vendredi 19 avril 2024
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Guerre ouverte aux cantonales

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René Vestri et Xavier Beck
René Vestri et Xavier Beck © Photo D.R.

Ambiance très électrique à Villefranche-sur-Mer, enjeu des élections cantonales les 20 et 27 mars prochains. Depuis quelques semaines, c’est une véritable guerre ouverte qui se joue dans les rangs de la droite entre le maire de Cap d’Ail Xavier Beck, candidat de l’UMP, et le dissident René Vestri qui n’a pas obtenu l’investiture du parti.

Une question « d’hygiène publique » pour Jean-Claude Guibal, député-maire de Menton. « La restauration de la morale publique » pour Eric Ciotti, président du conseil général des Alpes-Maritimes. C’est en ces termes que les barrons locaux de l’UMP définissent les enjeux des cantonales de Villefranche-sur-Mer. Avec un homme à abattre clairement identifié?: René Vestri. Mis en examen en avril 2010 dans l’affaire de la Tour Odéon, le sénateur-maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat est candidat à sa propre succession aux élections cantonales des 20 et 27 mars. « Il a parfaitement le droit d’invoquer la présomption d’innocence. Ce n’est pas un avocat qui dira le contraire. Mais il y a tout de même, et heureusement, peu de parlementaires ou de sénateurs en France qui sont mis en examen pour blanchiment d’argent en bande organisée, association de malfaiteurs et trafic d’influence. Pas de chance, ça tombe chez nous », ironise Xavier Beck. Le maire de Cap d’Ail a donc obtenu l’investiture de l’UMP et du Nouveau Centre pour affronter les urnes. Depuis cette annonce, les photos de « famille » s’enchainent dans la presse. Xavier Beck, Eric Ciotti, Jean-Claude Guibal, le maire de Nice Christian Estrosi prennent ensemble la pose. Tout en dézinguant sans ménagement le conseiller sortant pendant les réunions de campagne. Le candidat UMP a également bénéficié du soutien de François Fillon via un courrier. « Votre expérience d’élu et votre engagement sans faille pour votre territoire militent en faveur de votre candidature », indique ainsi le premier ministre français.

De son côté René Vestri, 72 ans, n’a pas dit son dernier mot. Face à ces démêlés avec la justice, l’homme brandit à tout-va la carte de la présomption d’innocence. Et reste serein. Misant sur son assise historique dans ce canton où il est élu depuis 1985. « Avec ou sans étiquette aux sénatoriales, j’ai gagné. Pareil à la mairie. On s’est appuyé sur les affaires pour me déboulonner. En mettant en doute ma gestion. Or, j’ai fait de Saint-Jean la commune la plus riche de France », se félicite le sénateur-maire qui a du coup cherché du soutien ailleurs. Et c’est dans le noyau des dissidents à « l’intercommunalité » qu’il les a trouvés. L’homme peut en effet compter sur le maire d’Eze, Stéphane Cherki, le maire de la Turbie, Nicolas Bassani, le maire de Castillon, Philippe Rion et Gérard Spinelli, le maire de Beausoleil qui ont un point commun avec René Vestri?: tous sont contre le passage de la communauté urbaine en métropole annoncé pour le 1er janvier 2012. Un débat qui n’a d’ailleurs cessé de s’inviter pendant cette élection cantonale et qui continue de diviser en deux camps les communes du département.

Cumul des mandats

Au-delà de ses démêlés avec la justice, les opposants à René Vestri ne ratent pas une occasion de tirer à boulets rouges sur l’absentéisme chronique du conseiller sortant, sur son âge avancé et sur le cumul de ses mandats. « Il n’y a plus de conseiller général depuis 2008. Il faut savoir que René Vestri ne met plus les pieds au Conseil général depuis 2 ans. Il s’est représenté pour des raisons qui n’ont rien à avoir avec l’intérêt qu’il porte au canton », estime Xavier Beck pour qui cette candidature se résume plus à une volonté de « règlement de compte. Il veut montrer qu’il a encore sa place dans le département ». Avant d’ajouter?: « Bizarrement sur le terrain, je constate que ses casseroles judiciaires, ce n’est pas tout de suite ce qui vient à l’esprit des électeurs. Ils se plaignent d’abord de son âge, puisqu’il a tout de même 72 ans, et du cumul de ses mandats qui fait qu’il est très occupé ». Le maire de Cap d’Ail rappelle d’ailleurs que René Vestri « a critiqué le cumul des mandats pendant des années, alors qu’aujourd’hui, à lui seul, il en a 5 ». René Vestri est en effet sénateur, maire, conseiller général, président d’un Sivom (syndicat intercommunal) et vice-président de la communauté urbaine Nice Côte d’azur.

« Querelles d’hommes »

En tout cas, rarement le canton de Villefranche aura autant focalisé l’attention des médias. Pas certain que l’engouement sera aussi intense dans les urnes. Les autres candidats à l’élection regrettent d’ailleurs l’absence de débat de fond. L’attention ayant été presque exclusivement focalisée sur des « querelle d’hommes », selon la formule de Christian Patrac, le candidat du Front national. Un débat dans lequel le maire de Nice, n’a d’ailleurs pas hésité à mettre la pression. « Pour le développement du canton, ce qui est proposé par Xavier Beck sera soutenu et accompagné, si ce n’est pas Xavier Beck, ce n’est pas pareil », a ainsi expliqué en réunion publique Christian Estrosi. Un sous-entendu très clair qui a, sans surprise, ulcéré René Vestri. « Est-ce à dire que si Monsieur Beck n’est pas élu, notre canton sera puni pour ne pas avoir bien voté?? C’est une bien curieuse conception de la démocratie. La vérité, c’est qu’en présentant ma propre liste aux sénatoriales, j’ai déplu aux princes qui gouvernent à Nice », s’est indigné le conseiller sortant dans les colonnes du Petit niçois. De son côté, Xavier Beck estime logique cette mise en garde de Christian Estrosi?: « Ce sont les maires en personne qui sont obligés d’aller voir le président du conseil général et de taper à la porte des services pour faire avancer les dossiers. Alors que c’est normalement le travail du conseiller général. Si l’on continue encore ainsi pendant trois ans, ce ne sont pas les meilleures conditions pour que les dossiers avancent ». (Le vainqueur de l’élection ne siégera en effet que trois ans. En cause?: la réforme des collectivités territoriales à l’horizon 2014. Les conseillers généraux et régionaux seront ainsi remplacés par des conseillers territoriaux qui siègeront à la fois au département et à la Région). Même constat pour Christian Patrac?: « Il faut savoir que Vestri n’obtient plus aucune subvention sur son canton lorsqu’il en demande une. Tout repose sur le budget municipal », explique le candidat du FN qui espère bien tirer profit de ce conflit à droite?: « Quand j’ai vu l’énorme guerre qu’il y avait entre Beck et Vestri, je me suis dit que j’avais une carte à jouer. Que cette division me serait favorable », explique Christian Patrac également persuadé que le « phénomène Marine Le Pen » lui rapportera à coup sûr quelques voix (voir encadré). « Si Xavier Beck est élu, on aura un conseiller général UMP qui sera aux ordres d’Estrosi et de Ciotti » s’alarme de son côté la candidate du Parti socialiste, des Verts et d’Europe écologie, Monique Grasso-Bessa.

Division sur la « métropole »

L’autre débat qui a dominé dans cette campagne, est l’opposition frontale sur l’intercommunalité. Avec d’un côté, des maires de communes farouchement contre le passage de la communauté urbaine en métropole. De l’autre, des maires qui militent sans relâche pour cette intégration. « La volonté du maire de Nice Christian Estrosi d’avoir absolument Xavier Beck à ses côtés, c’est aussi pour mettre les petites villes autour de Nice à sa botte et surtout faire passer ses projets pharaoniques niçois », explique d’ailleurs la candidate communiste Colette Mô Bois. « On refuse d’être bouffé », lance à son tour René Vestri. Alors que pour Xavier Beck pas de doute?: « La métropole n’est pas la fin des communes. Je regrette d’ailleurs que Gérard Spinelli ne m’ait pas convié à ses réunions sur l’intercommunalité. Car on raconte beaucoup de bêtises dans ce débat ». Une division qui risque de séparer encore longtemps les communes de l’est du département.

Enjeux franco-monégasques
Certains enjeux de la campagne concernent aussi Monaco. Et c’est globalement autour des transports, de l’environnement ou encore de la sécurité que les thématiques entre les deux pays se rejoignent selon les candidats. Pour Xavier Beck, Monaco représente un gros bassin d’emploi pour les communes limitrophes. Il serait ainsi urgent de faire du TER « une sorte de métro azuréen » pour faciliter le quotidien des salariés. Pour la candidate socialiste Monique Grasso-Bessa, c’est l’arrivée chaotique des automobilistes sur Monaco qu’il faut régler. « Tous les matins, c’est la folie sur Eze ou Cap d’Ail. C’est l’horreur?! Ça fait des années que c’est comme ça. Et rien n’a été fait pour régler ce problème », explique la candidate. De son côté, le candidat du FN Christian Patrac rappelle que « de nombreux résidents monégasques possèdent des résidences secondaires en France. Ils peuvent ainsi être sensibles au discours sécuritaire que l’on défend pour faire face aux nombreux délits, vols et autres cambriolages qui ont lieu dans la région ». Le candidat du FN souhaiterait d’ailleurs que le « principe de préférence nationale », en vigueur à Monaco, soit également appliqué en France…
“La vague bleue Marine”
C’est le leitmotiv « poétique » du moment au Front national?: « La vague bleue Marine » qui créerait une « onde de choc dans la vie politique ». Une formule que le candidat du FN aux cantonales de Villefranche reprend volontiers. Le tout accompagné de quelques louanges sur la nouvelle chef de file du parti. « Les gens n’ont plus peur d’être diabolisés. C’est une femme qui va révolutionner la politique », explique Christian Patrac, sympathisant du FN depuis 20 ans et adhérent depuis un an. D’autant que, Marine Le Pen serait devenue une vraie machine à créer de l’adhérent. « Elle a considérablement dopé nos adhésions. Rien que sur ma circonscription, nous comptons aujourd’hui environ 100 adhérents. Alors qu’il y en avait environ 30 il y a encore deux mois et demi ». Dans la seule nuit du 9 au 10 décembre de son élection, le FN aurait reçu, selon le candidat, 2?400 adhésions au niveau national.