jeudi 25 avril 2024
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Ouvrir un compte à Monaco
devient un droit

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Un nouveau droit a été consacré en principauté : l’ouverture d’un compte bancaire. Le travail législatif a permis d’encadrer la possibilité pour les personnes physiques et morales de détenir un compte dans les établissements de crédit de la principauté.

«Un texte qui, dans son principe, peut apparaître simple, mais qui, dans sa mise en œuvre et sa réalisation, appelle énormément de réflexion ». C’est par ces mots que le président du Conseil national, Stéphane Valeri, a qualifié le projet de loi n° 991, voté mardi 30 juin en séance publique. Ce projet de loi, faisant suite à une proposition de loi du Conseil national datant de 2017, qui concerne le droit à l’ouverture d’un compte bancaire en principauté. Une loi d’apparence simple, mais qui vient combler un manque à Monaco. « Cette contribution a été à la fois technique, mais également pratique, en ce qu’elle a permis d’appeler l’attention de la commission sur le fait que les difficultés liées à l’ouverture ou au maintien d’un compte bancaire sont plus nombreuses que l’Assemblée aurait pu le penser de prime abord », a renchéri Fabrice Notari (Primo !), rapporteur du projet de loi, et président de la commission pour le suivi de la négociation avec l’Union européenne (UE). Que ce soit pour des personnes morales ou physiques, l’ouverture d’un compte sur la place monégasque n’est pas toujours si aisée. Les établissements de crédit refusent parfois certains profils trop précaires, ou bien des entrepreneurs dont l’activité s’organise avec des pays dits « sensibles ». En cas de refus, grâce à cette loi, les requérants pourront désormais se tourner vers la direction du budget et du trésor. Plusieurs motivations ont donc concouru à la rédaction de ce projet de loi : sociale, économique et éthique. Il vise à assurer à tous l’accès à un compte bancaire, quelle que soit sa situation ou son profil. Mais aussi à « favoriser l’éthique et la transparence », comme le note le rapport du projet de loi, à assurer l’équité des campagnes en permettant à tous les candidats l’accès à un compte bancaire, et également à permettre aux entrepreneurs de développer leur entreprise en principauté. « Par l’ouverture du compte bancaire, l’établissement de crédit contribue, dès lors, au développement économique et l’on comprend qu’une position trop rigoriste ou frileuse desdits établissements est potentiellement de nature à compromettre, à terme, certains secteurs d’activités », a lu le conseiller national élu de la majorité Priorité Monaco (Primo !), Fabrice Notari, en séance. Le droit au compte peut s’invoquer pour les Monégasques, les résidents, les personnes et entreprises en cours d’installation, ainsi que tout mandataire financier de candidats en campagne.

La direction du budget et du trésor en médiateur

Pour assurer l’effectivité du droit, la direction du budget et du trésor va assumer un nouveau rôle. « Aussi les élus ont-ils décidé de doter la direction du budget et du trésor de la possibilité de désigner un établissement de crédit, en présence d’un refus ou d’une résiliation. » Une position de médiateur pour la direction du budget et du trésor, qui n’a pas vocation à se positionner trop régulièrement, comme le souhaite Jean Castellini, conseiller-ministre des finances et de l’économie. « J’ai bon espoir que la consécration unanime de ce nouveau droit aboutisse à ce qu’il soit nécessaire de l’utiliser uniquement dans des cas rarissimes. Ce qui aurait comme conséquence appréciable de ne pas monopoliser inutilement les fonctionnaires et agents de la direction du budget et du trésor dans le nouveau rôle que lui confère ce texte, en plus de toutes les missions qu’elle doit mener à bien. » Tous les amendements proposés par le Conseil national ont été acceptés par le gouvernement, a-t-il ensuite souligné, témoignant ainsi de l’entente institutionnelle entre les deux organes.

Les élus satisfaits

Après la lecture du rapport, la plupart des élus du Conseil national ont salué la consécration de ce nouveau droit en principauté. L’élu de la majorité, Balthazar Seydoux, a rappelé que les « échanges ont permis d’aboutir à un consensus, avec la contribution active des représentants de l’Association Monégasque des Activités Financières (Amaf) et des organisations de la société civile les plus concernées : l’Ordre des experts-comptables, la Fédération des entreprises monégasques (Fedem) et l’Union des commerçants de Monaco (Ucam) ». Le conseiller national Primo !, Franck Julien, a lui voulu souligner l’importance du droit au compte pour compléter la loi sur les offres de jetons (lire son interview publiée dans Monaco Hebdo n° 1158). « Quelle serait l’efficacité de la loi n° 1491 relative aux offres de jetons, que je rapportais ici-même il y a 15 jours, si le droit au compte n’était pas instauré ? Nous pourrions assister à des situations kafkaïennes, où le ministre d’État autorise une offre de jetons, mais que celle-ci soit au final matériellement impossible à réaliser, car aucun établissement bancaire n’accepterait d’ouvrir le compte bancaire nécessaire au séquestre des fonds levés pendant la durée de l’offre de jetons. Comme je le disais en liminaire, l’adoption de ce projet de loi permettra à Monaco de gagner en souveraineté, et c’est sans réserve que je voterai dans quelques instants ce texte de loi ». De son côté, l’élu de la majorité Thomas Brezzo a insisté sur la future transposition du règlement européen de protections des données, afin de parfaire l’arsenal législatif. « Ouvrir un compte bancaire à Monaco s’est avéré pour certains, être un véritable chemin de croix », a reconnu l’avocat au barreau de Monaco, se félicitant du vote du texte, en nuançant toutefois, que « nous restons, ainsi que j’ai déjà pu le rappeler encore récemment, dans l’attente du projet de loi relatif à la transposition du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce n’est qu’une fois que nous aurons voté l’ensemble de ces textes, que nous pourrons pleinement nous satisfaire des avancées en la matière ». Enfin, en conclusion, le président du Conseil national, Stéphane Valeri, a rappelé la fonction sociale de ce type de loi : « Pour ce qui concerne les résidents, certains, souvent aux revenus les plus modestes, se voyaient parfois refuser le droit d’ouvrir un compte dans les établissements bancaires de la place, la gestion de ce genre de profil étant moins lucrative, voire peu lucrative. Je pense aussi à ces entreprises ». Afin de faire en sorte que les banques puissent permettre l’accès à chacun à un compte bancaire, le projet de loi n° 991, voté à l’unanimité a entériné ce nouveau droit à Monaco.

Un projet de loi contre l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité

Le projet de loi n° 1002 a introduit une nouvelle infraction dans le code pénal : organiser son insolvabilité. « Ce texte a pour objet de sanctionner les personnes qui, par le biais de manœuvres frauduleuses, organisent ou aggravent leur insolvabilité, dans le but d’échapper à l’exécution d’une condamnation pécuniaire, prononcée par les juridictions répressives ou civiles, ou au paiement d’une somme d’argent constaté par un acte judiciaire ou extrajudiciaire », a lu la conseillère nationale Horizon Monaco (HM), Béatrice Fresko-Rolfo, rapporteure de ce projet de loi en séance. Ce texte se résume à l’introduction d’un article unique dans le code pénal monégasque. Celui-ci vise à protéger les créanciers dont la dette serait née d’une « faute ayant engagé la responsabilité civile ou pénale de son auteur ». Plusieurs dispositions ont été nouvellement insérées dans le but de lutter contre l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité : l’ajustement du délai de prescription en tenant compte du dernier agissement frauduleux, l’augmentation de l’amende encourue pour ce type de fraude, la possibilité pour le juge de coupler la peine initiale à la peine sur l’insolvabilité, et enfin la possibilité de poursuivre les tierces personnes ayant aidé à l’organisation de cette insolvabilité. Il a été rappelé plusieurs fois que cette nouvelle infraction permettra notamment de lutter plus efficacement contre les non-paiements de pension alimentaire par exemple.