jeudi 28 mars 2024
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Egalité femmes-hommes
« Est-il normal de parler “d’effort” ? »

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La séance législative du 25 novembre 2020 a mis sur le devant de la scène la question de l’égalité femmes-hommes, un sujet sensible qui a occupé près de la moitié des débats.

Il a aussi été question de la Société des Bains de Mer, du groupe d’États contre la corruption et de Legimonaco.mc.

Deux propositions de loi et deux propositions de résolution étaient au programme de la séance législative du Conseil national, dans la soirée du 25 novembre 2020 (lire encadrés, par ailleurs). C’est surtout la résolution concernant la promotion de la « représentation des femmes au sein des conseils d’administration des entités, publiques et privées, dépendant de l’Etat » qui a occupé l’essentiel de cette soirée. Votée sans surprise à l’unanimité (Michèle Dittlot et Jean-Louis Grinda étaient absents), la recherche de l’égalité femmes-hommes suit son chemin en principauté. « Même si je trouve regrettable que pour faire évoluer les mentalités, il faille passer par la voie législative, qu’il s’agisse d’une loi, ou encore d’une résolution tel que c’est le cas ce soir, il apparaît évident qu’aujourd’hui il est nécessaire de donner un coup de pouce dans l’accélération de l’évolution des mentalités », a commencé la rapporteure et présidente de la commission des droits de la femme et de la famille, Nathalie Amoratti-Blanc. Avant d’ajouter : « Si les croyances de certains, ou les habitudes d’autres, tendent à maintenir des usages que je considère « archaïques », il va sans dire, et nous partageons tous ici la même position, que la mixité accélère l’évolution des mentalités et de la perception de la place des femmes dans notre société. Il est donc question, au-delà de l’égalité à proprement parler, d’un juste équilibre et d’équilibre juste, bien entendu à compétences égales. »

« Patriarcat »

La féminisation des conseils d’administration, qui est donc l’objet du texte présenté le 25 novembre au soir, est un « important levier » de changement des représentations des femmes qu’il faut absolument actionner, a estimé Nathalie Amoratti-Blanc, avant de demander plus directement un effort de la part du gouvernement monégasque : « Je compte, bien entendu, sur l’Etat pour faire preuve de proactivité et se montrer exemplaire en la matière, afin d’inciter tous les autres acteurs économiques ou associatifs de la principauté à tendre vers davantage de mixité. » C’est ensuite à l’écart de salaire que s’est intéressée la présidente de la commission des droits de la femme et de la famille. Estimé à 20 %, ce sujet a été mis sur le devant de la scène le 18 septembre 2020 à l’occasion de la Journée internationale de l’égalité de rémunération. Mais ce n’est pas forcément une bonne nouvelle, estime Nathalie Amoratti-Blanc qui s’est longuement questionnée : « Est-ce aujourd’hui normal, en 2020, pour reprendre les termes employés sur le site des Nations Unies, de « rendre hommage aux efforts déployés par toutes les parties prenantes pour parvenir à l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale » ? Est-il normal de parler « d’effort » ? Est-il normal en 2020 d’organiser des journées internationales pour sensibiliser les mentalités et promouvoir l’égalité ? Pour moi, et pour nous tous ici présents, et pour tous ceux qui nous écoutent, j’en suis certaine, l’égalité entre les hommes et les femmes devrait être une évidence. » Citant Victor Hugo qui indiquait qu’une « moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l’homme le droit de la femme. », Nathalie Amoratti-Blanc a rappelé que cette citation datait de 1872 : « Nous sommes aujourd’hui en 2020. N’est-il pas temps de sortir d’une forme d’organisation sociale dans laquelle l’homme exerce le pouvoir ou détient le rôle dominant, plus communément appelé « patriarcat ». Certes, nous sommes sur la bonne voie, mais il faut continuer. »

Nathalie Amoratti-Blanc. Présidente de la commission des droits de la femme et de la famille © Photo Conseil National.

« Si les croyances de certains, ou les habitudes d’autres, tendent à maintenir des usages que je considère « archaïques », il va sans dire, et nous partageons tous ici la même position, que la mixité accélère l’évolution des mentalités et de la perception de la place des femmes dans notre société » Nathalie Amoratti-Blanc. Présidente de la commission des droits de la femme et de la famille.

« Pays nordiques »

De son côté, le ministre d’Etat, Pierre Dartout, a souligné que ce sujet concernait et motivait beaucoup son gouvernement : « Les obligations que nous avons vis-à-vis des femmes sont au cœur de notre préoccupation. » On se souvient de la nomination le 1er octobre 2020, de la vice-présidente du Conseil national, Brigitte Boccone-Pagès au poste d’administrateur de la Société des Bains de Mer (SBM). En intégrant une femme dans le conseil d’administration de cette entreprise, dont l’Etat est actionnaire majoritaire à hauteur de 59,47 %, un signal a donc été récemment donné. Mais il faudra beaucoup plus pour véritablement changer la donne. A Monaco, selon les chiffres publiés par l’institut monégasque de la statistique (Imsee), il n’y a que 21,4 % de femmes qui sont à la tête d’une société anonyme monégasque (Sam). Et ce chiffre laisse l’élu Priorité Monaco (Primo !), Franck Julien, dubitatif, surtout au vu de ce qui est constaté à l’étranger : « Comme souvent sur ces problématiques sociétales, les pays nordiques ont montré l’exemple. Aujourd’hui, dans des pays comme la Norvège, la Suède, la Finlande ou le Danemark, 100 % des conseils d’administration ont au moins une femme en leur sein. Mieux, la Norvège a été en 2003 le premier pays du monde à imposer un quota de 40 % de femmes dans les conseils de surveillance des entreprises. Dans les pays de l’OCDE, en moyenne, le pourcentage des femmes présentes dans les conseils d’administration est passé entre 2015 et 2019 de 21,2 % à 25,5 %. […] Si nous disposions du pourcentage de femmes au sein des conseils d’administration des Sam, j’ai bien peur que Monaco se classerait parmi les moins bons élèves, et nous serions assurément bien loin des 46 % atteints par l’Islande. » Le 20 novembre 2020, l’Allemagne a décidé d’avancer à marche forcée en durcissant sa politique des quotas. Désormais, au moins une femme devra siéger dans les instances dirigeantes des entreprises, « dès qu’une entreprise compte plus de trois administrateurs », précise le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Quant aux entreprises publiques allemandes, un quota de femmes de 30 % sera désormais nécessaire dans leur conseil de surveillance. De plus, une « participation féminine minimale devrait également être mise en place dans les caisses d’assurance maladie, les agences fédérales et les caisses d’épargne ». En principauté, les élus ont donc décidé d’insister auprès du gouvernement, lui demandant d’être exemplaire sur ce sujet, afin d’inciter le secteur privé à augmenter le nombre de femmes présentes dans les conseils d’administration de la principauté. « C’est donc à présent au gouvernement, d’avoir la volonté politique de montrer l’exemple, en agissant à sa place pour que soient nommées, de manière équilibrée, davantage de femmes dans les conseils d’administration des organisations privées et publiques qui dépendent de l’Etat », a insisté le président du Conseil national, Stéphane Valeri.