vendredi 19 avril 2024
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Le Conseil national salue
la mémoire du prince Albert 1er

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Désormais, la bibliothèque de la haute assemblée porte le nom du fondateur du Conseil national, le prince Albert Ier. Un hommage lui a été rendu par les élus le 25 janvier 2022, en présence du prince Albert II.

Les élus du Conseil national ont reçu le prince Albert II le 25 janvier 2022. Ce dernier l’a souligné lui-même dans son discours, sa présence dans les murs du Conseil national est plus que rare. Mais le moment était, lui aussi, exceptionnel, puisqu’il entre dans le cadre de la célébration du centenaire du prince Albert Ier (1848-1922). À cette occasion, la bibliothèque de la haute assemblée a été baptisée du nom du trisaïeul du prince Albert II. Un portrait représentant Albert Ier a été dévoilé, dans l’entrée de cette bibliothèque. Pour assister à ce moment particulier, les invités étaient nombreux. Le ministre d’État et son gouvernement étaient présents, mais aussi le secrétaire d’État à la justice, l’archevêque, le président du tribunal suprême, le président du conseil de la couronne, et un bon nombre de personnalités de la principauté. Dans son intervention publique, le président du Conseil national, Stéphane Valeri, a mis en avant « l’apport » du prince Albert Ier aux institutions de Monaco, à savoir « l’octroi de notre première Constitution, et donc la fondation du Conseil national ».

hommage Albert 1er conseil national
© Photo Gaetan Luci / Palais Princier

La présence du prince Albert  II dans les murs du Conseil national est plus que rare. Mais le moment était, lui aussi, exceptionnel, puisqu’il entre dans le cadre de la célébration du centenaire du prince Albert Ier (1848-1922)

Contexte

Dans la foulée, il a aussi évoqué la trajectoire du prince Albert Ier : « On connaît désormais encore mieux l’explorateur, le militant d’un nouvel ordre mondial au travers de l’Institut international de la paix, le fondateur du musée et de l’Institut océanographique, ou bien encore le défenseur d’Alfred Dreyfus (1859-1935). Son parcours force l’admiration, et dresse le portrait d’un grand homme, qui avait, il y a plus d’un siècle, une vision d’une modernité incroyable. » Alors que Monaco célèbre les 110 ans qui marquent le passage de la monarchie absolue vers la monarchie constitutionnelle, Stéphane Valeri a estimé que le prince Albert Ier avait perçu « l’impérieuse nécessité de donner un socle démocratique à nos institutions, avec la prescience que toutes les monarchies absolues seraient bientôt dissoutes dans un système parlementaire dans lequel il perdrait le contrôle du destin du pays ». Ce constat a donc débouché sur une Constitution, promulguée en janvier 1911. C’est elle qui a créé le Conseil national. Stéphane Valeri a alors cité un autre président du Conseil national, Louis Auréglia (1892-1965), qui décrivait le contexte de l’époque : « Les Monégasques n’avaient pas réclamé, comme les Mentonnais en 1848, une véritable onstitution, mais des réformes administratives, notamment la proclamation des libertés publiques, telles que le droit de réunion et la liberté de la presse, la création d’un conseil communal électif, avec des attributions étendues, l’admission par priorité des nationaux dans les emplois publics, l’organisation d’une consultation populaire dans toutes les questions touchant aux intérêts vitaux du pays, grâce à la collaboration directe du prince et de ses sujets. » Alors que la Constitution est suspendue pendant la guerre, les élus du Conseil national proposent qu’elle soit révisée en 1945. « C’est ainsi qu’apparaît pour la première fois, dans la rédaction de la proposition, cette expression : « L’initiative des lois appartient au prince et au Conseil national. La loi implique l’accord des volontés du prince et du Conseil national »», a souligné Stéphane Valeri.

hommage Albert 1er conseil national
© Photo Gaetan Luci / Palais Princier

Le constat dressé par le prince Albert  Ier a donc débouché sur une Constitution, promulguée en janvier 1911. C’est elle qui a créé le Conseil national

hommage Albert 1er conseil national
« Le prince demeure depuis 1911, le fondement constitutionnel unique des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire, dont la Constitution a, au demeurant, garanti la séparation. Cet héritage, nous le devons à vôtre ancêtre, Albert Ier. » Dominique Chagnollaud. Professeur de droit à Paris II et président du Cercle des constitutionnalistes. © Photo Gaetan Luci / Palais Princier

Alors que Monaco célèbre les 110 ans qui marquent le passage de la monarchie absolue vers la monarchie constitutionnelle, Stéphane Valeri a estimé que le prince Albert Ier avait perçu « l’impérieuse nécessité de donner un socle démocratique à nos institutions »

« Prérogatives »

Finalement, en 1958, suite à des échanges qualifiés de « parfois rugeux » entre le prince Rainier III et l’ancien doyen du Conseil national Max Brousse (1923-2019), une nouvelle Constitution finit par voir le jour en 1962, sous l’impulsion du prince Rainier, qui estime alors que cette révision répond à son « désir déjà exprimé publiquement de perfectionner nos institutions. Celle ensuite de satisfaire les souhaits légitimes de la population, traduits par le Conseil national ». Désormais, le budget est voté sous la forme d’une loi. Puis, en 2002, une nouvelle révision constitutionnelle voit le jour, rendue nécessaire par l’adhésion de Monaco au Conseil de l’Europe. De 12 élus en 1911, à 18 en 1962, le nombre d’élus passe alors à 24. Les conseillers nationaux bénéficient désormais d’un droit d’amendement, et ils héritent également du droit de faire des propositions de loi auxquelles le gouvernement monégasque est tenu de répondre. Stéphane Valeri a alors rappelé qu’aujourd’hui, le Conseil national n’est « ni une chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales, ce qui serait contraire à l’esprit de nos institutions, ni une chambre d’opposition au gouvernement, ce qui traduirait une dérive vers le parlementarisme. Le Conseil national se doit d’être un partenaire indépendant et d’entretenir avec le gouvernement, tout en défendant ses prérogatives avec fermeté, un dialogue basé sur la recherche permanente du consensus, sans lequel, à Monaco, rien n’est possible. » Finalement, « après 110 ans — grâce en soit rendue au prince Albert Ier — notre Constitution est toujours jeune, car elle a su évoluer, et parce que la monarchie constitutionnelle reste un outil moderne, plein d’avenir, au service de la principauté toute entière », a conclu le président du Conseil national. De son côté, présent pour l’occasion, Dominique Chagnollaud, professeur de droit à Paris II et président du Cercle des constitutionnalistes, a jugé que cette Constitution de 2002 fait « aujourd’hui consensus, au point que le 29 octobre 2012, unanime, et toutes ses sensibilités, le Conseil national rappelait expressément qu’il n’avait jamais sollicité — et n’avait pas l’intention de solliciter — aucune extension de ses pouvoirs qui irait au-delà des dispositions de la réforme constitutionnelle de 2002, voulue par le prince Rainier III ». Puis, se tournant vers le prince Albert II : « Ainsi, le prince demeure depuis 1911, le fondement constitutionnel unique des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire, dont la Constitution a, au demeurant, garanti la séparation. Cet héritage, nous le devons à votre ancêtre, Albert Ier ».

hommage Albert 1er conseil national
© Photo Gaetan Luci / Palais Princier

S’adressant plus directement à Stéphane Valeri, le prince a également salué la « teneur concrète que vous avez su, avec mon gouvernement, donner à la doctrine dite du « pas vers l’autre » que j’avais exposée devant votre assemblée, le 23 juin 2006 »

« Stabilité »

À son tour, le prince Albert II a pris la parole. Il a d’abord mis en évidence qu’entre 1911 et 2022, il existe une forme de continuité. Le nom de départ « Conseil national » est toujours là. « Il en est de même du précieux équilibre entre l’élection au suffrage universel des représentants des Monégasques, d’une part, et l’autorité souveraine, fédératrice et inaltérable, du prince, d’autre part. Dans un monde en proie aux incertitudes, cet équilibre a été le garant de la stabilité de notre État », a estimé le prince Albert. Il a aussi glissé que la toute première constitution monégasque remonte non pas à 1911 mais à 1848, sous le règne du grand-père du prince Albert Ier, le prince Florestan Ier : « Cette première charte constitutionnelle du 25 février 1848 créait une assemblée élective. Elle fut cependant très vite invalidée par la sécession de Menton et de Roquebrune, le 2 mars suivant, sans jamais être appliquée à la « Cité-Etat » que devint Monaco », a rappelé Albert II. La principauté a alors connu un important rétrécissement, passant d’un territoire de 25 km2 à environ 2 km2, et de 6 000 habitants à 1 200. Dans un tel contexte, l’intérêt de promulguer une Constitution ne s’est pas fait sentir « du fait du caractère familial des rapports de gouvernance », a indiqué le souverain. Puis, revenant au temps présent, il a remercié les élus d’avoir proposé de baptiser la bibliothèque du Conseil national du nom de son trisaïeul, lui qui s’est aussi illustré en créant la bibliothèque communale et en réaménageant celle du palais princier. S’adressant plus directement à Stéphane Valeri, le prince a également salué la « teneur concrète que vous avez su, avec mon gouvernement, donner à la doctrine dite du « pas vers l’autre » que j’avais exposée devant votre assemblée, le 23 juin 2006 ». Jugeant le parcours de son trisaïeul particulièrement inspirant, le prince Albert II a terminé son intervention avec ces mots : « Parce que les questions d’hier recoupent souvent les défis d’aujourd’hui ou de demain, sachons faire nôtre, en le vivifiant sans cesse, l’héritage du prince Albert Ier, reposant sur les exigences de l’État de droit et l’adaptation continue aux changements du monde qui nous entoure. »