jeudi 28 mars 2024
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Fabrice Notari : “Il faut un conseil national fort”

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Fabrice Notari, vice-président du conseil national
« Ces deux coups portés à l’assemblée, lui enlevant successivement le président de sa principale commission et son président, l’ont affaiblie. » © Photo Monaco Hebdo.

Fabrice Notari, vice-président du conseil national avait gardé le silence jusqu’à présent. Aujourd’hui, il livre son analyse sur le désordre qui règne à l’Union pour la principauté et sur la sortie de crise. Interview relue.

Monaco Hebdo : Selon vous, quelle est l’origine de la zizanie actuelle qui règne au sein de la majorité ?
Fabrice Notari : Je pense que M. Proust est à l’origine de tout ce qui se passe actuellement. C’était un excellent ministre d’Etat, un personnage très intelligent et expérimenté, qui a fait beaucoup de bien à Monaco lorsqu’il a fait la passation entre le prince Rainier et le prince Albert. Malheureusement, sur la fin, il nous a fait quelques surprises désagréables. Notamment avec l’affaire de la tour Odéon. Je vous rappelle que fin 2009, lors des débats budgétaires, j’avais quitté l’hémicycle pour ne pas approuver la façon dont avait été géré ce dossier.

M.H. : Précisez votre pensée…
F.N. : Le conseil national conduit par Stéphane Valeri était très fort et il a voulu l’affaiblir. Je pense que Jean-Paul Proust est à la source de la nomination de Stéphane Valeri au gouvernement avec l’idée de décapiter le conseil national. En amont, la nomination au conseil d’administration de Pierre Svara, alors président de la commission des finances, avait déjà jeté le trouble et désorganisé le conseil national. Ces deux coups portés à l’assemblée, lui enlevant successivement le président de sa principale commission et son président, l’ont affaiblie. Politiquement, c’était bien joué. Ça a fait plonger le conseil national, et il a fallu opérer un jeu de chaises musicales au niveau des présidences de commissions.

M.H. : Etait-il possible que Pierre Svara conserve la présidence de la commission des finances ?
F.N. : Non. Il est important que la commission des finances ne soit pas présidée par quelqu’un qui puisse être juge et partie sur certaines questions-clés comme celles relatives à la Société des bains de mer. Comment être libre de sa parole et impartial pour les dossiers concernant la SBM quand on est l’un de ses administrateurs??

M.H. : Selon vous, Stéphane Valeri aurait dû refuser sa nomination??
F.N. : Le prince doit s’entourer des meilleures personnes au meilleur endroit. Stéphane Valeri est un bon choix évidemment puisqu’il est, à mon sens, l’un des principaux hommes politiques monégasques avec Bernard Fautrier et Franck Biancheri.

M.H. : Ce « coup politique » représente l’origine des troubles. Mais vous ne pouvez pas faire l’impasse sur l’implosion de la majorité UPM ?
F.N.?: Evidemment. En parallèle, il y a eu une dispute à l’intérieur de l’Unam, les désaccords se traduisant par une volonté de répartir différemment les rôles, et notamment la vice-présidence du conseil national confiée alors à Bernard Marquet. Mais tout est lié. Quand on jette un caillou, les choses se désagrègent au fur et à mesure. Les frères Marquet partant de l’Unam pour l’UP, l’Unam, amputé d’un tiers de ses membres, était réduit en petits morceaux et ne représentait plus la même force au conseil national. Il y a alors eu logiquement une discussion avec l’UP pour réorganiser le conseil national.

M.H. : Refuser de conserver le même nombre de postes à l’Unam n’était pas un prétexte, pour l’UP, pour se passer des services de l’Unam??
F.N. : Au contraire. Nous avons toujours souhaité conserver l’Union avec l’Unam dans la droite ligne du premier mandat. Nous avons un programme commun. Il n’y avait aucune raison de se séparer. Seulement, l’an passé, chacun est resté sur ses positions, en raison d’une certaine inconscience des deux parties. Tout s’est disloqué mais personne ne savait qu’on en arriverait là aujourd’hui.

M.H. : L’union peut-elle renaître ?
F.N. : Si au début, on avait enlevé le grain de sable, l’engrenage aurait pu fonctionner. Aujourd’hui, après les différentes joutes verbales et les communiqués acrimonieux, reconnaissons que l’engrenage est abimé. Mais on peut remettre la machine en état de marche. Les gens sont attachés à leur situation et leurs intérêts personnels. Cela doit changer. Les élus doivent davantage penser à l’intérêt général de Monaco et des Monégasques. Nous sommes dans une période de crise et l’on doit se serrer les coudes.

M.H. : A commencer par l’UP ?
F.N.: Au départ de Stéphane Valeri pour le gouvernement, un nouveau président a été choisi. La majorité a choisi Robillon contre Poyard-Vatrican et il fallait l’accepter. Visiblement ça n’a pas été le cas pour tout le monde. Notamment par Poyard qui brigue le poste aujourd’hui. Or, il faut que l’on ait un conseil national fort. Si on commence à avoir des petits groupes allant de l’opposition aux indépendants, en passant par l’Unam tronquée et l’UP désordonné, on n’y arrivera jamais.

M.H. : La prochaine assemblée de l’UP le 24 mars devrait éclaircir la situation ?
F.N. : Il y a actuellement deux approches?: celles des élus et celle du parti. S’il y a deux courants et donc deux listes, ce qui à mon sens n’est pas permis par les statuts, il y aura logiquement un vainqueur et un vaincu.

M.H. : Les vaincus seront-ils exclus s’ils maintiennent un candidat à l’élection du président du conseil national ?
F.N. : Si une majorité claire se dégage pour l’un des courants, chacun prendra ses responsabilités. Il y a différentes hypothèses sur la sortie de crise. Dans le scénario catastrophe, on peut effectivement envisager que si Anne Poyard-Vatrican est élue, elle exclue les « infidèles ». Ce qui ne serait pas notre option si nous gagnons : nous n’avons aucune raison d’exclure qui que ce soit. Nous n’avons pas été les initiateurs de cette crise. Nous nous sommes juste défendus pour expliquer les choses.

M.H. : Et s’il y a un troisième courant ?
F.N. : Une liste de personnes qui n’est dans aucun camp peut se révéler. Mais quoi qu’il en soit, il est dans l’intérêt de tous d’arranger les choses et de trouver un terrain d’entente. L’engrenage n’est pas rompu. J’appelle toutes les bonnes volontés à se mettre en marche.

M.H. : On n’en est pas à la première division de la majorité. Depuis 2003 et la nouvelle loi électorale de 2002, la majorité parlementaire a implosé à chaque mandature. Est-ce symptomatique d’un problème de fonctionnement du système ?
F.N. : Les origines des différentes « rixes » et implosions de la majorité parlementaire n’ont rien en commun. Néanmoins, il est vrai que le problème est récurrent. Je suis persuadé que le scrutin de liste n’est pas optimal dans le système monégasque. Si on veut faire plusieurs listes d’au moins 15 personnes, il faut trouver trois fois plus de gens compétents qui ont du temps à consacrer à leur mandat. Or il est impossible de trouver autant de perles dans un pays de 8?000 nationaux. Il faudrait peut-être songer à établir une liste de personnalités de la société civile représentant tous les bords de l’échiquier politique. Cela permettrait d’enrichir les débats et de ne pas être bloqué par cette loi unique au monde qui mélange le panachage à une dose de proportionnelle.

M.H. : Pourquoi ne pas modifier cette loi ? Avant la fin du premier mandat, la majorité avait dit qu’elle le ferait lors de la mandature 2008-2013 ?
F.N. : Nous n’avons pas eu le temps. C’est un travail énorme or nous travaillons déjà actuellement sur la loi d’organisation du conseil national. Quand celle-ci sera votée et appliquée, il faudra voir à quel point elle améliore le travail de l’assemblée. Et en tirer les conséquences pour modifier la loi électorale. Mais c’est difficilement réalisable d’ici 2013.

M.H. : Quand on voit ce qui se passe aujourd’hui, il y a pourtant fort à parier que les listes se multiplient d’ici à 2013 : comment l’éviter ?
F.N. : On l’a vu lors des dernières élections : il n’y a pas la place pour trois listes. D’autant que s’il y a une liste de l’actuelle majorité et une autre de la majorité recomposée, on va se marcher dessus. Pour la majorité, le risque est que l’opposition d’aujourd’hui devienne la majorité de demain. C’est pourquoi il faut retrouver l’union et l’élargir à des personnalités civiles comme on l’a fait en 2008 avec Pierre Svara et Nicole Manzone. Si on devait arriver à un point de retour, autant aujourd’hui un conseil national affaibli favorise le gouvernement, autant cela peut être catastrophique pour le pays. Surtout si on va jusqu’à la dissolution de l’assemblée. Aucune des deux parties n’est prête à aller au combat. Les gens doivent donc se responsabiliser et se rabibocher.