mardi 23 avril 2024
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« Il n’y a aucune
conséquence politique »

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Après le vote d’un budget rectificatif « éprouvant », le président Horizon Monaco du Conseil national, Laurent Nouvion, estime que sa majorité n’est pas ébranlée.

 

Quel bilan tirez-vous de cette session budgétaire ?

Ces séances budgétaires se sont passées dans un contexte de tensions politiques et de rapport de force avec le gouvernement. Le rapport de la commission des Finances, très bien fait et très précis, a servi de véritable déclencheur. Il a enclenché une prise de conscience collective et individuelle des deux côtés de l’avenue des Pins, en permettant de débloquer un certain nombre de situation.

 

Quelles sont les avancées concrètes ?

On assiste, par le discours de Michel Roger, à une inflexion sur l’extension en mer. D’abord, la date butoir du 30 juillet 2016 n’en est plus une. Ensuite le traité signé le 30 juillet est évolutif et sera donc, par nature, modifié. Enfin, le gouvernement ne s’immiscera pas dans la détermination du calendrier institutionnel et législatif du Conseil national. Et ça, c’est très important.

 

Quoi d’autres ?

Il y a eu un mea culpa sur le logement. Le gouvernement a reconnu qu’il n’a pas pu tenir ses engagements, puisque deux des trois opérations intermédiaires ont été abandonnées. Il a fait la proposition d’une solution alternative qui inclut une école sur l’îlot Stella. C’est une solution que nous demandons depuis 2 ans, ainsi qu’une opération mixte de près de 40 logements qui sera livrée fin 2018, début 2019. Nous considérons ça comme un engagement ferme.

 

D’autres exemples ?

On assiste à une prise de conscience sur l’Union européenne (UE) pour associer le Conseil national. On a obtenu une table ronde sur la circulation et un mea culpa sur le dossier Héli Air (voir notre dossier dans Monaco Hebdo n° 940) qui a suscité des tensions. Le gouvernement a reconnu qu’il devait nous donner toutes les informations nécessaires pour que les conseillers nationaux puissent se déterminer en toute connaissance de cause sur tous les sujets qui les concernent. Ce sont des éléments qui font l’objet de déclarations publiques et solennelles. Maintenant tout reste à faire. Ce que j’attends aujourd’hui, c’est que les paroles du gouvernement se transforment en acte et dès demain.

 

Vous avez donné des consignes de vote ?

Je n’ai jamais donné de consigne de vote. Ce n’est ni ma nature, ni ma philosophie. J’ai parlé de cohérence de majorité. Celle-ci a pu exprimer toutes ses sensibilités, parfois ses nuances, parfois ses critiques. Cette majorité est jeune. Elle est en train de gagner en maturité et en expérience.

 

Votre façon de présider va évoluer ?

Ce qui est important pour moi, c’est de décider. Mais décider n’empêche pas l’écoute des différentes suggestions que certains expriment parfois de façon un peu véhémente. Mais chacun sa personnalité. La vie politique n’est pas un long fleuve tranquille. Je suis dans mon rôle d’écouter et d’essayer de travailler mieux avec mes élus de façon réciproque. C’est un échange mutuel.

 

Quelles sont les conséquences politiques de ce vote pour votre majorité ?

Il n’y en a aucune. Chacun a pu donné son avis, chacun a voté comme il le souhaitait. Une cohérence s’est exprimée. A charge pour nous de continuer à transformer ce budget rectificatif, et l’inflexion obtenue de la part du gouvernement, en termes politiques. Ce qui m’importe, ce sont les actes, c’est ce que nous obtenons pour nos compatriotes. C’est aussi le bilan que nous avons déjà à notre actif et les nombreuses choses qu’il nous reste encore à faire. Les débats internes à la majorité sont normaux, ils sont internes. Je prends cet épisode du budget comme une démarche qui nous rend plus mature et qui a testé la capacité de chacun à faire bouger les lignes en face.

 

Comment expliquez-vous que les relations avec le gouvernement soit passées de très tendues à presque idylliques ?

J’explique ça par une pression très importante que nous avons exercée. Par un front commun de la majorité, avec des nuances plus ou moins ultra. Il y a toujours le moment de la tension et toujours le moment de l’apaisement. C’était mon rôle de faire passer d’une situation tendue à une situation apaisée. A partir du moment où le gouvernement a également ouvert la porte et fait un pas, tout le monde a à y gagner. Je ne pense pas qu’il prendra le risque de revenir à des habitudes qui nous ont mené là.

 

Comment le paysage politique monégasque va se recomposer à moyen terme ?

Je suis à la tête de la majorité et j’avance. Nous aurons tout le temps, à partir de l’automne 2017, pour que chacun se positionne en vue des échéances… Pour ceux qui auront décidé d’y retourner. La majorité est légitime. Elle est constituée de 20 hommes et femmes élus sur un pacte commun avec les Monégasques qui nous engagent tous. Cet engagement nous lie tous, malgré certaines dissensions ou certaines discussions tout à fait naturelles. La majorité a du travail à fournir et elle a encore d’autres choses à proposer, y compris sur les problèmes de société, sur la loi 1235, sur Ida, puisqu’à ce jour nous ne disposons pas de suffisamment d’assez d’éléments pour se prononcer sur cet énorme projet.

 

Comment diriger le Conseil national dans la mesure où vous ne disposez plus que d’une majorité relative ?

La majorité n’était absolument pas large. Elle est relative de 12 élus, c’est-à-dire plus que la majorité. Nous sommes 20 et il y avait 7 abstentions très importantes et motivées, et une voix contre. Tout ça me paraît parfaitement cohérent. Et ce par rapport aux avancées que nous avons obtenues, aux lignes que nous avons fait bougées et à cette prise de conscience réciproque avec le gouvernement.

 

Comment expliquer les abstentions du président de la commission des Finances, Marc Burini et de votre vice-président, Christophe Steiner ?

Je les comprends. Nous en avons parlé. Le président de la commission des Finances a défendu les couleurs d’un rapport très percutant. Il est tout à fait naturel que, n’ayant pas suggéré à ses collègues d’adopter cette loi de budget, il se soit abstenu. Je crois que les deux explications sont tout à fait précises à ce sujet. Il n’y a pas à rajouter une virgule à ce qu’ils ont dit.

 

En tant que président, vous sortez comment de ce budget ?

Je suis un garçon pragmatique, posé. Je m’inscris avec un certain recul et dans le temps. C’était un budget éprouvant qui nous a permis les uns et les autres de sortir plus matures et de gagner en expérience dans l’exercice de nos fonctions. Je n’ai aucune gêne à dire publiquement que je reconnais qu’il m’a permis de gagner en expérience. Parce que c’est pour moi, depuis notre élection, un moment de tension important vis-à-vis du gouvernement, mais aussi dans le cadre des échanges et des débats internes à la majorité. Mais c’est comme ça que la majorité ressortira avec plus d’expérience. Et je l’espère, plus forte.

 

Pourquoi ?

Il s’agissait d’un test pour tout le monde. Les conseillers nationaux ont vu qu’il s’agissait de fonctions délicates et compliquées. Quand on veut faire bouger les lignes, il faut du courage et de l’abnégation. Mais il arrive le moment où il faut ouvrir la porte. C’est l’esprit de nos institutions. On était dans la tension pour arriver à l’accord des volontés et poser les conditions de ce dialogue. Il n’est jamais trop tard pour le faire. Maintenant, à charge pour la majorité de transformer ce moment du budget rectificatif pour avancer sur le budget primitif, l’extension en mer et les grands défis qui nous attendent.

 

Finalement, le grand gagnant, c’est l’opposition Union Monégasque (UM) ?

UM est complètement incohérente. Elle nous traite de parlementariste car on appelle à ne pas accueillir favorablement ce budget. La constitution permet de voter pour, de s’abstenir ou de voter contre. Ce n’est pas en utilisant l’une des trois possibilités qu’on est contre la constitution ! Depuis un an et demi, UM fait une croisade pour essayer de rendre populaire et acceptable leur idée d’introduire un amendement budgétaire à Monaco… Qui se traduit à terme directement par la coresponsabilité du gouvernement devant le Conseil national. C’est-à-dire le basculement du régime de la monarchie héréditaire et constitutionnelle vers un régime parlementaire. Nous sommes tous unanimes : nous n’en voulons pas.

 

D’autres divergences ?

Je suis étonné de leur silence assourdissant sur les prérogatives du Conseil national qui n’ont pas été respectées, notamment au moment de la signature du traité de la prochaine extension en mer. J’aurais aimé entendre qu’ils étaient satisfaits de cette inflexion du gouvernement et qu’on repartait sur des bases meilleures et plus saines. Lors des débats sur ce thème, ils ont été muets, absents et silencieux. C’est pourtant un sujet qui sera d’importance pour Monaco dans les 10 ans qui viennent.

 

L’élu du groupe Renaissance, Eric Elena, vous a beaucoup critiqué ?

Eric Elena confond trois choses : son mandat de conseiller national avec son mandat de responsable syndical et parfois son mandat de responsable d’association sportive. Quand on est conseiller national, on met ses autres casquettes à l’entrée du vestiaire pour être conseiller national exclusivement. On ne fait pas état de sujets qui vous concernent directement ou indirectement. C’est pour ça que les Monégasques nous élisent. Ils nous demandent d’avoir, en toute équité, un avis sur tous les sujets qui concernent la matière législative et la matière budgétaire qui concerne tous les pans de l’activité économique.