaires.

 

Votre position sur ce sujet ?

Je souhaite que la majorité HM reste soudée, conformément aux engagements pris lors de la campagne électorale de 2012. Nous avons proposé une liste d’union nationale aux Monégasques pour les cinq ans de mandat au Conseil national, pas trois ! Il serait donc absolument scandaleux que cette majorité explose, comme l’a fait la précédente majorité entre 2008 et 2013. Cela discréditerait totalement les responsables de cet hypothétique éclatement auprès de l’ensemble des Monégasques.

 

En cas de recomposition de la majorité, l’élu d’opposition Union Monégasque Jean-Louis Grinda a indiqué que son groupe politique était « disponible, sans aucune contrepartie politicienne » : vous appréciez ce signe d’ouverture ?

Je n’ai pas pour habitude de commenter une fiction, mais si certains élus de la minorité souhaitent devenir indépendants et rejoindre la majorité HM, pourquoi pas ? Après, bien sûr, tout dépend du passif politique de ces élus et de leur adhésion indispensable au projet porté par la majorité HM et de son leader… L’ouverture oui. Mais pas au prix du renoncement à nos valeurs.

 

En attendant, Laurent Nouvion doit colmater les brèches dans sa majorité ?

La position de leader d’une majorité plurielle est toujours un exercice complexe. Au vu de son expérience, Laurent Nouvion saura composer pour ressouder sa majorité autour de lui et des engagements du pacte majoritaire.

 

Si des groupes parlementaires sont créés, avec la possibilité pour chaque élu d’adhérer ou pas au groupe HM, la majorité risque d’exploser en quatre groupes : R&E, Union pour la Principauté (UP), Synergie Monégasque (SM) et indépendants ?

Cette hypothèse me semble peu probable, dans la mesure où pendant la campagne il a été dit et répété que notre liste était soudée et qu’elle durerait le temps du mandat, soit 5 ans. Ce serait une imposture politique totale que de voir cette équipe éclater. Surtout quand 80 % des engagements de campagne sont lancés, conformément à ce qui a été présenté aux Monégasques. Il est vrai que le fonctionnement de l’institution Conseil national est certainement perfectible. Mais ce sujet n’intéresse pas véritablement nos compatriotes. Tout cela, c’est de la polémique stérile qui agace les Monégasques.

 

Laurent Nouvion sera réélu à la tête du Conseil national en avril ?

C’est aux élus de se déterminer. Mais j’ai la quasi certitude que oui. Laurent Nouvion reste le seul véritable leader du pacte majoritaire. Sans faire preuve de chauvinisme de la part de R&E, je ne vois pas qui d’autre pourrait parvenir à incarner la majorité et porter ses idées.

 

Et si un élu de la majorité HM se présente face à Laurent Nouvion ?

Si c’est le cas, et si cet élu est issu de notre famille politique, il sera définitivement isolé de notre mouvement.

 

Le président de l’Association des fonctionnaires monégasques (ADFM), Patrick Rinaldi, s’est dit « déçu » de « constater que parmi les priorités du président du Conseil national ne figure pas le vote du projet de loi réformant le statut des fonctionnaires » : vous lui répondez quoi ?

Au vu du calendrier chargé du Conseil national, il est difficile de parvenir à traiter tous les sujets, surtout quand ils sont aussi lourds et complexes que le statut des fonctionnaires. Ce qui ne signifie évidemment pas que ce dossier ne sera pas traité.

 

Patrick Rinaldi estime qu’il s’agit d’une « rupture » avec « l’esprit dans lequel nous avions pourtant travaillé efficacement avec le président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses du Conseil national, Thierry Poyet » ?

Il est difficile de croire que lorsque Patrick Rinaldi s’exprime au nom de l’ADFM, il a complètement ôté sa casquette de président de l’UP… Mais plus que l’avis de Patrick Rinaldi, que je respecte, c’est l’avis des élus UP au Conseil national que j’aimerais avoir sur ce dossier…

 

Qu’attendez-vous du nouveau ministre d’Etat, Serge Telle ?

Nous espérons que les concessions obtenues lors du dernier budget rectificatif en octobre dernier, proposant une nouvelle méthode de travail qui associerait davantage les élus, seront mises en pratique. Car les élus ont besoin d’être informés le plus en amont possible des sujets qu’ils auront à traiter.

 

Comme sur le remembrement du quartier Ida, par exemple ?

Dès le départ, R&E soutient cette initiative de remembrement du quartier Ida lancée par un collectif de propriétaires privés. Nous avons obtenu du gouvernement qu’il étudie la faisabilité de cet énorme chantier. Depuis, une surenchère sur le dimensionnement de ce projet est en cours. Chez R&E, on est pragmatique : on attend donc l’étude d’urbanisme et d’impact demandée par Laurent Nouvion au gouvernement pour pouvoir juger sur une base factuelle et objective du dimensionnement idéal de cette opération immobilière et de son éventuel phasage dans le temps.

 

Vous avez des craintes ?

Je ne voudrais pas qu’en rentrant dans une logique de « toujours plus » de la majorité HM, on aboutisse à l’abandon pur et simple de ce projet. Le phasage de l’opération me parait être une solution conforme aux engagements pris devant les Monégasques.

 

Et le logement des enfants du pays ?

En soutenant ce projet Ida, on soutient de fait la livraison d’appartements pour les enfants du pays. C’est aux services de l’Etat de quantifier avec précision le nombre d’appartements qui peut être mis à leur disposition dans cette opération.